Le grand public redécouvre la marche athlétique au moment des grands championnats, mais les coureurs hors stade les côtoie sur les routes et les athlètes sur la piste. Discipline à part entière de l’athlétisme, la marche est un sport difficile où la technique, le physique et l’abnégation sont admirables. Bien des coureurs aimeraient se déplacer aussi vite que certains marcheurs.
Yohann Diniz, figure de proue de la discipline, vient d’améliorer le record de France du 10 000m en 38’08, soit 15,7kmH…! Sur 50km, distance sur laquelle il tentera de décrocher un 3è titre européen en août, sa vitesse moyenne est encore de 13,6kmH. Bref, il faut, comme les coureurs, être préparé de façon très pointue pour être compétiteur.
Pourquoi cette allure si caractéristique ?
L’allure des marcheurs n’est pas un exercice de style, mais résulte bien d’une technique qui permet d’aller aussi vite. Une fois les deux points principaux du règlement connus (avoir toujours un pied en contact avec le sol, et la jambe tendue de l’attaque du sol jusqu’au passage à la verticale) vous devez activer les bras, qui servent aussi bien à équilibrer qu’à rythmer la cadence. Quand l’allure est élevée, le meilleur moyen de progresser est d’avancer le bassin du côté de la jambe qui passe devant pour faire gagner de l’amplitude au mouvement. Les pieds, après un déroulé complet et une poussée jusqu’à la pointe, suivent quasiment une ligne continue. L’alignement doit se faire avec le bassin et la tête pour une meilleure exploitation du geste.
Est-ce traumatisant pour le corps ?
Pas plus que la course si le mouvement est bien fait. Le déhanchement des meilleurs mondiaux est parfois impressionnant. Pas de panique, c’est simplement une meilleure souplesse, une technique différente. Tant que le geste est propre techniquement et fait sans heurts, il ne blesse pas. Si un coureur peut avoir mal aux quadriceps, un marcheur pourra ressentir plus ses ischios. Comme en course, une mauvaise technique peut faire plus mal.
Quel type d’entraînement font les marcheurs?
LE MÊME que les coureurs ! Technique, Vma, fractionné, sortie longue, PPG… La gestuelle change. Le marcheur doit par contre se trouver la plupart du temps un terrain plat et avec le moins d’irrégularités, ce qui est plus contraignant. Tout comme le temps adonné à la pratique, qui est plus long.
La marche plus difficile que la course !
Pour plusieurs raisons. D’une part cet aspect technique qui contraint les athlètes à la vigilance. La jambe tendue jusqu’à la verticale, un pied en contact avec le sol. Des juges, sur piste et sur route, sont là pour contrôler et sanctionner si besoin. D’autre part, il faut une grande concentration, pour respecter la technique mais aussi pour maintenir l’allure, qui a tendance à vite chuter si on ne se re-concentre pas en permanence. Enfin, la dépense énergétique est très importante notamment à cause de l’utilisation des bras, qui sont comme un « second moteur » après les jambes. Plus que la participation à l’équilibre, ils tirent tout le corps vers l’avant. L’énergie consommée est plus grande. Attention à l’hyperthermie par temps chaud !
Comme sur route et en trail, l’ultra existe
Beaucoup de lumière est faite en trail sur les longues distances, où les gens n’hésitent plus à se lancer. Les coureurs de tête font figure de « star » et on s’intéresse aussi à leur entraînement, leur diététique etc… Les athlètes qui pratiquent l’ultra en marche méritent aussi d’être mis en lumière de part leur rigueur et les efforts consentis pour parvenir au résultat, ou simplement au bout de l’effort.
Savez-vous qu’un français, Emmanuel Lassalle, a terminé en juin dernier 2nd du Paris-Colmar ? Cette épreuve, considérée comme les championnats du monde d’ultra, est longue de 426,4km ! Le français a titillé le meilleur de la discipline, le russe Ossipov, puisqu’il ne finit qu’à 11 min ! 52h56’44 … à 8 kmH de moyenne, exceptionnel !
Ce marcheur (qui nous vient des Vosges, de Lamarche, ça ne s’invente pas!) est atypique dans le milieu puisqu’il n’est âgé que de 32 ans, alors que les athlètes d’ultra ont souvent plus de 40 ans. Avec un passé de sportif, ce n’est qu’il y a 5 ans qu’il a découvert la marche athlétique. Du 5000m aux Interclubs puis au 50km, il s’est ensuite dirigé vers l’Ultra. En 2013, il établit la 4è performance mondiale sur 24h (plus de 200km) et se qualifie à Paris-Colmar, où il terminera 4è pour sa première participation.
Proche des traileurs, il cherche lui aussi à faire reconnaître sa discipline. » les marcheurs ne sont pas des aventuriers, ce sont des gars préparés » dit-il. Il ne faut plus en douter, en témoigne les préparations minutieuses, les kilomètres avalés (entre 100 et 200 par semaine pour Emmanuel) et l’alimentation. Il est lui-même la figure du mode « Vegan » dans ce milieu. » C’est toujours un grand plaisir pour moi de montrer que l’on peut faire du haut niveau avec cette discipline alimentaire, que les vegan ne sont pas des gens dénutris et malades que ce soit physiquement et mentalement. »
Les marcheurs comme Yohann Diniz, figure de proue depuis des années, Bertrand Moulinet (membre du team Isostar aux côtés d’un Benjamin Malaty) ou Emmanuel Lassalle dans l’Ultra, méritent d’être mis en avant. De la part des coureurs, bravo !
Mathieu BERTOS
(Photo : la-croix.com (Diniz)