Seulement un mois après la CCC, ma participation au Championnat de France de Trail était compromise … J’avais donc décidé de m’aligner sur le long parcours (62km et 3200mD+), si et seulement si, la forme me permettait de terminer la course sans compromettre le reste de la saison. Un très long voyage imprévu de 10 jours à l’autre bout de la terre (en Nouvelle Zélande) s’étant intercalé entre ces deux évènements, je n’étais vraiment pas dans de bonnes dispositions pour espérer une performance ce 28 septembre prochain dans la Drôme Provençale.
Préparation manquante, fatigue du voyage et son décalage horaire, risque de subir les effets négatifs qui suivent souvent les semaines post ultra … Autant de points qui n’incitaient pas forcément à se présenter au départ de ces Championnats de France. Mais les quelques séances faites la dernière semaine précédant le jour J étant plutôt encourageantes, je décide finalement de me rendre à Buis les Baronnies avec l’objectif de faire une course plaisir et au minimum, de franchir la ligne d’arrivée pour être classée au TTN (Trail Tour National). Je suis pour le moment 3ème derrière Maud Gobert et Laurence Klein … Garder ma place sur le podium serait vraiment chouette !
Le terrain de jeu de ces championnats 2014 ne nous est pas inconnu, puisque nous sommes venus courir le Trail de la Drôme en avril dernier. Donc même si nous n’avons pas fait de reconnaissance de parcours, pas de grosses surprises sur le terrain qui nous attend autour de Buis les Baronnies. Un parcours complet, bien technique et varié, qui va permettre à tous les types de trailers de s’exprimer. Sur le trail court comme le long, nombre de favoris ont répondu présents, la bataille promet donc un grand spectacle !
Le départ du 60km est à 6h30. Un peu trop tôt pour Manu et moi qui ne sommes pas du matin, mais nous mettons quand même le réveil à 3h20 pour assurer un petit déjeuner consistant et suffisant. Personnellement, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, mais au moment d’arriver sur le lieu du départ, je n’ai pas sommeil du tout, j’ai même plutôt hâte de m’élancer ! Il fait nuit noire bien sûr, et c’est la frontale sur la tête que faisons les premières foulées d’échauffement. Il fait déjà très doux, aucune hésitation sur la tenue à enfiler : le plus léger possible, short, maillot du club (sans oublier les manchons Sigvaris que je ne quitte plus !), porte-bidon avec une flasque de 125ml d’eau en supplément, il risque de faire soif avec cette chaleur … 4 ravitaillements bien répartis (12ème, 23ème, 35 et 46ème) et fournis en produits ISOSTAR, que demander de mieux ? C’est avec le sourire (enfin, pas pour tous !!) et dans la bonne humeur que nous prenons le départ de ce Championnat de France à 6h30.
Pas de pression pour ma part, étant données les conditions, je me m’attends pas à faire des miracles. On échange quelques mots sympathiques avec Christine Denis-Billet dans le sas de départ (elle semble en forme), et après la minute de silence en mémoire d’Hervé Gourdel, le GO est donné. Je n’ai pas fait la même bêtise qu’au Luchon Aneto Trail, cette fois, j’ai opté pour une frontale puissante : la super NAO de Petzl ! On y voit comme en plein jour, nickel ! On va avoir au moins 45′ à courir de nuit, s’agit pas de prendre de risques bêtement. La courte ligne droite de bitume pour démarrer laisse vite place aux premiers dénivelés positifs sur les sentiers. J’adore cette première partie : ça grimpe, mais ce n’est pas une montée sèche, c’est une alternance de belles montées/descentes. Ça use oui, mais c’est varié et personnellement, je me régale sur ce genre de parcours. On prend environ 700m de dénivelé positif en 12km environ.
J’ai laissé partir les 5 avions de chasse : Caroline Chaverot, Maud Gobert, Stéphanie Duc, Aurélia Truel, Aline Coquard. Je sais qu’elles sont à un niveau au dessus, je n’ai pas la prétention de pouvoir les accrocher, et encore moins aujourd’hui ! J’espère pouvoir faire un bout de chemin avec Christine, comme l’an dernier à Gap, mais elle a pris un départ un peu trop rapide pour moi, je me dis que je la retrouverais peut être plus tard. C’est finalement avec Sophie Gagnon et Sarah Vieuille (qui a remporté haut la main le Trail Ubaye Salomon cette année devant Christine justement) que je fais un bout de chemin. Elles me doublent assez tôt, mais je parviens à la garder en ligne de mire jusqu’au 20ème kilomètre environ. Je gère et me sens bien au sommet de la première ascension, le début de la première descente n’est pas trop technique, un régal de courir lorsque le jour se lève … Un oeil à la Suunto : 3’55 au kilo. Wow, ça va, on ne se promène pas là ! Le premier ravitaillement est atteint en 1h18 environ, le jour s’est levé entre temps, mais je ne pourrais me séparer de ma frontale qu’au 23ème, donc je la garde sur la tête pour le moment.
