La 10ème édition de La Bouillonnante a rassemblé plus de 2500 coureurs ce 25 avril 2015. Une course nature qui tire son nom de la ville de Bouillon (Belgique), point de départ et d’arrivée de cette splendide, mais difficile épreuve.
La Bouillonnante fait visiter les plus beaux sites des Ardennes belges : Vallée de la Semois ,Tombeau du Géant, Crêtes de Frahan, villages de Rochehaut, de Mouzaive… La parcours emprunte même une promenade considérée par beaucoup comme la plus périlleuse de Belgique : la « promenade des Échelles » (Rochehaut). Benoît Carlin, 6ème de la course, nous permet de revivre l’évènement à travers le récit de sa course.
Le trail de Bouillon, on m’en a parlé il y a un an et demi en me disant que, pour un trailer Ardennais, c’était indispensable d’y participer mais qu’il fallait s’inscrire longtemps à l’avance. Ouverture des inscriptions du 56kms 2400D+ le 5 décembre à minuit (Ah oui pour une course fin avril) clôtures des inscriptions, car effectif atteint, 14h plus tard… Un truc de dingue !!!
Un trail très populaire prisé avant tout par les Belges et ensuite par les frontaliers Français comme moi et aussi par les Néerlandais. Je vis à 10 minutes de Bouillon autant dire que c’est facile pour moi d’aller m’y entrainer, c’est mon fief, mon jardin et mon terrain de jeu préféré… Parfois j’y vais même en courant, à travers bois bien sûr. Le massif ancien ardennais ne culmine plus qu’à 500m côté Français et presque 700m côté Belge mais il y a bien longtemps, c’est sûr, il devait dépasser les Alpes. Pour un trailer ou un cycliste c’est un excellent terrain de jeu et l’organisateur Patrick Van Gasse, pour la 10ème édition, a tracé comme à son habitude, un superbe parcours à travers les forêts des alentours.
C’est un terrain schisteux de moyenne montagne avec cette fameuse vallée de la Semois (affluent de la Meuse) très encaissée qui permet des dénivelés conséquents et de nombreux points de vue magnifiques. Bon d’accord le soleil manque un peu mais quand il est là, à Bouillon, on se croirait en vacances. Mais aujourd’hui je ne suis pas venu pour me prélasser, 8ème l’année passée (meilleure perf ITRA de ma saison) je compte bien réitéré cette année voire améliorer… Le week end dernier j’étais malade et je viens de passer une semaine difficile mais mon épouse a tout fait pour m’épargner et ici je vais donner le meilleur de moi-même, Bouillon, c’est mon objectif de cœur.
A une 1/2h du départ je suis avec mes amis trailers et je ne ressens aucun stress, je suis juste heureux d’être là avec eux au départ d’une course que j’adore, sur un parcours que je connais bien. Avec mon ami José, compagnon d’entraînement et d’aventures nous rejoignons tranquillement le départ qui aura lieu dans la cour du magnifique château de Bouillon. Afin d’être placés au mieux sur la ligne de départ nous trainons un peu… A quelques minutes du départ impossible d’avancer, dans l’étroit tunnel qui mène au tapis puce. Nous sommes mélangés avec les coureurs du 35kms et ça bouchonne. Le départ est donné, une étroite file de coureurs commence à descendre en sens inverse de nous dans ce maudit tunnel où il fait nuit noire. Il nous faudra pas moins de 7’ avant de rejoindre le fameux tapis afin d’être certains d’être pris en compte.
Le coup de panique passé nous partons enfin en nous disant que c’est la puce qui comptera mais non… Le temps perdu ne se rattrape jamais…Les 7 minutes compteront ! Il ne nous reste plus qu’à remonter un maximum de coureurs avant les passages étroits et c’est ce que nous faisons mais il nous faudra plus d’une heure avant de pouvoir courir de manière complètement fluide. Tant pis, aujourd’hui nous avons tous les deux les bonnes jambes et nous courons sur notre terrain de jeu préféré, c’est ça le plus important… On enrage quand même…
Allez positivons : Le balisage est excellent et au moins on ne risque pas de se perdre.
