Il est un peu plus de 22h ce mercredi 6 Août 2014. Valdieri, petit village situé près de Cuneo en Italie, vient d’être le théâtre de la présentation d’une nouvelle épreuve de Trail transalpine, le « Trail del Parco dell Alpi Marittime ».
Sur la place du village, l’athlète d’exception Marco Olmo accepte volontiers d’accorder quelques minutes à u-Run pour une série de Questions-Réponses.
Pour situer le personnage, si tant est qu’il en soit besoin, Marco Olmo est un athlète italien né en 1948, qui, entre 50 et 60 ans, a remporté de nombreuses courses de prestige comme l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (2006, 2007), la Transgrancanaria (2008), le Desert Marathon (1998, 1999, 2000), la Desert Cup (2000, 2001, 2002 et 2003). Il compte aussi 8 top 10 au Marathon des Sables.
U-Run : Marco, vous êtes arrivé à la course à pied à 27 ans, par hasard dîtes-vous…
Marco Olmo : C’est mieux si tu me tutoies ; et oui, ça s’est passé comme ça, par hasard, au cours d’une course de village près de chez moi. Je crois que j’ai fini peu de temps avant le dernier.
U-Run : Tu dis que tu as commencé à réellement à t’entraîner à 33 ans, soit 6 années après tes débuts.
Marco Olmo : Et oui, avant j’avais d’autres choses à faire, je devais me marier, j’ai fait construire ma maison à laquelle j’ai pas mal collaboré en terme de travaux.
U-Run : Et tu as tout de suite commencé à courir en montagne ?
Marco Olmo : Non, au début, j’ai fait les courses de village qui se déroulaient presque exclusivement sur route. J’arrivais toujours plus ou moins au milieu du classement, disons en fin de première moitié du classement. En fait je ne suis pas rapide. Si j’avais été rapide, j’aurais fait du 200m, du 400m. Mais moi, même sur 10km, sur un marathon, je ne suis pas bon. En fait, je me suis rendu compte que plus les courses étaient longues, mieux j’étais classé. Je me rappelle d’une course sur route en 1977 qui partait de Cuneo (600m d’altitude) et arrivait à Castelmagno, à 1600 m d’altitude après plus de 40 km. Je crois que c’est une des premières courses où je me suis bien classé.
U-Run : A l’image des traileurs actuels, je crois que tu pratiques d’autres sports comme le ski d’alpinisme et la randonnée en montagne…
Marco Olmo : Ca n’a pas grand-chose à voir avec les athlètes d’aujourd’hui qui sont beaucoup plus polyvalents. En fait, j’ai commencé à faire un peu de ski de fond avec un ami qui en faisait déjà. Après j’ai un peu touché au ski d’alpinisme parce que j’étais licencié à Sestrières et qu’il m’arrivait de faire des courses dans cette région. Mais je préfère plus que tout courir parce que ça prend moins de temps et que tu te fatigues plus vite.
U-Run : Tu es aujourd’hui retraité, comment organisais-tu tes entraînements quand tu travaillais ?
Marco Olmo : Avant, j’étais conducteur d’engin dans une cimenterie. Je travaillais de 6h à 14h et j’allais m’entraîner tous les après-midi pendant 1h30-2h et jusqu’à 6h quand je préparais le Marathon des Sables. Dans ces cas-là, un mois et demi avant, je courrais un jour sur deux avec un sac de 5 kilos sur le dos. Encore aujourd’hui je cours tous les jours.
U-Run : Sur un reportage du Marathon des Sables, on te voit courir avec une montre à aiguilles des plus classiques. Tu ne t’es jamais entraîné avec un cardio ?
Marco Olmo : (il relève la manche de son pull pour me montrer sa montre) Tu vois, c’est toujours le cas. En fait, c’est surtout pour les yeux, je vois bien qu’avec ce type de montre. Après, je n’ai jamais suivi de plan d’entraînement, je n’ai jamais eu d’entraîneur ni de diététicien, je ne me suis jamais dopé et je suis devenu végétarien il y a maintenant 28 ans, un peu pour des raisons de santé, un peu par philosophie de vie. Cela ne m’a pas empêché de gagner l’UTMB, la Desert Cup, le Marathon du Désert, 6 fois le Cro-Magnon. 2007 a été ma meilleure année avec le doublé à l’UTMB et des victoires au Gran Trail Valdigne, à la Via Marenca, Le Porte di Pietra, la Chaberton Marathon…De plus, je ne me suis jamais blessé.
U-Run : Il me semble aussi que tu cours trails et ultras avec des chaussures de route…
Marco Olmo : Oui, c’est vrai, j’ai toujours couru avec des chaussures faites pour les marathons, des Mizuno Phantom. Quand ils m’ont vu prendre le départ de l’UTMB avec, ils m’ont pris pour un fou ! Et pourtant, j’ai couru et gagné presque tout le temps avec les mêmes chaussures ; le même modèle j’entends car je les changeais quand elles étaient trop usées. Tu comprends, le confort, c’est très important et celles-ci étaient très confortables. Aujourd’hui ils ne les font plus, alors je cours avec des adidas parce que leurs modèles me conviennent.
U-Run : Si tu devais choisir une épreuve entre l’UTMB et la Marathon des Sables ?
Marco Olmo : Sans hésiter, la Marathon des Sables !
U-Run : C’est étrange comme réponse pour un homme de montagnes !
Marco Olmo : Justement, celui qui habite à la montagne aime aller à la mer et vice-versa. Pour moi, le désert a un charme inégalable. Pour preuve, j’ai participé à 19 éditions du Marathon des Sables. Alors bien-sûr, l’UTMB a fait de moi quelqu’un de connu en m’apportant de la notoriété mais c’est le Marathon des Sables qui m’a fait être aimé par les français. Chez vous, en France, il est plus médiatisé qu’en Italie. D’ailleurs, les français adorent être pris en photo avec moi là-bas.
U-Run : Tu nous disais courir encore tous les jours aujourd’hui…
Marco Olmo : Oui, même si je cours moins longtemps et que je fais moins de compétitions. Tu sais, j’ai beaucoup donné, je suis un peu fatigué de faire des courses et je ne pense plus que ce soit tant salutaire courir autant qu’avant, à mon âge.
U-Run : Quel conseil donnerais-tu au coureur qui désire débuter dans le trail ?
Marco Olmo : D’y aller tranquillement, avec modération pour durer le plus longtemps possible et ne pas se blesser ; surtout de ne jamais se doper ! Et puis de faire comme les français.
U-Run : C’est-à-dire ?
Marco Olmo : Un italien réfléchira plutôt deux fois qu’une avant de s’inscrire à une course, surtout s’il s’agit d’un trail avec du dénivelé. Il dira « je ne m’inscris pas parce que je ne suis pas préparé ». Alors que vous, français, vous prenez le départ et vous faîtes ce que vous pouvez.
« Marco, merci pour tout ! En bon français, puis-je te demander de faire une photo avec toi ? » Sans hésiter, Marco répond : « Mais avec plaisir ! Et si tu veux qu’on aille courir ensemble puisque tu restes là quelques jours, on peut lundi ou mardi. On se fait 1 h à 1 h 15 mais on part à 7h du matin. Je te donne mon numéro… » C’est sur ces paroles et un nouveau rendez-vous pris que s’est terminé cet échange avec Marco Olmo, personnage atypique et athlète hors-norme.