Chers lecteurs de u-Run, me revoici. V’là qu’en préparant mes vacances là-bas dans le Sud, j’me suis dit dans le dedans de moi-même, que l’été, les vacances, toussa toussa, c’était pas que synonyme de mangeage de glace affalée dans un transat au bord de la piscine, les doigts de pieds en éventail.
No Pain No Gain, c’est pas parce que je suis loin d’être une Hulkette qu’il faudrait en oublier de s’entraîner à la course à pied en saison estivale. Après épluchage des calendriers de courses à faire dans le coin, j’ai avisé un très chouette Trail dans la région des Pyrénées-Orientales : la Panoramique de Millas.
Un parcours de 17km avec 500m de D+, là-haut, tout là-haut sur la montagne. Je me voyais déjà, telle Heidi, dévalant gracieusement les pentes, les couettes au vent…. Étant donné que les inscriptions n’avaient pas l’air d’être actives sur le net, j’ai donc téléphoné au gentil organisateur (Bernie qu’il s’appelle) et qui m’a dit qu’il ne fallait pas que je m’inquiète et que je pouvais le faire par courrier. Il m’a trouvée fort sympathique (ceci étant un paramètre important pour la suite du récit). La veille de la course, Bernie m’a envoyé un mail pour me dire que vu que j’avais l’air super motivée, il avait donc décidé de m’attribuer le Dossard n°1… Nan mais tu te rends compte ? A moi ? (de la confiture aux cochons) Est-ce que tu as déjà vécu cet intense moment, toi lecteur, d’arborer fièrement épinglé sur ta poitrine le Dossard destiné aux élites ? Ah mais nan, chuis couille moi, bien sûr que tu sais ! J’oublie sur quel support j’écris ! Ben figure-toi que moi je ne savais pas ce que ça faisait jusqu’à présent.
En attendant le départ de la course (19h, ce qui est une très bonne idée, au moins on n’a pas le cagnard), j’ai posé mon fondement sur un banc dans un chouette parc (c’est joli Millas d’ailleurs), et c’est là que j’ai vu les regards dardés sur ma poitrine. J’avais juste envie de leur dire : « Ah nan nan, ne vous méprenez pas, y’a erreur sur la marchandise, vous allez tous arriver devant moi. C’est comme dans Secret Story, faut pas se fier aux apparences. J’ai le dossard n°1, mais c’est uniquement parce que l’organisateur m’a trouvée sympathique et particulièrement motivée ! ». Mais évidemment que j’ai rien dit, vu que je ne les connaissais pas. Il est à noter que pour 9€ d’inscription, ici tu n’as pas le traditionnel tee-shirt dont on ne sait plus quoi faire. Là, tu reçois une bouteille de vin, une bouteille d’huile d’olive, un sandwich au jambon de pays et des fruits. Au son d’un orchestre, v’là que le départ de la course a été donné. Et c’est exactement à ce moment-là que je me suis retrouvée à la ramasse… On était à peu près 400 partants. Y avait environ 399 Hulks, et moi.
A Paris, en partant à 9,5km/h dans les premiers kilomètres, histoire de s’échauffer quoi, et ben ça va c’est correct, et y en a encore plein d’autres derrière moi. A Millas : nan. C’est pas comme ça. Tout le peloton part super vite, et après tu vois comme un long serpentin de coureurs courir comme des cabris dans la montagne. Jusqu’ici, dans les courses, j’avais donc recensé le Hulk traditionnel du bitume (coureur génétiquement pas fabriqué comme moi), le Hulk du Trail (la version champêtre), et là c’était : le Hulk de la Montagne. Le coureur qui est habitué en toute simplicité à galoper à 17km/h en côte… Et même pas ça transpire cette affaire-là ! Incompréhensible, la vérité, je sais pas comment ils font (enfin, si. TOI tu sais). Lecteur sache que jusqu’ici j’ai toujours appliqué la méthode : jamais dernière. Là, je crois bien que malheureusement, sur cette course, vu le niveau, ça n’allait pas être possible.
