Sur un stade, il n’y a pas que des spécialistes de la piste. On y trouve tout type de coureur, tout type de personne. Chacun a ses propres motivations.
Je vous prends l’exemple d’une fois où je suis allé faire une séance « classique » de 200m. Je pose mon sac toujours au même endroit sous l’abri en plastique au bord de la pelouse. Je démarre mon footing très doucement, et j’observe discrètement les personnes qui viennent sur le stade, qui s’installent sans doute comme moi dans leur coin fétiche.
Il y a un groupe de marcheurs et marcheuses assez conséquent, peut être une douzaine. Le coach est là, on a l’impression que ça file à la baguette ! Mais ce n’est pas la première fois que je les vois. Si les personnes reviennent, c’est qu’elles y trouvent leur compte. Même si ça grimace et que ça souffle. Pourtant ce ne sont pas des « jeunots », mais des vétérans entre 45 et 65 ans. Comme nous, ils viennent sur la piste pour faire du fractionné au couloir 1, et comme nous, ils savent que quand ils franchissent la ligne, on laisse toujours libre ce couloir 1.
Les entraîneurs et encadrants arrivent à leur tour. Parmi eux, celui qui s’occupe des sprinteurs. Un vieil homme aux traits tirés… La vieillesse? La sagesse? Les deux sans doute… Il a dû en voir passer des athlètes ! Sans doute certains sont devenus des champions, qu’ils soient régionaux ou nationaux.
Je démarre ma séance, les premiers 200 ne sont pas évidents. Tandis qu’au fil des tours je me déverrouille, les enfants se regroupent sur la ligne droite opposée. Le coach est, semble-t-il, un parent qui s’est dévoué pour s’occuper de la marmaille de petits athlètes, et qui fait son « travail » (qui n’en est pas un) consciencieusement. On voit les petits jouer, courir, il y a une belle émulation et déjà une belle détermination sur certains visages. Un ou deux rappel en passant : » le couloir un s’il vous plaît ! Merci ! » et ils ont compris.
Tandis que les parents patientent sur les marches des travées, je finis ma séance en poussant un peu plus dans la dernière ligne droite. Les mains sur les genoux pendant 5s, je retourne vers le banc en marchant, une gorgée, et hop récup’ pieds nus sur la pelouse. Ça tombe bien, une amie sprinteuse part s’échauffer. Petite discussion et petit footing, entre 5 et 10 min. Pour elle, s’en suit une multitude d’éducatifs de foulée et de pied, sous l’oeil avisé du vieil entraîneur.
Certains comme moi se la font solo. Une jeune fille, sans doute étudiante, s’adonne à quelques 300m bien sentis. Le genre de truc qui vous fait finir bien lactique, étendu sur l’herbe les bras en croix. C’est ce qu’il se passe. La demoiselle au physique de sprinteuse (affûtée mais musclée) démarre très bien ces accélérations. La foulée est engagée, longue, les genoux montent et les bras tirent vers l’avant. Mais la fin est pénible, la foulée se rétrécit, réduite même de moitié. Elle ne devrait pas partir si vite me dis-je… Mais elle donne tout, quelle énergie et quelle volonté ! Elle finit… étalée dans l’herbe.
Il y a aussi ces personnes qui ne sont pas coureurs habituellement. Au physique et à l’allure, je peux remarquer un boxeur, musculeux et plante de pied, mais avec une foulée peu efficace. Il est vêtu, trop pour la saison. Mais il sue et il se la donne, les boxeurs sont de gros travailleurs. Je peux remarquer ces deux dames, qui n’ont ni la tenue ni les chaussures adéquates mais qui viennent sur la piste faire des tours… Sur l’herbe ça ferait moins mal, autour des terrains ça serait moins ennuyeux… Je n’oublie pas les lanceurs, qui attendent que vous passiez pour pouvoir balancer leur engin. Je n’oublie ces quelques personnes qui arrivent quand on s’en va, et qui vont se faire une séance en sortant du travail. Ça ressemble à des marathoniens, vu l’allure économique et le t-shirt de course. Il y a aussi ces traileurs qui, tellement bien dans leurs chaussures cramponnées, les gardent pour fractionner.
Chacun vient, quel que soit ses spécialités et ses qualités, faire son entraînement sur un stade. Il n’est réservé à personne, et il peut être utile à tous. La règle ? La seule qu’il y ait, c’est de laisser le couloir 1 libre quand on ne fractionne pas, pour le bien-être de chacun. Le reste, ce n’est qu’une histoire de sueur, de discussion et d’encouragements bienvenus.
Mathieu BERTOS
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