« Bonjour aux lecteurs de U-Run. Voilà, moi c’est Sonia, Parisienne, 42 ans (mais ça se voit pas, car je mets de bonnes crèmes). Je ne cours que depuis plus d’1 an ½ (avant, je ne me levais même pas de mon canapé). Je pratique le Running pour le plaisir, et ne suis pas connectée avec le chrono. Donc, j’fais ce que je peux (en même temps, si je fumais moins, je pourrais courir vachement mieux, et si je n’étais pas rétive au fractionné, ça pourrait être plus chouette, mais je m’en fiche).
J’ai proposé aux tauliers de chez u-Run un p’tit témoignage afin que les personnes n’ayant jamais foulé les marches d’un podium puissent s’y retrouver : gens en queue de peloton, gens contents d’arriver, anonymes du classement de tête, ce modeste billet est pour vous !
La Course que jamais j’en avais fait une aussi difficile jusqu’à présent… (mais j’ai vaincu quand même, et j’étais drôlement fière). J’te jure, à-côté de ça : le Marathon c’était de la rigolade (ouais). Pour info : 5h40 à çui de Paris, et j’ai mouru de bonheur ! Mon copain Saïmeune-Hulk me l’a dit après : « Quand j’ai vu le parcours, j’ai eu très peur pour toi, et j’me suis dit « elle va morfler ».
NDLR : les Coureurs que j’appelle « Hulks », ce sont des gens pas comme moi. C’est-à-dire : ceux-là ils vont sur le podium, et tout. Le Mondeville Trail Aventure, ça partait pourtant bien bucolique et tout. Y avait pas marqué qu’il y avait des difficultés, ou alors j’avais lu le descriptif en travers, rapport au fait que ce jour-là, je devais avoir d’autres activités bien passionnantes, telles que me vernir les doigts de pieds en rose bonbon (j’ai toujours eu très bon goût). Armée de ma genouillère (je dois courir avec ça, sinon j’arrive pas au bout), j’étais prête à relever le défi…
En fait, c’est un peu au bout du monde, là-bas, pas loin du Moulin de Feu Claude François. Tout le monde part d’abord pour 13km (jusque là, tout va bien). Et en arrivant au 13ème km, tu te décides : si tu vas à gauche, tu fais 25km en tout. Si tu vas à droite, t’en fais 50. Donc, avec Saïmeune, dès le départ, on s’est dit qu’on allait partir sur le Parcours de 25 (car il ne pouvait en être autrement). C’est en prenant le départ qu’on s’est dit qu’il y avait, comme qui dirait : une couille dans le potage. Au milieu des gentils bénévoles, on retrouve des copains de Simon qu’avaient déjà effectué le parcours de 25km, l’année d’avant, avant qu’ils ne soient devenus des Super-Hulks (y en avait un, il s’était déguisé en plaquette pendant le Marathon de Paris, et avec nous dans l’équipe Laurette Fugain). Là, ces 2 cinglés étaient alignés sur le 50km.
