Cette année c’était la 20ème édition des Templiers et je ne me voyais pas ne pas y aller. Je connais très bien cette région que j’adore. J’y passe mes vacances chaque année mais de l’autre coté des gorges du Tarn, c’est un peu ma deuxième maison.
Ayant couru la Grande Course des Templiers en 2012, cette année j’ai opté pour une épreuve un peu plus intimiste, avec 450 coureurs au départ et 61km pour 2800m de dénivelé positif. Ce petit bout de paradis m’offre ses chemins avec l’Intégrale des Causses.
Je n’ai pas vraiment préparé cette course. Avec ma participation aux 83kms de Belle-Ile-en-Trail un mois auparavant, j’ai misé sur la fraicheur et pour une fois j’ai écouté mon corps ! Il est 5h30 et nous sommes déjà à Millau pour attendre la navette qui va nous emmener à Mostuéjouls lieu de départ de la course. Je suis en compagnie de mon pote Romain, d’Élodie sa compagne qui va nous assister toute la journée et de Cathy avec qui, la veille, j’ai partagé les 7 heures de route qui nous séparent de Millau. Après une bonne demi-heure de car, un café et une dernière vérification du matériel, nous sommes sur la ligne de départ. Le départ des Templiers c’est toujours spécial, un discours, la nuit, les fumigènes et la musique d’Era : C’est un moment à vivre…
Cette période est particulièrement difficile pour moi et ma famille. 22 jours auparavant nous avons appris que notre fille, Elise, qui devait venir au monde au mois de Mars prochain, souffre de 3 malformations cardiaques incurables. Après de multiples rendez-vous médicaux avec des spécialistes nous devons subir une interruption médicale de grossesse (IMG). La décision est prise avec le Staff de médecins, l’accouchement est programmé le 4 novembre. Nous allons découvrir notre fille, faire connaissance avec elle, et nous allons aussi devoir la laisser partir rejoindre sa grande sœur Zoé, partie en 2011 dans les mêmes circonstances. Heureusement notre rayon de soleil, notre fils Léo, est à nos cotés. Je n’avais pas la force d’aller courir à Millau. Elo, ma compagne, m’a encouragé à y aller pour nos enfants. C’est donc en pensant à mes enfants que je prends ce départ, les yeux déjà remplis de larmes.
Je pars prudemment, pas de panique j’ai la journée pour doubler et je suis venu pour profiter et faire MA course. Sauf que quelques minutes après le départ on s’égare déjà et nous nous retrouvons dans un bouchon après avoir fait demi-tour, j’y retrouve Romain : « Tu es là toi ! ». J’essaye de regagner des places mais sans m’affoler et en essayant de m’économiser au maximum. Arrivé au Rosier j’entends « Allez Maxime ! », c’est la copine de Christophe, un ami vendéen venu courir l’Endurance Trail et qui lui aussi court pour une association. Ça fait chaud au cœur et le rythme reste facile, nous traversons le premier ravitaillement.
S’en suit une montée de 400m de D+ où je prends énormément de plaisir accompagné de 4 ou 5 trailers, je ne sais pas trop car j’ai emmené le groupe pendant toute l’ascension. Au moment de basculer sur la descente j’aperçois Sissi, je la rejoins pour la descente. N’étant pas très bon descendeur ça me rassure de ne pas être seul et ça permet de garder du rythme sinon je prendrais trop de précautions ! Elle me propose de passer devant mais le rythme est déjà soutenu, la preuve quelques mètres plus bas elle fait une petite chute sur les fesses, « ça va ? », « tout est ok ! » et c’est reparti !
Nous ferons 15km de chemin ensemble accompagnés d’autres coureurs, on discute, on s’encourage. J’explique à Sissi que je cours pour une association et que courir est une thérapie pour moi. Nous arrivons à Saint André de Vézines, je décide de marcher un peu avant pour mettre ma poudre énergétique dans mes bidons, Élodie est là et me dit « Elo est fière de toi… », L’émotion m’envahit de nouveau… Sissi prend un ravitaillement éclair accompagnée de Manu. Je prends mon temps et en profite pour discuter un peu avec les bénévoles et pour manger des tartines du fameux Roquefort « Je prends du local aux ravitos ! ».
Nous partons en direction de La Roque où se situe le troisième ravito, je me retrouve seul, j’ai mal aux pieds et j’attends avec impatience ce ravito. Juste avant d’arriver à ce village je rejoins un autre coureur qui lui aussi est dans le dur, je l’encourage et lui dit d’être patient « que ça va passer ». Au ravito, Elodie est encore là, je demande des news de Romain et elle me répond qu’il est plutôt en forme, c’est top !
La montée suivante est difficile pour moi et je reste planté. Je me dis à ce moment là que Romain va certainement me rejoindre et nous allons pouvoir faire un bout de chemin ensemble. Mon portable dans mon sac sonne plusieurs fois. Je sais que c’est Elo, je regarde et j’ai plusieurs messages avec des vidéos de notre fils de 2 ans qui tape dans ses mains et dit « Bravo papa » ; de quoi me redonner l’énergie dont j’ai besoin pour arriver sur le plateau. Maintenant je reconnais bien le parcours de la grande course des Templiers (faite en 2012) et je sais que ça va être encore long avant de voir le pont de Massebiau. Néanmoins cette partie plus roulante me fait du bien et je retrouve un bon rythme. J’en profite aussi pour regarder les paysages qui sont magnifiques dans cette partie de parcours.
