La course à pied est une activité essentiellement énergétique. Cette énergie peut être transportée via trois filières à savoir la filière aérobie (qui utilise l’oxygène), la filière anaérobie lactique (sans oxygène avec production d’acide lactique) et la filière anaérobie alactique (sans oxygène et sans production d’acide lactique.)
La filière aérobie correspond aux intensités d’effort les plus faibles jusqu’à 65-75 % de FCM, autrement dit à l’endurance. L’oxygène est alors utilisé par l’organisme pour transformer l’énergie des aliments en énergie pour courir. Plus on augmente sa vitesse de course, plus notre respiration va s’accroître pour apporter toujours plus d’oxygène et ainsi plus l’énergie. Avant même que notre consommation maximale d’oxygène soit atteint (la fameuse VO2Max), une deuxième filière s’est déjà mise en marche. Le surplus d’énergie est apporté par la respiration mais aussi par la filière anaérobie lactique.
Il existe une zone de transition qui sert de passage de relais entre les deux filières que l’on appelle communément le seuil. Ce seuil est souvent l’objet de vifs débats concernant notamment le niveau où il se situe et son intérêt dans la programmation de l’entraînement.
Théoriquement il n’existe pas 1 seuil mais 2 : le seuil aérobie et le seuil anaérobie.
Jusqu’au seuil aérobie (65-75 % de FCM), vous courrez avec facilité sans essoufflement. A partir de ce seuil, votre respiration augmente et votre corps accumule progressivement des lactates dont le rôle est de transporter toujours plus d’énergie. Ceci-étant, la concentration de lactate reste faible et stable autour de à 2mmol/litre de sang.
Au-delà du seuil aérobie, on rentre dans la zone transition aérobie – anaérobie. Avec l’augmentation de la vitesse de course, la respiration continue à augmenter avec un essoufflement de plus en plus important et une concentration toujours plus marquée de lactates dans le sang jusqu’à 4 mmol/l. qui correspond au deuxième seuil, le seuil anaérobie (85-88 % de FCM) pouvant généralement être tenue entre 30′ et 1h. Vous êtes au point de rupture où l’équilibre peut être à tout moment rompu entre la production et la réutilisation du lactate dans le corps. Au-delà de ce seuil, les jambes se font de plus en plus lourdes, brûlent, vous êtes très essoufflés, bref : vous êtes dans le rouge.
En pratique….
Une chose est sûre, le taux de lactate sanguin est fortement corrélé à la vitesse de course car plus vous courrez vite, plus vous produisez de lactates. Ceci-étant, les valeurs de lactates dont nous avons parlé plus haut restent purement théoriques car elles correspondent à une moyenne statistique et peuvent varier selon les individus et l’entraînement.
Si votre allure marathon correspond habituellement au 1er seuil ou à une intensité légèrement supérieure avec une concentration de lactates allant de 1,8 à 3,2 mmol/l., on a pu constater chez des coureurs élite (records entre 2h13min et 2h09min) des concentrations de lactate de 6 et 8 mmol/l. à la fin de leur marathon sans accélérations en fin de course.
D’un autre côté, en évaluant les valeurs du seuil anaérobie théorique et du seuil anaérobie individuel et il a été observé que ce dernier est propre à chacun de nous, très différent de la valeur théorique et souvent en dessous. Si chez des coureurs débutants, le seuil anaérobie correspond à environ 75% de FCM, il se situe vers 88 % de FCM pour un coureur intermédiaire et vers 92% de FCM pour un coureur expert. Le seuil anaérobie se déplace donc avec le niveau d’entraînement. Plus il est haut, plus vous serez performant, d’où la nécessité de l’intégrer dans la programmation de votre entraînement. Il représente un facteur déterminant de la performance en course d’endurance peut-être même plus important que la VO2Max.
Enfin, si le seuil peut augmenter avec l’entraînement, votre capacité à le maintenir le plus longtemps possible voir à courir à une intensité légèrement supérieure à celui-ci peut aussi être améliorée. En effet, le semi-marathon et le 15 km se courent sous le seuil anaérobie généralement, au seuil pour les plus rapides, et le 10 km au-dessus de ce seuil. En étudiant un groupe de marathoniens de haut niveau sur une distance de 10, on a pu trouver des niveaux de lactate au final de 10 ± 3 mmol/l. et 8,7 ± 4,1, respectivement pour le groupe masculin et féminin (Billat et al., 2001).
Comment déterminer le seuil anaérobie ?
Il existe une grande quantité de tests permettant d’évaluer le seuil anaérobie. Un premier protocole se base sur la concentration de lactate dans le sang, qui, en plus d’être invasive ne garantit pas de précision optimale puisque les concentrations de lactate varient selon les coureurs. Un second protocole approximatif lui aussi est de calculer la fréquence cardiaque correspondant au seuil anaérobie : il suffit de soustraire votre âge à 220 et de multiplier le résultat par 0,935.
Exemple pour un homme de 40 ans : 220-40 = 180 x 0,935 = 168
Un troisième protocole beaucoup plus précis se base sur la ventilation mais nécessite l’utilisation d’équipements très coûteux (analyseur de gaz respiratoires). Le test le plus spécialisé reste le test Conconi qui peut se réaliser sur tapis de course ou une piste d’athlétisme. Il faut se munir pour cela d’un cardio-fréquencemètre qui puisse enregistrer votre fréquence cardiaque (FC) que vous reporterez ensuite sur un graphique ou sur un logiciel informatique.
Après un échauffement de 20 minutes à 60% de FCM, vous devez augmenter votre vitesse de course de 0.5 km/h tous les 200m ou de 1 km/h tous les 400m jusqu’à l’arrêt de l’effort. Le but est de corréler votre FC avec votre vitesse de course. D’après le professeur Conconi, la fréquence cardiaque augmente de manière linéaire lors d’un effort jusqu’à un point d’inflexion (aussi appelé vitesse de déflexion) qui situerait la zone de transition entre la filière aérobie et anaérobie.
En observant le graphique, nous observons que l’ensemble des points forment d’abord une ligne droite, cela signifie que la fréquence cardiaque augmente avec la vitesse. Ensuite, il y a un point de fléchissement de la fréquence cardiaque qui représente le seuil anaérobie.
Dans le prochain article, nous verrons comment utiliser et améliorer le seuil anaérobie à l’entraînement !