La préparation à la Western States se poursuit et m’a amené à aller découvrir la Turquie sur un nouveau « 50 miles » programmé depuis le début de l’année par le team ASICS pour moi. Très dépité d’être séparé de Sissi qui doit aller courir en Patagonie, je reste très heureux d’aller courir à Iznik, petite ville de province turque dont les céramiques sont la spécialité.
L’IZNIK ULTRA MARATHON est le plus gros ultra du pays et je suis très pressé de découvrir le parcours très dépaysant ( dont j’ai visionné les vidéos) et l’accueil de la population que je sais très chaleureux.
Un vendredi dédié à 14h de voyage nous amène à manger une assiette rapidement vendredi soir avec Benoit (Girondel), mon acolyte de team et Francky (Bussiere) qui joue le team manager pour le week end ! Il est très tard lorsque nous nous couchons mais nous avons réussi à nous reposer dans les différents transports utilisés (voiture, avion, taxi, ferry, navette en bus). Iznik c’est joli, mais ça se mérite !!
Le lendemain matin, nous découvrons le village dont une partie du charme réside au fait qu’il se situe au bord d’un lac magnifique… Le parcours nous amène d’ailleurs à faire le tour et à surplomber ce lac tout le long, ce qui nous permettra d’avoir des panoramas magnifiques tout au long de l’épreuve. Un petit déjeuner avalé 2h 30 avant le départ, le contrôle des sacs fait, le dossard placé bien en évidence, il ne nous reste plus qu’à nous rendre sur le site de départ! L’occasion d’étrenner les toilettes … à la turque ! Et à Benji de confondre les toilettes hommes et femmes à deux reprises ! Hommes se dit Bay en turque mais encore faut il le savoir !:-)
Bref, le départ est donné dans ces entrefaites avec une voiture ouvreuse très entreprenante et une population très enthousiaste… Ça fait chaud au cœur ! Avec Bengi, nous avons décidé avant la course de temporiser sur les 19 premiers kilometres qui sont tout plats afin de ne pas trop entamer nos réserves.. La chaleur est déjà très présente dès le depart et nous sentons que la course peut être trèèèèès longue si on se brûle trop vite les ailes. Nous craignons de surcroît les américains au départ, le turc vainqueur l’an passé ainsi que Ben l’anglais du team INOV 8 monde dont on nous a fait les louanges… Bref, on se met rapidement sur un train autour de 15 km/h afin de ne pas se griller mais de voir rapidement les forces en présence.
A ce petit jeu, nous nous retrouvons à 4 très rapidement avec bengi, Ben l’anglais et le turc dont j’ai mangé le nom. L’anglais me parait facile dans les roues tandis que le truc ma parait piocher un peu plus… Nous alternons les relais avec Bengi de manière efficace sur ces longues portions roulantes et au gré d’une légère accélaration, le turc perd quelques hectomètres! Les 19 premiers kilomètres sont vraiment longs et quelques traversées de rivières ou passages très boueux ne suffisent pas à rafraichir l’ambiance qui avoisine les 30°C…
Arrivés au 19eme, nous prenons le temps de nous ravitailler avec Bengi car il fait vraiment très chaud ! Nous profitons de l’assistance parfaite de Francky qui nous informe en plus de nous ravitailler tandis que l’anglais nous prend quelques secondes dans un ravitaillement express. Il a plus d’une centaine de mètres d’avance et je me méfie de ne pas lui laisser trop de champ… C’est Bengi qui accélère l’allure pour recoller sur le plat puis en bosse. Nous attaquons en effet la première grosse difficulté du jour (+ 700m +) avec du retard mais Bengi, très efficace en montée bouche le trou assez rapidement!