Au bout d’une heure de course, à Frahan, je suis pointé 14ème, et j’ai environ 4h30 devant moi pour grignoter encore… Ne pas s’affoler, se calmer car du coup nous sommes partis très vite. Je relâche bien dans la longue descente sous Rochehaut qui va mener à une côte de plusieurs kilomètres… José grimpe vite, moi je cours à ma main et je sens que je monte, que ça répond. Je m’évite de souffrir, je me positionne juste en deçà de la douleur. Ça donne un rythme agréable à mener où la lucidité permet d’appréhender prudemment les pièges du terrain et les descentes se font vite. On passe à Cornimont, magnifique village perché, la preuve qu’on va bientôt descendre sur Mouzaive où se trouve le second ravitaillement. Vers le 27ème kilomètre, nous pointons 11 et 12ème c’est un peu mieux…
Un mur à monter puis en haut un faux plat au milieu des bruyères. Une contracture commence à pointer sur mon mollet gauche. Elle m’a embêté en début de semaine puis s’est effacée et voilà qu’elle se rappelle à moi. La pluie tombe par averses éparses et nous rafraichit sans nous détremper c’est du temps idéal pour une bonne perf mais il ne faudrait pas que le mollet vienne gâcher la fête. Un peu avant le 3ème ravitaillement le sentier est coupé sur environ 1km par de nombreux arbres tombés cet hiver sous le poids de la neige. Je ne suis pas spécialiste du franchissement d’arbres mais apparemment je ne suis pas le seul car derrière moi, ça râle, mais le trail c’est aussi ça…
Le ravitaillement arrive (43ème km), j’entends ma fille qui hurle des « allez papa », un de mes deux fils est là aussi avec mon épouse, je sens que ça pousse derrière. Je fais le plein de boisson énergétique, m’hydrate et repars vite. Mon mollet me gêne mais ce n’est pas douloureux et je l’épargne autant que je peux avec la cuisse ou la jambe droite. Je pense très fort à Fred, un ami, qui court avec une cheville en vrac et qui doit sans cesse dominer sa douleur. Mon mollet ira jusqu’où je l’aurai décidé. On a maintenant « the Wall » à franchir seulement 150mde D+ mais sur 400m dans les bois et sur sol glissant. Je ne vole pas mais ça va, les jambes répondent.
Arrivé en haut, encore une belle côte que je cours bien, c’est bon signe et bientôt ce seront les échelles. Sur le versant de la vallée, afin de faire passer le GR (sentier de grande randonnée) et de le rendre accessible (pas à tous quand même) les Belges ont scellé des échelles métalliques dans la roche. Ce passage pimente un peu la course à condition de rester prudent… Une plaque mortuaire qui m’intrigue toujours est d’ailleurs apposée sur le chemin. Qu’est-il arrivé à cet homme ? Une mauvaise chute ? Je ne sais pas mais cette plaque à plus de vertus que toutes les pancartes d’avertissements. Toucher cette plaque est devenu pour moi un rituel à chacun de mes passages et me rappelle qu’il faut rester humble face aux risques de la nature.
Les échelles nous emmènent vers le bas de la vallée, il va donc falloir remonter et là c’est tellement raide qu’on y met les mains… Mon ami José a un peu décroché en haut de the Wall mais il n’est pas loin et il est aussi dans un bon jour, je ne m’inquiète pas pour lui. Quelques côtes et descentes plus loin et c’est la montée le long du ruisseau vers Botassart. C’est très raide mais j’arrive encore à courir sauf qu’une crampe vient me déformer l’ischio gauche. Il reste 7-8kms je ne vais pas pouvoir finir comme ça… On vient de m’annoncer que je suis
7ème et j’ai des crampes. Je n’ai jamais eu de crampes en courant, même à la TDS (Trail des Ducs de Savoie) et là sur Ma course j’ai des crampes… Mon short me sert très fort alors je m’imagine que c’est à cause de lui, je tire un peu dessus et je marche. Vers le haut je recours doucement, ça va… Sur la dernière portion qui mène sur les hauteurs de Botassart les jambes sont bonnes, je regrimpe bien. Je refais le plein de boisson énergétique et je repars.
La descente vers le tombeau du géant est exigeante mais c’est là que je me rassure. Et voilà l’attraction suivante, la traversée de la Semois. L’eau froide me fait du bien aux jambes, par contre je n’avais pas souvenir d’en avoir jusque là l’année passée, le niveau des jambes m’aurait bien suffit… ça se confirme, la Semoy m’a fait du bien, je cours dans presque toutes les montées et mon mollet est totalement endormi. On m’annonce 6ème, c’est super… J’espère que José tient bon derrière… On retraverse la Semoy et c’est la dernière montée au belvédère (construction en bois et métal placé à 150m plus haut que Bouillon).
André, un ami trailer m’encourage et m’emmène sur les 2 derniers kilomètres de montée, mais le dernier passage est en trop pour moi, je n’avance plus. Dans la dernière descente les jambes répondent encore mais la montée des marches du Château finit de m’épuiser. Je lève le bras pour franchir la ligne car faire 6ème ici, c’est comme une victoire. Mon ami Jo est 8ème, c’est bien et c’est bon pour nous.
C’est une idée ou j’ai vu de l’Orval et de la Chimay là-bas… C’est aussi ça, les Ardennes ! »
>> Les résultats de la Bouillonnante
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