C’est également à environ 2km de course que je l’ai entendue, sentie, celle que je n’avais jamais vue de ma vie, là, son souffle dans mon dos : la voiture de la honte. La voiture-balai. J’ai immédiatement pensé que ça ne pouvait pas être possible, que cela ne pouvait être mon destin, alors j’ai accéléré. Ouf, l’honneur est sauf, y avait encore 2 coureurs derrière moi. Au 3ème kilomètre, ça a commencé à grimper (500m de D+ qu’ils disaient… Barbie grosse menteuse !). Au 4ème kilomètre, oui, je le reconnais, j’ai été contente de voir plusieurs Hulks redescendre… Honte de penser ça, mais même si eux abandonnent, c’est que vraiment c’est difficile, n’est-ce pas ? (dis-je pour me donner bonne conscience). Ouh que c’est vilain de dire ça… 5ème kilomètre, ça grimpe raide. C’est inhumain. Surréaliste. Même pas j’aurais pu penser un jour que ça pouvait exister de courir comme ça… Mais au moins, je ne sentais plus la voiture de la honte dans mon dos. Hé hé, ça s’appelle parler trop vite…. Normal que je ne l’entende plus. La voiture-balai avait été remplacée par : le VTT-balai… Nouveau concept en montagne, un bénévole sur un vélo armé d’un bidon d’eau pour secourir les coureurs en détresse.
6ème kilomètre… J’avais juré de ne pas marcher. Je marche. Je me trouve lamentable sur ce coup-là, mais j’ai pas le choix car je sens que mon cœur a sauvagement envie de sortir de la poitrine. Alors je rencontre une gonzesse très sympathique et v’là qu’on se met à discuter. On récupère un type derrière, et… le vélo-balai. Foutu pour foutu, hein… On continue le Trail à 4. Le monsieur (Belge) nous raconte que c’est la 4ème fois qu’il fait cette course, et qu’à chaque fois il arrive dernier. Je lui demande : « Ben pourtant vous y retournez ? ». Il répond : « Je suis sado-masochiste ». Voilà, il a tout résumé. C’est ça le Trail. Ça fait mal, mais sans savoir pourquoi : on recommence…
Le bénévole en VTT est super sympathique. Il nous explique qu’il a couru plusieurs fois cette course, et qu’après une chute dans le Canigou, il a du renoncer au Running pour se mettre au vélo. NB : le Canigou c’est pas qu’une boite de pâtée pour chien, mais également une montagne très difficile à escalader. La jeune femme (Sarah) est au bout de sa vie, ses copines sont loin devant. Je décide de rester avec elle. Ou plutôt, elle décide de rester avec moi. Enfin, on décide de rester ensemble. En haut d’une côte (de toutes façons, y avait que des côtes) : Bernie, l’organisateur. Je lui dit : « Allez, photographiez ma déchéance ! ». Il est mort de rire, je suis morte de rire. Tout le monde est mort de rire dans cette histoire. Sarah me dit qu’elle aurait du s’inscrire à la randonnée. D’habitude, elle ne court que sur du plat vu qu’elle vient du Nord. Comme le Monsieur Belge… On crache nos tripes, et on continue à monter.
