La sortie du jour, c’était un footing « à allure libre ». J’entends par là une sortie où on fait ce que l’on veut, où on se laisse guider par nos jambes. Si elles sont biens, on laisse faire, on monte petit à petit en températures. Pas de contraintes, pas d’accélération brutale pour placer son fractionné. Juste à la sensation.
C’est bon de se concentrer sur nos sensations. Comme je dis souvent, dans « sensations » il y a « sens ». Quand on écoute son corps et les effets produit par le mouvement, c’est donner du sens à la course. On sait qu’il faut fractionner, se mettre en difficultés pour progresser et espérer obtenir un certain niveau. Il faut juste ne pas perdre de vue le simple plaisir de courir et de laisser son corps prendre les choses en main, et ce style de sortie de temps en temps, replace le sens dans l’action.
Au départ, c’était une drôle de journée… Quand vous apprenez au réveil que la France a perdu brutalement trois de ses plus grands sportifs… Ça met un sacré coup. Au total, une dizaine de personne est morte dans ce crash d’hélicoptère. Bien que nous pensons à tous ces gens, nous sommes des sportifs et la mort de Camille Muffat, d’Alexis Vastine et de Florence Arthaud nous touche de plus près. Nous qui nous nourrissons des exploits des plus grands, voici que le destin les fauche, jeunes et pleins de vie, pleins d’envie. Vous avez pu entendre leur histoire, elle a été stoppée sèchement.
L’incompréhension, l’émotion… Et pour nous, la vie continue. La sortie est prévue, les pensées emmêlées au début, puis la course produit sa petite magie. Le corps prend les commandes tandis que l’on fait le point sur pas mal de choses, notamment sur cette chance d’être là à courir. On pense à ces sportifs disparus, aux membres de famille qui ne sont plus là…et à ceux qui sont là et dont il faut profiter. Ils aiment vous voir courir ? Continuez tant que vous pouvez, partez vous créer des histoires et des souvenirs que les gens qui vous entourent pourront voir, ou que vous pourrez vous raconter plus tard.
Courir est une chance car c’est se sentir vivant. C’est ce moment où l’on prend possession de notre corps, où on essaie d’arrêter le temps qui défile trop vite. Cette sortie du jour a allégé mes pensées, et on dirait que les foulées aussi l’ont été. Rapide, fluide et agréable, tout s’est adouci. Quelle chance j’ai…
Mathieu BERTOS
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