Parvenu à la hauteur de Ben l’anglais, c’est à mon tour de prendre le relais afin de montrer que nous sommes bien présents avec Bengi. Je me sens bien et tiens cette allure jusqu’à mi pente ou je décide d’accélérer un peu pour tester les jambes. L’anglais lâche du terrain tandis que Bengi semble à l’aise. nous discutons un peu et décidons de continuer sur ce rythme pour creuser avant la descente. en haut de la bosse, Bengi cède un peu de terrain sans que je m’en rende compte. Je ralentis l’allure pour attendre un peu et nous évoluons de concert afin de ne pas faire baisser l’écart avec l’arrière de la course…
La descente se fait à un bon train et à la faveur d’une portion plate, Bengi cède de nouveau du terrain. Il me dit de faire ma course, je pense aussi à la Western States et je décide donc de prendre mon allure afin de travailler en vue de cet ultra californien qui aura lieu fin juin. Au kilomètre 36, 3 kilomètres plus loin, je possède 1 petite minute d’avance mais je profite de cette traversée de village où la population est vraiment très enthousiaste avant le ravito où Francky m’attend. Les enfants qui courent après les coureurs, les mamies édentées assissent en rang pour applaudir, les jeunes qui roulent sans casque de front à côté en t’encourageant... Bref, on sent que le passage de la course est une véritable fête que tout le monde attendait avec impatience. Dans tout ce folklore, je retrouve Francky qui me fait un ravitaillement impeccable. Je prends le temps de bien boire sur place même si le prochain ravitaillement n’est qu’à 7 kilomètres. Je ne regrette pas mon choix car ces fameux 7 kilomètres se font sur la route en plein soleil et la température doit dépasser les 30° C au sol sans hésitation. Un long bout droit pour commencer me fait penser à ces images de l’ Ironman d’Hawaii… Le sol qui semble chauffer et rejeter des vagues de chaleur et moi qui court sous un soleil de plomb. Heureusement, les jambes répondent bien et je gère au mieux cette portion qui précède la seconde grosse difficulté du jour. Au pied de la bosse je n’ai d’ailleurs quasiment pas accentué mon avance m’apprendra t’on.
En revanche, dans la montée qui suit, je mets le turbo comme prévu. Les jambes répondent très bien et je me régale de relancer dès que possible. La bosse de 700 m + est partagée avec un ravitaillement que je passe rapidement et m’emploie dans la seconde partie de difficulté à garder un très bon rythme. La chaleur est toujours accablante mais la fin de la difficulté est ombragée et même très humide car nous évoluons dans une boue qui rend glissants les appuis en montée. Mains sur les cuisses obligatoires. S’en suit une descente du même acabit et rendue technique par la « glissitude » à adopter ! De la boue, de la boue et encore de la boue sur plusieurs hectomètres ! Difficile de comprendre d’où vient l’eau avec cette chaleur écrasante !
Mais le plaisir de la glisse s’arrête dans la seconde partie de descente qui en revanche est très roulante et de nouveau très exposée au soleil. Les derniers hectomètres avant le ravitaillement sont assez pénibles avec cette chaleur mais heureusement j’ai bien géré l’eau dans mes bidons. Ce dernier arrive juste à pic ! Nous sommes alors au kilomètre 52,5. Encore une fois, je prends le temps de beaucoup boire et de remplir à bloc mes deux bidons avec de la poudre Isostar que j’ai transporté dans un sachet. Je repars serein et bien hydraté et décide donc de garder le rythme que je m’étais imposé jusqu’à maintenant et propice à me faire travailler pour la Western States. La difficulté qui suit ( 300 m +) est très roulante au sol mais vraiment usante. Les pourcentages sont vraiment aléatoires et il est dur de trouver un vrai rythme de croisière.
