Sébastien Larue, athlète du team i-run, prenait le départ du Marathon d’Annecy le WE dernier avec l’ambition de battre son record personnel !
Il termine à une belle 14ème place, très proche de son record, en 2h37’21. On revit sa course ici à travers son beau récit !
Avant la course
Le gros de la préparation s’est très bien passé. J’ai essayé de penser à tout dans ma planification. J’ai réalisé ma programmation progressivement, d’une semaine sur l’autre, en fonction des besoins ressentis, des compétitions qui arrivaient et de ce qui me motivait. J’ai essayé de ne rien négliger : VMA, seuil, endurance critique, sorties à jeun, côtes, AM, spé 10 km, travail d’allure 3000/5000, SL, compétitions de rodage, compétition test, vite/relâché/vite, gainage ... Je me suis senti monter en puissance linéairement. Depuis mi-février, après mon semi-marathon de « rodage » (qui s’est bien mal passé d’ailleurs, jambes misérables, parcours difficile, hypoglycémie à la fin), à l’entrainement, mon rapport sensations/chronos est vraiment bon.
Mes séances tests sont toutes positives. Par exemple : 3 X (800/600/400) r : 50’’, Récup 2’ en 2’30/1’50/1’11 – 2’31/1’51/1’11 – 2’32/1’51/1’10. 500/1000/500/2000/500/1000/500 r : 1’30 en 1’34/3’16/1’34/6’36/1’34/3’13/1’27. 25 X 300 en 58/58.8’’ (allure 5000), récup 30’’ (= 100 m trot) Total 10 000 m en 37’14. 10 X 800 récup 1’20 (200m) en 2’36’’7 de moyenne.
J’ai réalisé ces séances de fractionné (comme 95 % de mon entrainement sur cette prépa d’ailleurs) en fin de matinée (avec un petit déjeuner qui datait de 6 heures en arrière), peut être que ça peut compter au niveau physiologique, dans l’optique du marathon. Ces séances sont bien loin de ce que peuvent sortir de bons athlètes, mais pour un gars comme moi, ces séances sont solides et reflètent un très bon indice de forme. De plus, j’ai eu le plaisir de partager toutes ces séances exigeantes avec mes amis pontévallois.
Mon semi-marathon test s’est très bien passé également. Je termine en 1h13’26 le 22/03 à FEURS. J’ai pu approcher de très près mon record perso ce jour-là (voir CR FEURS 2015). Après ce semi, j’ai maintenu un entrainement sérieux, sur la fatigue et j’ai réalisé une dernière semaine de prépa extra pour moi. Tout passait, physiquement, comme mentalement. Notamment une 12 X 300 en 52’’9 (récup 45’’) avec de super jambes et surtout, surtout, ma meilleure SL à ce jour : 34.0 km en 2h12’27 (3’53/km de moyenne) dont 4 X 4000 m en 14’33/14’31/14’36/14’32 (soit 16 km de travail entre 3’37 et 3’39/km), 3 h après du gigot aux flageolets et un bon verre de rouge . Cette semaine-là (106 km en 6 sorties et 7h38) m’a amené beaucoup d’espoir et de motivation pour tenter un gros coup à Annecy. (En gros, partir sur 1h17’ au semi et envisager de battre mon record). Je venais de passer ma meilleure fin de prépa marathon. J’étais RA-VI et impatient de concrétiser tout ça !
Mais la physiologie a ses lois, et on paye toujours l’addition, tôt ou tard. La fatigue est arrivée en décalage. Durant le cycle de récup (2 semaines). A l’entrainement, sur les simples footings, je me sentais lourd, collé. La vitesse des footings était normale, mais les sensations, vraiment dégueulasses. Peut-être que la masse d’air chaude et anticyclonique y était pour quelque chose aussi… Je n’en sais rien. Mais durant cette phase de récup, mon état d’esprit conquérant de la fin de la dernière grosse semaine a laissé place aux doutes et aux craintes. De plus, sur cette dernière semaine de récup, j’étais en vacances, je dormais plus (normalement, c’est positif) et j’ai l’impression que durant ces nuits, en se relâchant, mon corps à essayer de corriger de petites choses au niveau ostéologique, de rectifier de petits déséquilibres. Le matin, des trucs craquaient et ensuite, toujours sur de simples footings, je ressentais parfois des petites douleurs au niveau du pli de l’aine droite, parfois au niveau de la cheville gauche, parfois le genou gauche… Rien d’alarmant, mais ça amplifie les petites craintes.