A l’approche de Massebiau, je m’arrête pour les laisser passer un groupe de 4 coureurs, ce sont les 4 premiers de l’Endurance Trail dont Tom Lorblanchet. J’en profite pour les encourager, les visages sont fermés et ils sont concentrés. Sur cette partie roulante j’arrive à les suivre, ce qui ne sera pas du tout le cas dans la montée vers Le Cade… Elodie est une nouvelle fois ici pour m’encourager, merci la miss ! J’attaque la fameuse montée, un groupe de gars avec des maillots Asics m’encourage à la sortie du village, je les remercie. Quelques mètres plus haut ils m’aperçoivent encore et je marche toujours, ils me « gueulent dessus » et sifflent.
C’est le sourire aux lèvres que je leur réponds « je suis cramé ! », vraiment sympa ! Je regarde maintenant ma montre et me concentre uniquement sur le dénivelé qu’il me reste à parcourir et je commence à faire des calculs savants (qui ne servent absolument à rien !). A ce moment là, c’est très difficile. Je pense à mes enfants et me fixe pour seul objectif d’arriver à la ferme du Cade synonyme de ravitaillement, sans penser à l’arrivée. Mon téléphone sonne, je sais que c’est un message d’Elo… J’attends justement mes résultats du concours de technicien territorial principal que j’ai passé la semaine dernière. Une motivation de plus pour arriver au ravitaillement, je m’interdis de regarder le portable avant le ravitaillement même si j’en ai envie.
Arrivé à la ferme du Cade je dis bonjour aux bénévoles et ils me demandent si j’ai besoin de quelque chose, je leur demande de me remplir mes bidons d’eau. Ils sont aux petits soins et ça me gêne presque. L’ambiance est super sympa et tous nous encouragent. Je ne manque pas de leur sourire et de les remercier tout en leur souhaitant bon courage, eux aussi ont dû se lever à l’aube, rester toute la journée debout, il ne faut pas l’oublier. J’en profite pour ouvrir mon sac à dos et regarder mon portable, et je vois « Félicitation… ». J’ai compris, j’ai obtenu mon concours, YES ! Alors que j’avais hésité à aller à l’oral car je n’avais vraiment pas le moral depuis l’annonce de la maladie de bébé. J’y étais allé, décidé une fois de plus à me battre jusqu’au bout.
Je sors du ravitaillement et je recommence à trottiner tranquillement en pensant au Puncho d’Agast, je garde toutes mes forces encore disponibles. Décidément je n’ai vraiment pas préparé cette épreuve car nous ne passons pas au Puncho. Nous bifurquons avant, on se fait une petite dernière montée avant de traverser la grotte du hibou, un moment magique. S’en suit les deux derniers kilomètres, tout en descente (ou presque !). Mon genou droit commence à me faire souffrir et c’est difficile de descendre dans ces conditions. J’entends le speaker à l’approche de Millau, un dernier virage, quelques marches et j’enlève mon sac à dos pour mettre en évidence mon maillot de l’association avec le prénom de nos deux filles partis trop tôt. A l’arrivée, Dominique Chauvelier m’interpelle et me tend le micro afin d’expliquer la cause que je défends, ce qu’est le deuil périnatal et le but de l’association que je soutiens. Cette magnifique épreuve ce termine donc de la plus belle des manières, en rendant hommage à mes deux petits anges… Merci à Elo ma compagne d’avoir insisté pour que j’aille courir cette course, je vous aime.
Quelques mots sur l’Association Hespéranges
Je cours depuis plusieurs années pour l’association Hespéranges qui a pour but d’aider les personnes confrontées au deuil périnatal (deuil d’un bébé pendant la grossesse, à la naissance ou quelques semaines après la naissance). Cette petite association a été créé par Gaëlle Ballanger, une jeune femme pleine de courage et d’énergie, qui a également perdu un bébé, elle habite à quelques kilomètres de chez nous et est devenue une amie. L’association organise régulièrement des groupes de paroles, des lâchers de ballons, tricote des nids d’anges pour les donner aux hôpitaux, donne des conseils pour préparer les obsèques des petits anges. Pour Noël, un lâcher de lanternes est aussi organisé ainsi qu’un stand au marché de Noël de Landeronde pour vendre des objets confectionnés par les parents endeuillés.
De mon coté, je cours depuis plusieurs années avec le logo de l’association sur mon maillot et le prénom de ma fille, Zoé, sur le cœur. Je ne manque pas une occasion pour parler de l’association et du deuil périnatal encore trop tabou dans notre société. Je trouve que le logo ne se voit pas assez sur ma tenue et mon objectif pour les années à venir est de courir intégralement en bleu et rose, couleurs symbolisant le deuil périnatal. Je suis en train de créer un site internet « courir bleu et rose » pour parler d’Hespéranges, de notre combat et de mes courses. En plus d’une vingtaine de courses annuelles, mon principal objectif en 2015 est de participer au triathlon d’Embrun (3.8km de natation, 180kms de vélo avec 5000m de D+ et un marathon). Je souhaite faire ce triathlon en bleu et rose en portant tous les prénoms des petits anges de l’association. J’aimerais aussi faire de même avec mon vélo, pour cela je suis à la recherche de partenaires prêts à me suivre dans ces aventures et soutenir l’association.
Toutes ces actions me donnent une force incroyable, et mentalement j’arrive à faire face en pensant à mes enfants et tous ces petits anges envolés trop tôt. Quand je cours je me sens prêt d’eux …
Maxime SARRAZIN, que vous pourrez retrouver son blog : COURIR BLEU ET ROSE