L’entrée dans un single en sous bois limite la visibilité et je me retrouve rapidement à faire route en solitaire. J’essaye cependant de ne pas ralentir l’allure en espérant de ne pas perdre Sarah et Sophie devant. Mais voilà, je sens bien que mes jambes vont plus vite que mon cerveau ne le conseille, et j’ai le pressentiment que cette histoire va virer au drame … À peine le temps de me pencher sur la question que je m’étale au sol en plongeant vers l’avant. Aie !! Le genou gauche a bien tapé et je n’arrive pas à repartir tellement il me fait mal. Je m’arrête, masse, j’essaye de faire redescendre le cœur (ça calme un peu ces choses là), et repars d’abord en marchant, puis en trottinant (entre temps je me suis faite doubler par deux coureurs qui se sont assurés que tout allait bien). Super douloureux au départ, ça passe doucement, mais c’est terminé, dans les descentes techniques, je RALENTIS et tant pis si je perds énormément de temps.
L’approche du second ravitaillement se fait sentir, je reconnais ce passage original où il faut traverser l’eau à l’aide d’une corde installée là à cette occasion. Les spectateurs se font de plus en plus nombreux, je reconnais Sabine ou encore Goran, merci pour leurs encouragements. J’en profite pour leur demander des nouvelles de Manu, qui sont plutôt bonnes et du coup me rassurent. Nous revenons ici dans le centre de Buis les Baronnies, à l’endroit même du départ : première boucle effectuée ! Les coureurs du 23km s’échauffent pour leur départ à 9h30, c’est chouette d’avoir leur soutien, merci beaucoup à tous, ça m’a vraiment donné un bon coup de boost d’avoir autant de monde à crier sur le côté. Je retrouve Clément et Fanny pour mon assistance au second ravitaillement. Trop efficaces, ils ont assuré, merci ! 2h20 de course, je suis au 23ème km. oh génial, quelle surprise, les parents de Manu sont là aussi, ils sont à fond, ça porte.
C’est reparti pour la seconde boucle ! Les jambes vont bien, je ne me sens pas fatiguée, mais je commence à avoir vraiment mal au ventre et ça m’empêche d’avancer aux allures que j’aimerais. J’ai bien l’impression qu’il va me falloir faire une pause technique à un moment donné, parce que ce mal de ventre n’a pas l’air de vouloir passer … (sans rentrer dans plus de détails, j’aurais finalement dû faire 3 pauses entre le 23ème et le 40ème km avant que ces coups de couteau ne cessent et me permettent de finir sereinement. Et oui, ces cas de figure peuvent malheureusement arriver, et je peux vous dire que ce n’est pas drôle du tout !!).
Nous repartons pour une ascension de 6km et environ 800m D+. Encore une fois, je me retrouve assez vite seule et décide donc de sortir mon MP3 pour me changer un peu les idées. Après voir perdu un peu de temps pour le démêler (oui je sais, ce n’est pas très intelligent de perdre du temps de cette manière mais bon, j’avais dit que je le faisais sans pression de perf !), je me rends finalement compte que c’était une bonne idée, le son rythme mon ascension que j’essaye de passer en alternant petite foulée, marche rapide de temps en temps. Mais avant même d’atteindre le sommet, je me fais doubler par une féminine, ah mince alors ! C’est Manikala Rai, une napélaise qui avait terminé 3ème au Trail des Aiguilles Rouges l’an dernier. Elle grimpe vraiment bien, je la laisse lâchement partir (mais j’ai une bonne excuse, j’ai toujours très mal au ventre). Sommet atteint à 3h30 de course (entre temps j’ai refait une belle gamelle qui m’a valu l’autre genou et une bonne nouvelle frayeur), nous venons donc de passer le 30ème km et le 3ème ravitaillement nous attend 5 kilomètres plus loin (et sans m’en rendre compte j’ai recollé Sophie que j’ai désormais dans le viseur).
Un ravitaillement qu’il ne faut pas rater puisque nous reprenons la route pour une belle grimpette de 3km dont environ 400m de dénivelé positif et il fait de plus en plus chaud, le soleil commence à bien taper, il est 10h30 mais j’ai l’impression qu’il est 15h ! C’est fou comme on peut être déconnecté complet lors de ces longues courses … ! Mains sur les cuisses, j’appuie, et je recolle petit à petit Sophie Gagnon qui est accompagné d’un coureur. Ça me motive et me donne une motivation pour ne pas lâcher le rythme. L’objectif : les doubler avant le sommet ! Contrat rempli, et hop, 2 places de gagnées ! 😉 Je l’encourage, elle me dit qu’elle est dans le dur et je le vois bien dans son regard. « Allez Sophie, accroche, courage ! »
Les sensations sont revenues. Après ces 3 pauses techniques, ces maux de ventre ont enfin fini par disparaitre, et je peux un peu plus me lâcher sur les portions qui permettent de relancer ou d’accélérer sans trop se mettre en danger. Je me fais donc bien plaisir dans la première partie de la descente qui a suivi, sur un sol souple et herbeux, et juste légèrement caillouteux. Plaisir de courte durée puisque la seconde partie de la descente est vraiment pentue et technique : les pieds glissent sous la caillasse et le coureur qui m’accompagne à ce moment là n’est pas plus guerrier que moi apparemment … il a le genou en sang et me raconte être tombé déjà plusieurs fois. Bienvenu au club !! 🙂 On fait donc route ensemble, en descendant (trop) doucement comme des crapauds, et en manquant chacun notre tour de s’étaler plusieurs fois .. !