Moi, vêtue du tee-shirt jaune poussin de la course, je lance négligemment : « bon, de toutes façons, 25km ça va… C’est juste un peu plus qu’un semi-marathon, et c’est plat ». Là, il a rigolé (comme Élisa dans « Candy », de façon machiavélique), et il a dit : « plat ? C’est pas plat du tout… y’a presque 1000 mètres de dénivelé positif (D+). Même que parfois, tu vas devoir y mettre les mains pour avancer… » J’ai commencé à trembler, et j’ai répondu : « hein ??? Mais mon max c’est 200 mètres de D+, comme au Cross du Figaro dans le Domaine National de Saint-Cloud ! 1000 ? Mais je sais pas faire ça, moi ! » C’est là que j’ai regardé autour de moi : y avait QUE des Hulks. Pire que les Hulks de la Route & du Bitume… LES HULKS DU TRAIL (une population qu’est génétiquement pas fabriquée comme moi…). Ces Hulks-là, ils portaient tous des tee-shirts « Finisher des 100km de Millau », « Finisher de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc« , « Finisher de l’Ultra-Race de je sais pas quoi ». J’ai dit à Saïmeune : « Mais où c’est qu’on est, en fait ? Qu’est-ce qui m’a pris de m’inscrire à ça ? Je suis pas du tout à ma place ». Et lui aussi, il a rigolé comme Élisa dans « Candy »…
V’là qu’on est partis, et ça commençait par de la côte. Bon, jusque là, tout va bien. Quand ça monte, j’y arrive bien maintenant. Ensuite, y’a eu un grand passage dans les champs (c’était beau). Et c’est après qu’ya eu le début du parcours dans la forêt. Bon, ça montait, ça descendait, c’était pas trop boueux. Ça allait… J’me suis dit dans le dedans de moi-même : « Ah ben ça va au final, ça grimpe, mais c’est encore correct ». Note à moi-même : ne pas causer trop vite quand tu n’en es qu’au 5ème km… Tu crois que dans une forêt ça peut pas trop monter ? Détrompe-toi ! Là, j’peux te dire que j’ai bien compris ce que ça représentait 1000m D+… Oui oui, on imprime très bien la notion… Et tout c’que tu montes : faut le redescendre après… Tu crois que c’est facile ? Tssss…
C’est au bout de 9km de souffrance absolue que j’me suis demandé comment que j’allais bien pouvoir terminer cette plaisanterie ? Et c’est également à cette distance que j’ai rien compris du tout. 14h31 : je cours. 14h32 : qu’est-ce que je fous étalée de tout mon long dans ce ravin ? Par quel truchement, par quel prodige ? Comment une telle chose a pu arriver ? (impossible de me rappeler de quoi que ce soit). Des Hulks à-côté qu’ont demandé : Ça va ? Rien de cassé ? Moi : Ben chaipas… Faut que je réorganise le dedans de moi-même… J’attends la levée du corps pour savoir si tous mes os sont au complet… 14h33 : J’me relève (péniblement). Rien de broyé apparemment, mais mon épaule me semble « vivante ». 14h34 : C’est reparti. Dans la douleur.
Au bout de 1000 ans, j’arrive à la fameuse bifurcation du 13ème km. L’esprit tellement embrouillé que je m’arrête pour bien lire le panneau où c’est qu’ya marqué dessus « 25km » (imagine si je me goure et que je pars sur le 50 ? Ce parcours, les gens le font en 8h, ça te donne une idée de l’ignominie…). Je me pointe devant la gentille dame du ravitaillement, et je lui dit : « Bonjour Madame, je suis tombée… » Elle répond : « Ben je vois… Vous ne vous êtes pas loupée…. Ça va ? » C’est vrai que ne disposant pas d’un miroir, je ne pouvais constater l’étendue des dégâts suite au gauffrage… La gentille dame m’invite à me regarder dans le rétro de sa voiture : j’ai eu peur de ma propre personne… Boueuse de la tête aux pieds. Elle m’a dit : « Attendez, je vais vous verser de l’eau. Ça va vous nettoyer un peu ». J’ai répondu : « Merci Madame (et ai pensé l’espace d’un instant à lui demander de m’emmener avec elle, dans sa voiture, jusqu’à la ligne d’arrivée). Mais chuis repartie, en courant.
16ème km : Simon m’appelle (ouais, pour une fois j’avais eu la bonne idée de prendre le téléphone). Lui : « c’est dur, hein ? » Moi : « C’est rien de le dire… Saïmeune, s’te plaît, chuis au 16è, dis-moi qu’après ya que des champs plats ? » Lui : « Je t’entends pas bien… Courage… » Et ça a raccroché. Retour dans la forêt avec des montées de leur race. Et là, devant moi : une porte. Ou plutôt devrais-je dire : un mur haut de plusieurs mètres, tout en boue. J’me dis : Bon, ça doit pas être par là le chemin… En regardant les fanions orange (ce sont eux qui indiquent par où tu dois passer, histoire de pas de paumer, y en a tous les 5 mètres), je constate avec effarement que la fameuse balise est : tout en haut du mur à angle droit. L’air de nous narguer, en disant : Oui oui, on s’est pas gourés, on est joueurs nous autres… C’est bien par là que vous devez passer. Sache, ami-lecteur, que jamais, de toute ma laïfe, je n’ai escaladé quoi que ce soit. Je sais pas faire (oh tu peux rire, toi là-bas derrière ton écran ! Je sais que d’habitude, c’est pas ce genre de chose que tu lis sur U-Run).