J’avais déjà eu ça, mais à un degré moindre, avant ANNECY 2013 et TOULOUSE 2013. Au niveau cardiaque aussi, mon rythme de repos est très lent en dernière semaine de récup (40 puls/min debout). Sur les débuts de footings, je me sens comme un hibernant qui sort de sa léthargie. J’ai l’impression que mon système vagal fonctionne presque trop. Il faut quelques minutes de run pour que la pompe décolle un peu en fréquence. J’avais déjà ressenti ça aussi avant d’autres compétitions. Cela doit probablement être normal après un cycle de récup complet qui succède à un cycle d’entrainement intensif (pour moi). Je me sens « désentrainé » à J-2. Pour couronner le tout, ma femme à vélo m’accompagne sur le dernier footing, après quelques kilomètres, elle me lâche : « Tu as l’air pataud là, tu n’as pas une foulée comme d’habitude… tu as des appuis… éléphantesque ». Ha… ça se voit tant que ça… , Bref, on verra. Je ferai le mieux possible le D day.
Au niveau alimentation, je fais le maximum. Début de semaine : viande rouge, lentille, flageolets, radis, persil, épinards, produits laitiers… Puis à partir du jeudi, muesli, Nesquik, bananes, miel au ginseng, mélange de fruits secs et baies, pâtes, riz, viande blanche… Une petite dépression atmosphérique semble pointer son nez pour la fin de semaine, mais sera moins marquée que pour ANNECY 2013, ANNECY 2014 ou encore METZ 2014. On fera avec. J’aurais préféré davantage de fraicheur et de pluie. Notamment pour mettre au sol le coup de pollen qu’il y a eu depuis quelques jours. (J’ai les yeux qui « grattent » et le nez légèrement pris). Mais je ne vais pas me plaindre, la météo était bien moins favorable au MDP la semaine dernière.
Nous arrivons sur Annecy la veille, en famille. Je récupère mon dossard 25, croise pas mal de connaissances, de bons moments. Le soir, une double assiette de pâtes, puis à 22h, extinction des feux. Par contre, j’ai eu beaucoup de mal à trouver le sommeil. Ce fut probablement ma pire nuit avant un marathon. J’ai dû dormir au total 2 petites heures et encore… Très tourmenté au niveau de mes pensées par rapport à ce marathon. J’ai tellement envie de bien faire et de concrétiser ma bonne prépa.
Avant la course, je m’applique sur les derniers préparatifs. Je découpe les petits angles du cul des gels (pour ne pas qu’ils accrochent dans le tissu quand je vais les saisir en courant), je soigne le laçage des asics gel Tarther, m’hydrate bien, m’échauffe bien. Tous les niveaux sont à 0 : Je suis prêt ! La météo est pas mal : de 7 à 13°C sur la course, alternance soleil/petits passages nuageux, 1015 hPa, un peu d’humidité dans l’air, vent de Nord modéré sur le retour.
La course
Je suis en première ligne. Boom ! C’est parti. Immédiatement, un groupe d’éthiopiens se forme devant. Derrière, Sylvain Mouquet, en vert, ne peut pas se permettre de partir avec eux et est déjà seul, il va faire 42.2 km comme ça… Dommage pour lui. Je suis derrière eux, en retrait, seul. Sur un marathon, les premières décisions comptent beaucoup. Il faut s’adapter vite, trouver l’allure et voir vite si ça vaut la peine de partir 1 ou 2 kilomètres un poil vite pour pouvoir ensuite évoluer dans un bon groupe, régulier aux bonnes allures. Mais il faut rester relax. Km 1 : 3’33. Un poil vite, je compte partir sur un rythme de 3’40/km et faire le point sur mon niveau du jour au km 10. Un groupe de 3 éthiopiennes (annoncées entre 2h35’ et 2h38’) en file indienne revient sur moi et me déborde sur la droite. Je n’ai pas envie de courir seul comme Sylvain donc j’accroche le wagon. Mais que ça va vite ! J’ai l’impression qu’elles s’attaquent comme à la fin d’une course ! Je rate le km 2, mais je sais que je ne dois pas suivre trop longtemps. Aux sensations, je sens que c’est bien trop vite.
Km 3 : 10’28, j’abdique, elles sont « insuivables » pour moi en ce début de course. C’est les bases de 2h29’. Je me retrouve seul. J’essaye de bien me relâcher et de me caler sur l’allure juste (16 km/h ; 3’45/km) pour « amortir » ce départ trop rapide (à plus de 17 km/h).
