Claude Guillaume est un homme passionné et déterminé. Tombé dans la marmite de l’athlétisme depuis 1961, il a passé tous les diplômes d’entraîneur et est devenu cadre fédéral, formateur et professeur d’éducation physique. Aujourd’hui, sa carrière d’entraîneur se prolonge avec un projet bénévole de cœur au Bénin : relancer l’athlétisme dans le pays et former des athlètes au haut-niveau.
Une mission ambitieuse qui mobilise la majeure partie de son argent et de son temps à l’image de Noélie Yarigo, spécialiste béninoise du 800m, qu’il a fait progresser activement ces dernières années.
Comment peut-on résumer votre histoire avec l’athlétisme ?
Ça fait plus de 50 ans que je suis dans le milieu. J’ai pris ma première licence en décembre 1961, déjà très intéressé par les performances des athlètes que je suivais de près. Je n’avais pas de grandes capacités athlétiques mais j’étais un peu touche à tout (2’48 sur 1000m en minimes) et je me suis spécialisé dans les épreuves combinées. J’ai arrêté à 24 ans et j’ai voulu m’impliquer différemment en devenant entraineur, une activité qui me passionnait. J’ai passé tous les diplômes pour être cadre technique à la fédération, évoluer dans la formation et l’éducation physique. J’ai beaucoup voyagé pour apprendre. Je suis allé à la rencontre d’entraîneurs de renom en Allemagne, au Portugal ou encore au Kenya dans les années 1990. C’était très enrichissant de voir comment ils s’entraînaient et de comprendre leur fonctionnement.
Pourquoi s’impliquer avec le Bénin ?
Le hasard et les coups de cœur font parfois bien les choses. Au début de ma retraite, nous avons hébergé une béninoise à Blois avec ma femme et nous avons appris à découvrir ce pays. Je suis souvent allé en Afrique mais je ne connaissais pas le Bénin. Nous y sommes allés une première fois et ce pays m’a beaucoup touché. Avec mon regard d’entraîneur, j’ai également été marqué par le désert athlétique qui y régnait. Je souhaitais prolonger ma carrière d’entraîneur et s’impliquer dans un projet avec le Bénin me motivait beaucoup. L’envie d’aider, de surmonter les difficultés des athlètes béninois et aider au développement de l’athlétisme s’annonçait comme un challenge passionnant.
Quelle est la place de l’athlétisme dans le pays ?
Le Bénin manque cruellement de structures pour la promotion et le développement du sport. La Fédération d’athlétisme béninoise n’y échappe pas et peu d’athlètes se sont illustrés dans ce sport. Seule la franco-beninoise Fabienne Feraez, spécialiste du sprint, était sortie du lot ces dernières années (record du Bénin sur 60m, 100m, 200m, 400m et sélectionnée au JO 2004, 2008). Les talents sont là mais pas les résultats. Il faut aller les chercher et travailler avec une structure solide pour les former et les accompagner vers le haut-niveau.
Comment s’est monté votre projet ?
L’aventure a démarré en 2012 avec un premier tremplin symbolique, les championnats d’Afrique à Porto-Novo la même année (capitale du Bénin). À cette occasion, j’ai longuement étudié le sujet et je suis entré en contact avec l’ensemble des acteurs liés à l’athlétisme. Nous avons ainsi créé une association pour le développement de l’athlétisme au Bénin et un centre d’entraînement à Cotonou, la plus grande ville du pays. Le Centre d’Entraînement et d’Education en Athlétisme de Cotonou (CEEAC) a été inauguré en septembre 2012. L’objectif de cette collectivité, avec les moyens modestes dont elle dispose, est des rassembler un pôle d’une dizaine de coureurs que nous allons accompagner vers le haut niveau.
Comment se sont formées les relations avec les athlètes ?
Nous avons recruté quelques athlètes pour les aider à avancer. Noélie Yarigo, 29 ans a été la première à se lancer dans le projet, spécialisée en 800m et détachée des forces aériennes béninoises. J’ai décelé de belles capacités et nous avons commencé à travailler ensemble. À coté de cela, j’entraîne également tout un groupe qui s’est monté avec la création du centre après avoir appris à connaître leurs capacités et la motivation de chacun.
Vous avez pris Noélie sous votre aile en l’accompagnant toute au long de l’année. Comment s’organise l’entraînement avec elle ?
Nous nous entraînons désormais 12 mois ensemble avec une planification axée autour du 800m. Elle a vite progressé sur cette distance et notre binôme a porté ses fruits. 2’11, 2’09, 2’06 puis 2’00″51 au championnat d’Afrique l’année dernière avec une partie des meilleures athlètes du continent (5e place). C’est une bosseuse qui a besoin d’être en confiance. Noélie ne dispose d’aucune aide, elle tente sa chance et ses performances sont déjà une belle victoire. Cet hiver, elle a placé son record de 800m en salle (et celui du Bénin) à 2’02″01 aux côtés des meilleures françaises. Elle partage sa vie entre Blois avec le club Running 41 lorsqu’elle participe aux compétitions en France et le Bénin, à Cotonou ou chez elle dans le nord-ouest du pays.
Comment se prépare la saison 2015 ?
À l’automne dernier, Noélie s’est entraînée à Blois avant de partir 2 mois au Kenya pour accumuler une base foncière. Nous avons enchaîné avec un bon mois de compétition en France avec des 800m en salle et de belles performances à la clé. Noélie a également participé aux France en salle à Aubière cet hiver (2e derrière Renelle Lamote). Ensuite, elle est repartie au Bénin pour travailler au chaud et effectuer du renforcement musculaire avant l’entame de la saison estivale en France qu’elle débutera le 17 mai au meeting de Montgeron, avant les France Élite en juin. L’échéance 2015 sera les mondiaux d’athlétisme à Pékin en août.
Noélie a beaucoup progressé à vos côtés. Quel est le principal objectif sportif à moyen terme ?
Pour Noélie, le principal objectif est bien évidemment les Jeux Olympique de Rio en 2016 sur 800m avec une entrée en finale. Nous travaillons pour cela et ce serait la concrétisation de tout le travail effectué jusqu’à présent.
Quelle portée peuvent avoir les performances de Noélie pour l’athlétisme béninois ?
Ses performances et ses résultats peuvent déclencher des envies, montrer l’exemple du haut-niveau et susciter des vocations. Lors de ses déplacements dans les campagnes du pays, les gens s’intéressent à son parcours, à la course à pied, posent des questions … Noélie est une bonne ambassadrice pour promouvoir l’athlétisme au Bénin, attirer les médias et se faire entendre auprès des institutions sportives du pays. Comme l’éducation, le sport est un beau vecteur de développement.
Avez-vous de nouveaux projets ?
Au-delà du développement et de la consolidation de notre centre d’entraînement à Cotonou, nous souhaitons mettre en place des activités pour stimuler l’intérêt de l’athlétisme au Bénin. Ce mois-ci, nous présentons l’organisation des Foulées de la Panjari dans le nord-ouest du pays, région d’origine de Noélie. L’occasion de mobiliser la mairie, les écoles du secteur … Il y a aussi d’autres batailles à mener comme l’accès à l’eau. Nous avons beaucoup d’idées mais il faut avancer à petits pas.
Un grand merci à Claude Guillaume pour son témoignage.
> Pour en savoir plus : AARASB
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