Actuellement en stage au Kenya avec une trentaine de stagiaires, Bob Tahri dévoile ses conseils, raconte son histoire et quelques anecdotes marquantes. En voici une, qui pourra vous intéresser.
« A la sortie des JO 2008, où je finis 5ème, je me suis vraiment demandé si ça valait le coup de continuer. Partir en stage 4 mois de l’année, la plupart du temps seul ou sans amis, loin de la famille, même si t’aimes ça, quand ça paie pas, c’est très dur.
J’ai arrêté de courir pendant 2 mois puis un jour, mon entraîneur m’appelle et me dit qu’on doit débriefer, qu’il faut qu’on parle. Il me dit alors qu’il a bien analysé toutes les courses de l’année et qu’il faut que je travaille le passage des haies. « Si tu gagnes 1 dixième de seconde à chaque haie, en sachant qu’il y a 35 passages, tu peux gagner plus de 3 secondes et demi. Et ces secondes sur un 3000m steeple, c’est ce qui sépare un finaliste d’un médaillé olympique.
Moi j’étais très réticent à l’idée et je ne savais vraiment pas si j’allais continuer. Malgré tout, je reprends l’entrainement comme chaque année avec du foncier, de la PPG, de la VMA courte et longue avant d’attaquer un travail spécifique sur les haies. La veille du meeting de Metz, mon entraineur me dit que demain je fais 8’02 »50, soit un nouveau record de France. Je lui dit mais arrête, pas chez moi à Metz. Pour faire ce temps j’ai besoin d’une grosse course. Il me répond t’inquiète, je briefe les lièvres et tu verras ! Je fais 8’02 »19.
Plus tard, mon entraineur veut que je fasse un 3000m sec pour avoir une nouvelle base de données. Je vais donc faire le meeting de Monaco où je fais 7’33 ». Je pars ensuite à Font Romeu pour finir ma préparation avec ma dernière grosse séance à 10 jours des championnats. Ce jour, je m’en souviendrai toute ma vie. Mon entraineur qui a fait la séance à vélo avec moi me dit : d’après mes calculs (pour lui l’athlé c’est de la mathématique), tu vas être champion du monde. Mais arrête, je vais pas être champion du monde je lui réponds. Il me dit si, tu vas être champion du monde et je t’expliquerai pourquoi la veille de la course.
Arrivé aux championnats du monde, il y a la course de qualif le matin à 9h30. Je descends alors au petit-dej à 6h30 et mon entraineur, qui déjeune toujours avec moi, n’est pas là. J’attends alors 5 min puis décide de déjeuner. Avant de prendre le bus pour le stade, toujours pas d’entraineur. Je décide alors de l’appeler et je lui demande pourquoi il n’est pas là. Il me répond qu’un champion du monde n’a pas besoin de son entraineur pour une course de qualif.
2 jours après a lieu la finale. Mon entraineur me dit alors que je vais être champion du monde car pour me battre, il faudrait battre le record des championnats. Il me demande de respecter une tactique de course bien précise : tu passes 5ème aux 1000, 3ème aux 2000, puis plus personne te passe devant. En chambre d’appel, c’est un mélange de peur et de confiance mais j’ai le trac. Je vois les autres faire des trucs, s’étirer avec de grands mouvements, ou prier. Je me dis craque pas maintenant, reste dans ta bulle, ne les regarde pas. Lors de la course je fais tout ce qu’il m’a dit et, lors de la dernière haie, alors qu’il ne reste plus que 70m derrière et que je passe toujours les haies avec le pied gauche; et bien là, je la passe avec le pied droit et je repasse 4ème.
Je me dis que là ce n’est pas possible, ce n’est pas possible et je donne tout et finis 3ème en battant mon record et à nouveau le record d’Europe en 8’01 »19 (chose très difficile en championnat) alors que les 2 premiers battent le record des championnats. Et bien j’ai fini déçu car je voulais être champion du monde, même si je suis médaillé olympique.
Je vous dit tout ça pour vous faire comprendre et vous dire que c’est très important d’avoir un entraineur, qui que l’on soit, pour échanger, partager, avoir plus confiance en soi. »
Merci Bob d’avoir partagé cette super anecdote !