Là y avait pas de solution… C’était pas possible d’appeler quelqu’un pour y demander de venir me chercher. C’était pas possible de contourner. A part me rouler en boule dans un coin, et attendre de me faire dévorer par une bête féroce : il fallait le faire. Alors j’ai grimpé. Et aussitôt glissé jusqu’en bas à cause qu’y avait rien pour s’accrocher. Le corps humain a des ressources insoupçonnées. Arrivée en haut au bout de 10 minutes d’efforts surhumains, t’as juste envie : de manger le foutu fanion ! Et tu repars, et tu cours… Tu cours passque t’en vois pas le bout, que t’en as marre, qu’il pleut, qu’il fait froid, et que c’est vraiment le truc le plus difficile que tu aies pu faire… (à mon humble niveau).
Et tu vois le Moulin de Claude François, tu fais n’importe quoi, tu chantes Alexandrie-Alexandra-voile-sur-les-filles-j’ai-plus-d’appétit-qu’un-Barracuda… Y avait des panneaux indiquant « Attention, tirs de balles ». L’idée de te faire chasser comme un lapin, ça rassure vachement… 3km avant la fin, ma copine Spike (qu’est pas venu sur ce coup-là) m’a envoyé un texto histoire de me demander combien de temps j’avais mis pour faire 25km. Je l’appelle pour y dire : « Nan mais chérie, c’est un Trail, j’y suis encore, tu vois ! S’te plaît, raconte-moi de la merde, n’importe quoi, mais faut que je me détende l’esprit là… » En me voyant passer, le téléphone vissé à l’oreille, les bénévoles ont rigolé. J’ai répondu : « ouais, c’est ma chouchoune qui me fait du coaching mental passque c’est très important. Et chuis pas la dernière ! » Sinon, vous savez quoi ? C’est vraiment le bout de ma vie, là ! Le pompon de la queue du Mickey, c’est que pour couronner toussa en beauté, vers la fin du parcours, tu as CECI (photo ci contre, un ravissement total).
Et au bout de 3h45 (ouais, rigole rigole) : l’arrivée. T’as juste envie de pleurer… Tu ne peux plus parler… Je vois le regard de Simon, il était très inquiet pour moi (même en temps que Hulk assermenté, lui il a mis 2h20, donc imagine comme ça pouvait être dur). Au final, on te sert un barbecue de toute beauté, avec des œufs durs et la mayonnaise maison fabriquée par Jacqueline, et la tarte aux pommes de Maryvonne (nan mais les bénévoles, j’avais tous envie de les embrasser, mais j’étais vraiment trop dégueulasse).
J’ai béni le fait de posséder une voiture automatique (j’aurais été incapable de passer les vitesses ou d’utiliser 2 pieds à la fois). Non, ya pas de photos de nous lors de cette course. C’est mieux comme ça (faut avoir du respect pour ses lecteurs…). 1 semaine complète pour me remettre des courbatures (alors que pour le Marathon, en 48 heures c’était fini). Il n’y avait que 25km, mais c’était la course la plus difficile que j’ai pu faire. Maintenant, moi aussi j’ai un tee-shirt « Finisher de Trail »… Et qui qu’est allée se réinscrire exactement à la même chose fin Août, à ton avis ? Du pur Masochisme.
Pour m’auto-récompenser, je me suis offert des chaussures de trail (non, j’aime toujours pas ça, mais y en 4 autres qui m’attendent, et avec des baskets prévues pour ça, c’est mieux…). Les Kailua Trail de Hoka One One (et c’est français, M’sieurs Dames !). Depuis le temps que je louchais sur cette marque de chaussures spatiales ultra-légères… Le Trail : histoire d’amour et de haine. Tu détestes ça, mais tu y retournes quand même, et même pas tu peux expliquer pourquoi… »
Bravo Sonia, et merci pour le partage !
Plus d’informations sur le trail de Mondeville : Mondeville Trail Aventure.