Je ne m’étale plus trop sur ce sujet, parce ça tombe presque sous le sens dans ce genre d’environnement montagneux : mais les paysages traversés sont juste sublimes et je prends tout de même le temps de lever la tête de temps en temps ! Quel chance d’être là et de pouvoir admirer tout ça … ! On croise d’ailleurs un groupe de randonneurs en train de pique-niquer au sommet, je leur lance avec amusement qu’ils ont vraiment bien choisi leur place : quelle vue ici ! Cap vers le dernier ravitaillement, où m’attendent Clément et Anaïs. 46ème kilomètre et 5h30 de course. Ils assurent comme des chefs encore une fois, merci !! Ludovic Dilmi du team Isostar est là aussi pour ravitailler son frère Christian, que je viens juste de doubler. Je prends des nouvelles des gars devant, je demande aussi l’écart devant : « elle est à 4 minutes devant environ ». Il reste 15km, c’est donc jouable de gagner une place. Allez, on va le tenter ! Les voyants sont toujours au vert et je me sens même beaucoup mieux qu’en début de course.
Redémarrage droit dans le pentu avec une montée de 300m D+ en suivant. Je parviens à garder un rythme de course à petites foulées ce qui me permet de revenir progressivement sur la féminine devant moi. Je la vois bien quelques mètres au loin, mais ne parviens pas à mettre de nom sur sa silhouette. Le parcours alterne montées et descentes, c’est vraiment usant, mais je me régale ! Les ascensions deviennent difficiles, bien sûr, les muscles commencent à être douloureux, j’ai passé les 6h de course. Mais ce n’est pas maintenant qu’il faut lâcher, il reste moins de 10km. L’écart avec la féminine qui me devance semble se réduire, mais vraiment très doucement. Nous allons presque à la même allure, mais je parviens à grapiller un peu de temps sur elle dans les montées. Elle marche alors que je cours.
Au 58ème, je me dis que c’est maintenant ou jamais, je serre les dents et j’accélère dans l’espoir de la recoller enfin. Ça descend, j’ai mal aux cuisses. Je double quelques coureurs et finis par la rejoindre. Mais quand j’arrive à son niveau, elle se met sur le côté, s’arrête net, et me fait signe de passer. J’essaye de la motiver pour que l’on reparte ensemble mais c’est fini, elle a complètement lâché et semble être vraiment entrée dans le rouge. Me voilà 7ème (mais je ne le savais pas). Je poursuis, ça commence à sentir bon la fin, mais en voyant ma montre, je comprends qu’on va probablement faire plus de 60km … Je repasse des coureurs, je me sens bien. J’aperçois un maillot jaune arrêté sur le côté, c’est Emmanuel De La Teyssonnière d’Isostar. Oh, on dirait qu’il y a un souci. En effet, il porte secours à quelqu’un allongé à terre (j’apprendrais beaucoup plus tard que c’était Aline Coquard). Je lui demande comment ça va, il me répond « pas bien, mais file, y’a du secours qui ne devrait pas tarder. » En effet, quelques minutes plus loin, Hervé Simon, l’organisateur, débarque à grands coups de klaxon dans l’autre sens avec son 4*4 !
C’est vrai qu’il fait très chaud et cette fin de course est longue et difficile pour tous. Je recroise Ludo du team Isostar qui m’encourage (merci Ludo !) et m’annonce que je suis 6ème. Il y a de plus en plus de monde. Fin de la descente, on a quitté les sentiers pour le bitume et l’arrivée semble maintenant bien proche. Mais non, pas encore. Il reste presque 1,5km de plat en bas, accrochons nous ! Virage à gauche, encore une ligne droite, virage à droite, le pont, et ça y’est, c’est la dernière ligne droite, j’ai hâte de savoir ce que ça a donné pour Manu. Les dernières foulées ne sont que du bonheur, arche d’arrivée en ligne de mire, il ne reste qu’à dérouler avec le sourire et à savourer le passage de la ligne : 7h13 et 62km500 au chrono. Je termine donc bien 6ème féminine, et 47ème au scratch (je passe 2ème au TTN, misson accomplie ! ;-))
Le chrono tout juste arrêté, une sympathique femme se dirige vers moi : « contrôle anti-dopage » mademoiselle ! « Ah oui, aucun problème on y va de suite, mais est ce que je peux juste embrasser mon chéri qui m’attend sur le côté ? » Et je retrouve Manu qui me tend ses bras pour me féliciter et m’annoncer sa belle 5ème place.
Sylvaine CUSSOT
Crédit photos : Antoinette Gault, Anais Chirol, Goran Mojicevic, Raymond Pretat, Ski and Run
Les résultats du Championnat de France de Trail 2014 : scratch 23km scratch 62km