Des ravitos tous les 2 ou 3km tenus par des bénévoles d’une choupinitude absolue. Et ça n’en finit pas de monter. Le VTT-balai nous informe d’un truc très très intéressant : au bout de 2h30 de course, on nous arrête, et on nous met dans la voiture de la honte. De force, sans nous demander notre avis. Juste à ce moment-là, un camion passe, avec plein de lumières dessus. Il est rempli de petits scouts qui nous lancent « On vous ramène ? ». Moi en rigolant : « Même pas en rêve qu’on monte ! Allez, allez, circulez, on veut plus vous voir ». On croise plein de Hulks qui redescendent en sens inverse, en nous criant « Courage, courage ! ». Sarah, le Belge, et moi : on est au bout de notre vie…
Arrivés au bout de 1000 ans (très exactement : 1h30 pour faire 9km, oui, tu peux rire, tu as le droit), tout en haut du Pic : la Chapelle de la Forca Real que ça s’appelle. Ya un observatoire, c’est beau, c’est très beau. La Course mérite bien son nom : la Panoramique. Le paysage est somptueux. Je suis tellement ravagée de fatigue que je ne pense même à prendre de photos (en plus, je prends les photos comme un pied). On pointe. Je présente mes excuses pour ne pas avoir fait honneur au Dossard n°1… Et je rajoute : « La vérité, ici vous êtes pas des rigolos, hein… Vous êtes joueurs vous autres ! ». Maintenant, faut redescendre sur 8km : là, je donne tout. Sarah s’arrête en disant que c’est trop dur, qu’elle n’a pas l’habitude, la pente est très raide. Je lui conseille de fléchir les jambes en descente. Ça va mieux. On bombe. On a perdu le Monsieur Belge, il est derrière avec le VTT-balai.
La camionnette de petits Scouts repasse devant nous : « Vous êtes certaines que vous ne voulez pas repartir avec nous ? ». On répond à l’unisson : « Nooooon ! ». J’avais dit que je la ferai en 2h cette course. Bonjour l’ambition… On n’en peut plus, il commence à faire nuit. Tel le Grand Dahut, Bernie apparaît de temps en temps au détour d’un chemin. Il prend les photos. On entre dans une forêt. Sarah lance : « Rho la la, il fait noir là-dedans, on voit rien… ». Je demande : « Bernie, vous voulez pas venir avec nous ? On a peur ». Bernie répond : « Y’a la lumière, c’est tout de suite à droite en entrant ». Sortie de la forêt. Une table de ravitaillement où l’on nous demande si on est les dernières. Moi, très fière : « Non, pensez donc… Y en a encore derrière ». C’est mon côté Marseillais ça… J’ai oublié de préciser qu’il s’agissait d’UN seul coureur et du VTT-balai (rho ça va hein).
5 minutes plus tard, une voiture : « Vous redescendez avec nous ? ». Nous : « Naaaan ! On part, on arrive, et on fera 2h30 ! ». Restent 2km, c’est plat. Une autre voiture nous suit… On la laisse passer. Elle veut pas. On se dit que ce doit être un dangereux malfaiteur, et qu’on va nous retrouver assassinées dans la montagne (portnawak). Sarah va voir la conductrice. C’est la dame médecin qui demande si tout va bien. On répond : « Oui oui, ne vous en faites pas ». Elle dit : « Vous voulez que je reste à vous suivre ? ». Nous : « Nan, sivouplaît… Ça nous stresse… ». Sarah me dit que le lendemain elle compte passer sa journée à la piscine. Je réponds que l’an prochain je me réinscrirai à la course. Elle dit que je suis tarée. Je réponds que oui, même pas peur.
Arrivée dans le village, il fait nuit, c’est la fête, tout le monde est en rouge et blanc. On voit l’arche d’arrivée. On se donne la main pour la franchir. Je dis à Sarah : « On l’a fait ! ». En 2h30, et on n’est pas montées dans le camion-de-honte. Mes accompagnateurs m’attendent. Je retire mes Hoka One One, et vais directement m’immerger dans la fontaine d’eau glacée car je ne sens plus mes jambes (ou plutôt devrais-je dire : m’échouer lamentablement). On me demande : « Ça va Dossard n°1 ? ». Je réponds : « Je crois qu’on m’a filé le mauvais œil » mauvaise foi inside). Des gens viennent me causer. Vu ma tête ravagée, je pense que c’est limite à moi qu’on aurait du lancer des pièces, et pas dans la fontaine.
L’an prochain, m’en fous : je cours le Championnat du Canigou !
Sonia