Au km 5 (18’00), un gars en bleu revient sur moi. On échange quelques mots. C’est son premier marathon, il a un record à 1h12’ au semi et part sur 2h38’. Je lui dis : « on va sur 2h35’/2h36’ là ». Nous nous organisons et passons des relais. A un peu plus de 16 km/h, il y a une légère aspiration, alors profitons en plutôt que de rester côte à côte. Notre entente est parfaite. Ça me rassure d’avoir de la compagnie. Je redoutais de courir seul. Les éthiopiennes sont 100 m devant et s’éloignent petit à petit. Nous sommes hyper réguliers. TOUS les kilomètres entre 3’40 et 3’43. C’est impeccable. Un gars, habillé en noir, un peu musculeux (type triathlète) essaye de recoller péniblement, il est à 2/3 mètres derrière. Nous passons au km 10 en 36’34. (36’41 lors de mon record de METZ (voir CR u-run)). Je prends mon premier gel. Depuis le départ, je n’ai négligé aucun ravitaillement, et ce sera le cas jusqu’au bout. J’ai de bonnes jambes, le rythme est bon. Nous restons sur 3’42/3’43 au km.
Au km 17, nous sommes « surpris » de constater le retour de 2 gars. Jean Paul CARVALHO, marathonien solide et expérimenté. (2h37’14 en 2012 et 2h37’08 à Annecy 2013). Il est accompagné d’un grand mec portant le T-shirt asics vert de la gamme asics running 2015. Nous sommes 4 : SU PER ! JP et le mec en vert passent leurs relais efficacement. J’en profite pour passer un gel. Notre groupe évolue avec 2 gars devant, et 2 derrière, avec des rotations. Le rythme est toujours idéal pour moi, mais les kilomètres commencent petit à petit à peser, et je commence à ressentir une douleur sous l’aponévrose gauche et le bas du mollet gauche. Vers le 20ème km, le mec en bleu étire le groupe, j’ai un petit passage de « moins bien ». Je passe en 4ème position du « groupe » qui vient de péter. Nous sommes un par un à 5/6 mètres d’écart… Au semi : 1h18’12 pour moi. Le record, je n’y pense plus, mais un moins de 2h37’ est désormais la cible.
Il ne faut pas rester comme ça, un par un, à ce stade du marathon. Ce serait contre-productif. Je suis un peu dans le dur (déjà…) mais j’essaye de déborder JP, lui glisse : « faut rester ensemble », et le ramène péniblement sur le mec en bleu qui partait à l’aventure seul devant. Au passage, je ne revois pas le mec bleu, ni le mec vert prendre de gel en courant. Ça m’a peut-être échappé, ils ont peut-être fait ça quand je relayais devant entre les km 17 et 20 ? … Ou alors… Ils vont avoir bobo… Au km 24, le groupe de 4 se reconstitue. J’ai souffert, je viens de passer 3 kilomètres en 3’39, 3’37 et 3’39. Le vent se lève un peu et est plutôt défavorable. Il doit être de 8 à 12 km/h, rien de catastrophique, mais bon…
J’entends du bruit derrière, je me retourne : 2 gars ! J’HA LLU CINE ! Nous venons d’envoyer 3 km en 10’55 (16.5 km/h) et ils recollent ! Ça en dit long sur le niveau de ces gars-là (après analyse du classement, il s’agit de Frank VIALLET et Frédéric DEPERT, j’avais devancé le 2ème à FEURS le mois dernier, ils sont passés 8’’ derrière nous au semi). Nous sommes donc 6 au km 25 (1h32’31)! INESPERE ! Nous entamons un long et exigeant faux plat. Je me cale en dernière position du groupe. Les jambes commencent à peser vraiment, et nous n’avons pas encore passé le cap des 2/3 de course. Ma douleur au niveau du bas du mollet gauche augmente petit à petit, ça se contracte… Je me concentre. Sur ce faux plat, le grand mec vert perd quelques mètre sur un ravitaillement, il recolle ensuite un peu, puis quelques hectomètres plus loin : Bing ! Fini pour lui… Il pète. A l’arrivée, je ne l’ai pas vu classé. Nous sommes 5.
Après le faux plat, au km 28 (gel) le plus fort du groupe, habillé en noir, Frank VIALLET (je ne le connais pas), se décale, se place en tête et allonge le groupe. Ouch. Je me concentre pour tenir. Là, ça ne rigole plus… Le mec en bleu, mon compagnon depuis le km 5, qui a fait mal à tout le monde du 20ème au 24ème, saute du groupe. A l’arrivée, je ne l’ai pas vu classé non plus. Il a négligé les apports énergétique, ça lui coute son dépucelage du marathon. Nous passons ce kilo là en 3’32. Encore 13 km… Je ne vais pas pouvoir les suivre. Nous arrivons dans « le village qui fait mal » du 29ème au 30ème, une petite descente, une petite montée, une route un peu dégradée et quelques virages… Dans la descente, je dévisse un peu sur les 2 premiers du groupe (ceux qui ont recollé sur nous au km 25, ils sont plus forts). J’en avais besoin, ça allait clairement trop vite et mon mollet gauche commence vraiment à faire mal. JP Carvalho reste avec moi, je m’attendais à cela (et je l’espérais), je voyais qu’il était comme moi, dans le dur. Notre rythme est encore bon, nous enchainons 3’42/3’42 (= 30ème en 1h51’07 (1h50’43 lors de mon record)) dans le village et juste après. Devant, les 2 autres ont pris 80 m, c’était juste impossible de les suivre.
