Mes deux précédentes participations au Trail Ubaye Salomon m’avaient laissé de très bons souvenirs. Une édition dantesque en 2011 avec des conditions climatiques qui ont fait de la course un évènement encore plus à part (je crois que tous les participants s’en souviendront facilement … Personnellement pour mes tous débuts en trail, j’avais été servie, mais tout de même heureuse de prendre une 6ème place sur le 23km), et l’an dernier, une première tentative sur la distance longue (42km et 2700mD+) et beaucoup de plaisir pris malgré une cheville fragilisée par une entorse encore fraîche (Trail Ubaye Salomon) : un parcours exigeant car montagneux, un tracé dont les organisateurs peuvent être vraiment fiers, mais surtout, des paysages à vous couper le souffle ! De quoi être facilement tentés de remettre ça cette année quoi ….
A 3 semaines de notre objectif de l’été (UTMB pour Manu, CCC pour moi), il faut quand même l’avouer, nous étions fatigués. Les dernières semaines de préparation ont été intenses et chargées mais travailler sur la fatigue, ça peut aussi avoir son intérêt. Et puis c’est le moment pour faire un dernier bon bloc avant de complètement relâcher ! Le Trail de l’Ubaye sera donc parfait dans ces conditions. Le seul risque c’est que nous ne soyons vraiment pas en forme le jour J, mais en connaissance de cause, on fera avec.
Nous arrivons samedi soir à Barcelonnette et retrouvons d’autres coureurs déjà sur place, Nicolas, Aimé, Robert … Une équipe organisatrice de choc ! Réception aux petits oignons avec un dîner très sympathique pris tous ensemble à l’hôtel. Grand merci à eux (sans oublier une mention spéciale pour le dessert idéale du sportif : une bonne forêt noire en l’honneur des 10 ans de l’évènement ! ;-)) Extinction des feux à 23h30 pour un réveil à 4h55 : la nuit fut courte d’autant que le marchand de sable n’est même pas passé pendant ce créneau … Dommage ! Mais il va quand même falloir se lever et se préparer pour aller sur le départ qui sera donné à 8h sur la place du village de Barcelonnette.
Même si je meurs d’envie de partir avec un simple porte-bidon, je décide de prendre le Camelback en me disant qu’il faut que je me mette en conditions pour la CCC. Je le charge volontairement : 1litre d’eau, 2 barres, 2 gels. Au moins, je suis sûre de ne pas manquer comme l’an dernier ! Météo exceptionnelle annoncée : on devrait même pouvoir bronzer. Nous garons la voiture sur le lieu du départ dans le bon timing : il est 7h20. Ni une, ni deux, nous voilà partis avec Manu faire quelques foulées. Et 3 minutes plus tard, le ton de la journée est donné : je vomis (et ça fait sourire Manu au passage) ! Ok, ça ne s’annonce pas très bien cette histoire … Le bide en vrac, je m’aligne sur la ligne de départ où nous retrouvons quelques amis gardois : Fabrice, Aude, Nico, Denis, Stéphane, Rémi … Belle délégation !
Comme prévu, à 8h, c’est parti ! Les 6 premiers kilomètres sont rapides car relativement plats (légèrement montants). En effet, nous prenons de suite de bonnes allures (entre 4′ et 4’15 au kilo), et je sens aussi de suite que je ne serais pas dans le coup. Je laisse Aude prendre les devants dès le départ, Karen est avec nous, mais elle joue la prudence également en restant légèrement en retrait. Petit problème pratique très agaçant : mon Camel gesticule sur mon dos, mes gourdes avec, il n’est pas assez serré (mais il est au max, c’est peut être moi qui ne suis pas assez grosse !). Je décide de vider de moitié mes gourdes, c’est trop gênant là …. (et là Yann, je regrette mon porte-bidon adoré).
