La semaine dernière, les primes concernant les 5 premières places de la SaintéLyon ont été annoncées.
Bon nombre de personnes ont alors dénoncé la venue de l’argent dans le trail, argumentant notamment que ça allait à l’encontre de ce fameux « esprit trail » (tiens, le revoilà) et qu’elles ne couraient pas pour l’argent, mais pour le plaisir simple et le goût de la nature.
Ce qui est étonnant, c’est que ces personnes qui s’inscrivent participent quelque part au déroulement du système. Après tout, si l’on veut simplement courir pour soi on peut encore le faire sans porter de dossard, et c’est tout à fait honorable par ailleurs ! L’homme quoi qu’on en dise a toujours aimé se mesurer. Cela ne porte pas forcément un sens négatif puisque la compétition permet le dépassement de soi (construit au travers de tous les entraînements) et le fait de pouvoir partager l’effort, la passion. A chacun de choisir le dossard qu’il porte, s’il pense que l’organisation abuse sur le prix en rapport aux services donnés, il peut choisir de ne pas le porter.
Les primes annoncées la semaine dernière sont égales chez les hommes comme chez les femmes, c’est à souligner, car dans les grandes organisations comme dans les petites ce n’est pas toujours le cas. Et puis quand bien même être premier se mérite. Bien sûr, la course effectuée le jour J décide pour chacun de sa place, le premier dans ce cas là aura été le meilleur. Mais c’est aussi une récompense de tous les entraînements effectués pour parvenir à ce niveau de performance. Le coureur du milieu du peloton ou de la fin aura autant de mérite à accomplir son épreuve, qui plus est avec tout le temps investi quotidiennement ainsi que pendant l’épreuve.
Mais on ne peut quelque part récompenser tout le monde, et les premiers sont bien les plus méritants en rapport à leur performance. Par contre, la performance de chacun est à considérer en rapport avec ses forces et ses propres moyens. Alors si les traileurs obtiennent des primes, ce qui est sûr c’est qu’ils ne les volent pas. On ne pourra s’empêcher de penser que les 2000€ d’un vainqueur (gagnés ponctuellement bien sûr, car ça ne tombe pas tous les week-ends), qui s’investit considérablement sans pour autant être garanti du résultat final (encore plus aléatoire sur les épreuves d’endurance) ne sont rien à côté des 80 000€/mois que touchent un footballeur pro de ligue 1 (salaire moyen). On aurait pu évoquer aussi le rugby, le tennis, le ski etc, peu importe.
Bien sûr, les coureurs qui jouent les premières places bénéficient de l’aide matérielle apportée par les marques des « Teams », et pour certains ont des sommes allouées au défraiement concernant les déplacements sur les courses et les logements. Une aide pour arriver à des résultats de « haut niveau », en échange aussi d’une publicité et du développement de la marque. Mais aucun, à moins qu’il ne soit employé par la marque (et ils sont très très rares) ne touche de l’argent. Ces personnes ont un métier comme tout le monde et doivent aussi se débrouiller pour s’entraîner aux heures qu’ils peuvent. D’ailleurs, on ne vit pas des primes en trail et ça se saurait ! Si par bonheur vous parveniez à en toucher, qui la refuserait ? Dans un quotidien pas toujours évident, il ne fait aucun doute que cet argent puisse être bien utilisé (mais les gens sont libres…!).
» Si on commence à donner des primes, le dopage peut se développer » peut on entendre. D’une part, le dopage a toujours existé et c’est sans doute avant tout une question de morale vis à vis de soi et de la société. D’autre part, on a déjà trouvé des cas de dopage alors qu’il n’y avait rien d’extraordinaire à gagner. Et que dire de l’auto-médication en course pour atténuer les douleurs et les signaux de fatigue ?…
» Les primes vont finir par attirer les coureurs africains… ». Il est possible que ça arrive. Encore faudra-t-il que la réussite soit au rendez-vous mais si c’est le cas, on assistera à de superbes exploits. Bien sûr la raison de courir sera peut être différente mais cela, qui en est sûr ? Pour l’instant on commence à voir l’incursion des coureurs africains en course en montagne (format court) où le champion du monde est un érythréen. Sur le format long, où cela nécessite du matériel, une gestion de celui-ci et de ses ressources, une alimentation particulière et un effort long sur des profils cassants, il est moins probable d’en trouver. Tout en sachant que ce genre d’effort long ne peut être répété fréquemment dans l’année, à l’inverse des distances plus courtes lors les courses sur route… D’ailleurs mettons les choses au clair, la pratique du trail de haut niveau dépend aussi bien des zones géographiques que de la culture et des conditions sociales. La France est un pays montagneux, les paysages sont variés et les différents lieux de pratiques plutôt accessibles sans couvrir trop de territoire, avec des conditions climatiques favorables dans l’ensemble.
Il faut bien comprendre qu’un athlète ne passe pas toutes ces heures à s’échiner pour aller chercher une prime qu’il est bien incertain de pouvoir toucher au bout de son effort. Pour autant si cela arrive, cela semble bien mérité, et ça ne fait pas de lui une personne sans valeur qui ne sait pas apprécier les plaisirs simples du partage et de la nature.
Mathieu BERTOS