Mes jambes commencent vraiment à être très lourdes. Mon mollet a ramassé dans ce village, comme en 2013. Je sens que les forces vont commencer à manquer un peu aussi. JP est plus actif que moi au niveau des relais. J’ai très soif, je suis couvert de sel. Nous enchainons 3’49 puis 3’42 (1h58’39 au 32ème (1h58’00 lors de mon record)).
Au km 33, ça m’ennuie vraiment de laisser filer JP, mais je m’arrête pour marcher et boire, 4 verres, d’ailleurs le gars au micro derrière plaisante : « heyyy ! C’est pas encore l’apéro !! ». Je repars. Reste 9 km. Ce qui fait d’un marathon, un marathon, ce sont ces kilomètres-là. Immédiatement, je fixe mon regard sur JP et je fais un pointage à partir d’un arbuste sur le bord de la piste cyclable. 12’’. Je tape le kilomètre suivant : 3’56 (mon plus lent de ce marathon). Sur le moment, je pense que j’ai pris la bonne décision, je ne voulais pas finir en détresse (ou abandonner) à cause des crampes ou de la déshydratation. Je me mets en chasse et sur le moment, j’espère vraiment pourvoir recoller un peu plus loin sur JP. Km 34 et 35, je fais 3’41, puis 3’42. Je refais un pointage sur JP 13’’. Bon…
Au km 35, je prends un gel, je commence à faiblir. Ensuite, jusqu’à l’arrivée, tout s’est fait de manière très linéaire. Mon rythme est passé d’un coup de 3’41/3’43 au km à 3’50/km. Mon mollet gauche était extrêmement contracté, mes jambes me portaient de moins en moins. Ma foulée s’est altérée petit à petit. Je luttais mentalement au maximum pour ne pas me laisser aller et exploser en plus de 4’ au kilomètre. Ces kilomètres m’ont paru très longs… JP creusait petit à petit son avance. A un moment, mais je ne sais plus où exactement, je rattrape une éthiopienne, qui avait explosé. Je voyais que mon chrono, qui partait sur 2h36’30, commençait à m’échapper. Mais je n’avais pas le choix, malgré ma volonté et ma motivation pour faire moins de 2h37’, ça n’allait pas être possible. Ça parait anodin, mais courir sur les bases de 2h36 pendant 36 km et faire 2h36’ au marathon, ce n’est vraiment pas la même chose.
Après le 40ème (2h29’07), je vois que le moins de 2h37’ est foutu (pour un gars comme moi, il faut au moins 8’ pour les derniers 2.2 km), mais je continue à vider le réservoir jusqu’à épuisement complet. Je continue à maltraiter mon aponévrose gauche et mon mollet gauche, au bord d’un mélange de « contracture/crampe ». Il se contracte comme une pierre, et le reste, humm…
Je passe la ligne au bout du rouleau, 14ème en 2h37’21. C’était ma valeur du jour. C’est mon 2ème meilleur chrono sur marathon et c’est mon meilleur temps à Annecy. C’est une perf IR3. C’est mon 3ème marathon à plus de 16 km/h (16.091 km/h soit 3’43’’7/km). Je suis donc satisfait, même si un 2h36’ quelque chose n’était vraiment pas loin…
L’après course
Musculairement, je termine très marqué. Mon aponévrose gauche était tellement crispée et tendue que je ne pouvais pas relever mes orteils après avoir enlevé mes chaussures. Mon mollet est contracturé, je suis incapable de marché normalement. En me changeant à la voiture, quelques bonnes crampes surgirent, notamment au niveau du psoas ! ce sont les joies du marathon !
JP Carvalho termine en 2h37’04 (17’’ devant moi), Frank VIALLET termine très très fort 9ème en 2h35’11, il a ramassé toutes les éthiopiennes. Fred DEPERT termine lui aussi très bien 11ème en 2h36’06. Sylvain Mouquet, réalise un énorme 2h27’06 tout seul. Le vainqueur est éthiopien, Muleta MEDA et l’emporte en 2h15’57. Masha Haile, bien connu en Rhône Alpes termine 4ème en 2h18’11.
Après 3 années consécutives à ANNECY (13ème en 2h38’42 en 2013, 16ème en 2h37’53 en 2014 et 14ème en 2h37’21 hier), mon prochain marathon printanier sera sans doute Paris 2016. Mais je retournerai à ANNECY, c’est une très belle épreuve, dans un cadre magnifique. »
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