Le bitume laisse place au sentier et à partir du 6ème kilomètre, on bifurque à gauche et la première ascension démarre : environ 600m de dénivelé positif pour 6km. La bande des gardois me double ici, il me taquine (c’est de bonne guerre!). Le sentier est agréable : propre et courant, en sous bois. Tout pour se régaler, mais je subis déjà … J’ai juste l’impression d’avoir des poids à chaque jambe, j’ai du mal à lever les pieds, mon corps est lourd, j’ai du mal à le porter. Ça va être long, très long. J’essaye de garder espoir que ça se débloque, mais j’en doute, parce que je connais les raisons. Sarah me double dans cette montée, et j’ai Karen à mes talons un petit moment, qui finit par me doubler avant le sommet. J’ai décroché et mis le cligno dans ma tête (on va quand même essayer de la finir pour la prendre comme une course de prépa), je n’ai pas les moyens de me bagarrer aujourd’hui, les filles, ça sera sans moi. D’ailleurs Océane me double à son tour vers le 12ème km, je me retrouve donc 5ème et je me dis qu’il y a peu de chance que je parvienne à garder cette place à l’allure où je vais.
Petite séquence tournage vidéo avec Denis Clerc qui arrive (avec sa Go Pro), à mon niveau à la bascule vers la descente. On se taquine, on s’était lancés le défi du « que le meilleur gagne » et il semble motivé pour ne plus se faire redoubler … (voir vidéo ci dessous). Une belle descente technique et en single, d’environ 3km, nous emmène à Villard d’Abas, là où se tient le prochain ravitaillement vers le 15ème kilomètre. Même en descente, j’ai du mal à lever les pieds, c’est pour dire ! Je prends le temps de remplir mes gourdes mais je ne m’arrête pas trop longtemps, j’ai peur d’être tentée de m’arrêter définitivement ! A la sortie du ravitaillement, on embraye de suite dans le pentu et cela pour un long moment puisque nous grimpons jusqu’à 2682m d’altitude, au sommet du Chapeau de gendarme, placé au km24. Ça veut dire 1200mD+ en 9km. Mais je ne pensais pas à ça à ce moment là et c’est tant mieux !
J’aperçois Steph au loin, il se retourne, m’aperçoit et m’attend. Je lui raconte mes misères : « j’ai envie d’arrêter ici » (mais je sais pertinemment que sans blessures, je n’abandonnerais pas). Il me motive, m’encourage à le prendre cool et à me dire que je vais faire une belle sortie qui m’apportera dans 3 semaines : « tu t’en fous, marche, prends ton temps, profite, ça fera toujours du bon boulot pour la suite ! » Il a raison, il faut que je le prenne comme ça, comme un bon entraînement (bon du coup, sans trop de plaisir, heureusement qu’il y avait les beaux paysages pour le bonheur des yeux). On part ensemble, mains sur les cuisses, en discutant, c’est chouette ! Merci Steph.
C’est sur un long sentier en serpentins que nous évoluons un bon moment, avant de retrouver plus de visibilité sur un chemin plus large et herbeux, mais toujours en montée ! Quelques efforts plus loin, nous voilà au prochain ravitaillement : km 22, 2053m d’altitude au col de la Cloche ! 2Km et plus de 600mD+ au dessus, nous attend le sommet et la magnifique vue qui va avec : ça motive de penser à ça (le paysage là haut, pas le D+!). Je suis toujours en compagnie de mon cher Stéphane, je charge un peu plus vite que lui et repars avant, en me disant que de tout façon, il va me rattraper (et puis je me dis aussi qu’il en a peut être marre de m’attendre et que ça lui fera faire une petite pointe de vitesse !;-)). Retour sur un sentier en serpentins qui devient de plus en plus raide au fur et à mesure que l’ascension avance …
La végétation se fait de plus en plus rare et laisse place à des gros rochers à escalader et les derniers mètres avant le sommet sont vraiment physiques ! Ça brûle les mollets et les cuisses, j’ai même l’impression d’être emportée vers l’arrière de temps en temps ! Quelques cordes ont été installées pour nous aider, j’en profite mais me rends compte que je perds plus de temps avec … Stéphane m’a rattrapé (je vous l’avais dit !;-)), et nous passons le sommet ensemble. Ouf ! Il y a du monde là haut pour nous motiver, sympa, merci ! La bascule, puis on entame la descente. J’espère retrouver des sensations dans cette seconde partie, mais non, rien du tout, c’est toujours l’enfer, je n’arrive pas à lever les jambes et mon corps est toujours aussi lourd : je trébuche plusieurs fois et me résigne, il faut que je lève le pied et que je descende tranquille sinon ça va tourner en accident !