Arrivé sur le plateau, la difficulté est semblable mais version plat… En effet, rien n’est vraiment propice à la relance : des faux « faux plats » qui sont de mini bosses et des fausses descentes qui sont des faux plats trop courts pour vraiment relancer. Bref, il faut être très actif sur cette portion pour conserver une bonne allure et il n’y a pas vraiment de moment pour se relâcher. D’ailleurs, mon corps me fait sentir cette intensité qui ne baisse pas puisqu’un léger point de contracture vient naître derrière la cuisse… Je baisse alors un peu l’allure jusqu’au ravitaillement du 66, 5 kms où Francky m’annonce que j’ai plus de 20′ d’avance mais qu’il reste des difficultés notables malgré un profil que l’on sait descendant. Il reste en effet 16 kilomètres à parcourir avec normalement beaucoup de descente mais Frank me renseigne sur deux difficultés à suivre…
Je l’écoute attentivement et découvre en effet 2 puis 4 kilomètres plus loin deux bosses compliquées à gérer puisque techniques et boueuses à souhait. Baisse d’allure et mains sur les cuisses obligatoires encore sur ces deux passages. Décidément, même la fin qui devait être une formalité n’est pas simple à gérer… Je zigzague dans les bois, garrigue etc… et les kilomètres ne défilent pas vite. Quand j’attaque la dernière descente, j’ai la surprise de croiser un papy surement octogénaire qui se hisse péniblement au sommet du sentier avec un fagot de bois qui doit presque faire son poids. Il promène son chien à coté de lui et nos regards se croisent avec insistance. Le mien est emprunt d’un profond respect pour ce qui doit être son fastidieux quotidien tandis que le sien semble marqué de surprise et d’amusement à voir un tel gars dévaler une pente pour il ne sait quelle raison.
Je garde cette image au fond de moi comme celle des enfants qui couraient tout à l’heure dans le village ou des mamies en rang d’oignon pour leur spectacle du jour. Une fois la descente terminée, le chemin n’est pas achevé pour autant ! Il reste 6 kilomètres plats comme la main qui pourraient ainsi paraître une cinécure après tout ce chantier … Mais rien n’est facile au final car ces derniers sont encore très exposés au soleil et la chaleur bat son plein. Le paysage défile de plus très lentement car nous traversons des champs d’oliviers sur des hectomètres sans la vue de la moindre population. L’impression d’être dans un film avec un paysage factice qui défile de manière identique. Je me mets en mode « travail pour la WS » et ne réfléchis plus trop.
Je me concentre sur mes pas et sur les info de la Suunto qui m’indiquent que je progresse encore assez vite… Heureusement car je ne m’en rends pas du tout compte. Je trouve le temps long ! A 1, 5 kilometres de l’arrivée, un motard de la police turque vient rompre cette monotonie de manière fracassante : J’arrive aux portes de la ville et il a sorti le gros gyrophare et un klaxon tonitruant qu’il déclenche à chaque occasion possible : un changement de direction, un passant ou une voiture un peu trop proche. On se croirait dans une course poursuite de Starsky et Hutch sauf que nous ne sommes qu’ à peine … 15 km/h !! Cela dit, de le voir jouer ainsi me détend et rassemble la foule ce qui a le mérite de faire passer les derniers hectomètres un peu plus vite !
Finalement, je reconnais la longue dernière ligne droite et prends le temps de savourer toutes ces belles images de la journée et de rassembler toutes les périodes intenses de la course sous cette grosse chaleur. Je termine en 6h 45 satisfait de mon chrono sur un parcours de 2200m + et 82,5 kms exactement. Géré sous une pleine chaleur qui ressemble surement à ce que nous aurons à la WS, c’est une bonne simulation ! Je retrouve Franky à l’arrivée que je remercie pour son efficacité sans faille en tant que manager du week end! Il nous aurons conduit et suivi de main de maître en Turquie !
J’attends Benoit qui finira finalement derrière moi, 2ème. Journée géniale pour le team donc ponctuée le lendemain par une remise des recompenses sous la haute autorité du gouverneur local et des danses folkloriques très dépaysantes. Que de bons souvenirs et de belles images en tête d’un accueil et d’une région très généreuse ! Reste à bien se reposer et à bien récuperer pour la suite qui arrive bientôt… 5 semaines après c’est déjà OSLO !
Emmanuel GAULT
Crédit photo : Brice Rohaut
>> Plus d’informations sur la course : IZNIK MARATHON
Les résultats du 80km de l’IZNIK MARATHON :
Hommes :
1 Emmanuel Gault (Fr) 6H45’
2 Benoit Girondel (Fr) 7h26’
3 Tanzer Dunsun 8h40’
Femmes :
1 Alessia De Matteis (It) 9h09’
2 Elena Polyakova (Rus) 10h48’
3 Coraline Chapatte 11h34’