Steph est parti comme une balle tout droit dans le pentu, je me dis que je ne le reverrais qu’à l ‘arrivée … Je prends mon temps, et du coup du plaisir, ça devient de la balade, je discute avec le coureur derrière moi qui me parle du Trail du Sancy. Il sera au départ de l’UTMB et veut aussi garder du jus pour dans 3 semaines. Échange sympathique qui fait aussi passer le temps ! La descente est longue (environ 15km environ pour 1500mD-), mais entrecoupée de quelques petites remontées (Col de Gyp, Col de Fours) qui permettent de soulager un peu les cuisses. Je réussis quand même à faire une belle chute en tapant bien correctement les côtes au sol mais je repars sans gros bobos avec l’aide des deux coureurs qui étaient avec moi, qui me ramassent et s’assurent que tout va bien (merci encore). Plus de peur que de mal, heureusement ! Surprise, je retrouve finalement Steph un peu plus bas. Bonne nouvelle ! Arrivés à la Rente (31ème km), dernier ravitaillement, attention, il faut bien faire le plein ! 4h30 de course, Steph me dit : « on est dans les temps par rapport à ce que je m’étais fixé ! » Il voulait faire 5h30. Allez essayons de tenir la cadence alors.
Retour sur un sentier plus large, en faux plat montant cette fois, sur environ 6km. Je pensais que la transition du D- vers le D+ me ferait mal, mais finalement, ça passe bien. Je tiens un rythme de course à petites foulées, si bien que lorsque je pose une question à Steph en pensant qu’il était juste derrière moi, il ne répond plus … Je me retourne, ah, il n’est plus là ! J’hésite à l’attendre et puis je me dis qu’il avait peut être une pause technique à faire et qu’il me rattrapera bien avant l’arrivée. Les 5 derniers kilomètres, j’ai réussi à dérouler tranquillement sans trop de difficultés, même si j’avais quand même hâte d’en finir avec cette longue sortie qui durait depuis déjà plus de 5h …
Une dernière descente technique en sous bois nous ramène vers la civilisation et des spectateurs commencent à nous annoncer l’arrivée proche. Je n’ai plus croisé de féminines depuis le moment où Océane (Boutarin) m’a doublé vers le 12ème kilomètre, a priori, je suis 5ème. J’ai hâte de connaître les classements des filles devant et aussi bien sûr celui de Manu (Stéphane Ricard qui a dû abandonner et que j’ai croisé alors qu’il redescendait, m’avait prévenu qu’il allait moyen et qu’il n’était pas devant). Je n’aurais malheureusement pas repris Denis (qui termine 4 petites minutes devant moi) et Stéphane est toujours derrière. Derniers 400m de bitume avant de rejoindre l’arrivée. J’aperçois Julien (Navarro) et Sandrine (Baron), qui m’annoncent la superbe 2ème place de Julien derrière Greg Vollet, wouah !! Et enfin, la délivrance, l’arche est devant moi et je la passe en 5h26.
5ème féminine et 74ème au scratch mais alors sans aucune sensations positives … Mais franchement, aucun regret malgré tout, cette course est vraiment fabuleuse et c’est même peut être encore plus profitable de la faire un peu plus sagement, parce que cela permet de profiter de ces extraordinaires paysages en prenant le temps de lever plus souvent les yeux et juste … admirer !! 🙂
Bravo à toute l’organisation et tous les bénévoles qui ont permis à la course d’être une si belle réussite. Vivement la 11ème édition, mais en attendant, on a 70km et 4500D+ qui nous attendent demain et après demain sur Chamonix : il faut bien finir le boulot maintenant qu’on l’a commencé !
Prochain dossard fin août à la CCC, ça risque de bien piquer … ! 😉
Sylvaine CUSSOT
Photos : Robert GOIN et organisation
Les résultats du Trail Ubaye Salomon : Classement-12 km Classement-23km Classement-42 km