Michel Lanne, team Salomon, 29 ans, 1,84 m, 67 km, FCB / FCM 40 / 190 environ, est né à Tarbes et réside à Briançon. A quelques jours du marathon de Zegama-Aizkorri, son prochain gros objectif après le trail du Ventoux, il s’est livré au jeu des questions réponses.
Avant le trail as-tu fait d’autres sports ?
J’ai toujours pratiqué assidûment les sports de montagne : alpinisme, ski de randonnée, ski alpin, escalade, cascade de glace…
Quelle raisons expliquent ton choix du trail ?
Le trail est une passion qui m’est venue quasiment du jour au lendemain en fin d’année 2010. Avant cette date, je n’aimais vraiment pas courir, je devais faire un ou deux footing par an ! En fait, j’ai fait le pari avec mon père de m’engager dans un ultra trail en 2011. Au fil de ma préparation pour relever ce défi, j’ai pris de plus en plus de plaisir à courir et découvert une autre façon d’évoluer en montagne. Dès lors, je n’ai plus cessé de courir et m’entraîner !
Qu’est ce qui te plait dans cette discipline ?
En courant en montagne, loin de tout, j’ai l’impression de découvrir cet univers qui me plait tant sous un nouvel angle à chaque fois et en couvrant un espace vraiment large. Le plaisir est sans limite.
Quelle a été ta première course de trail ?
C’était le Via Lattea trail en Italie, en décembre 2010. Cela faisait un ou deux mois que j’avais commencé à courir ! Je voulais savoir si j’avais la caisse ou si la course à pied en compétition n’était pas pour moi ! A ma grande surprise, j’ai remporté ce 30 km sur neige.
Quelles disciplines du trail running préfères-tu ?
Jusqu’à la saison dernière, je préférais les trails bien techniques et plutôt longs. En 2013, je me suis également fait plaisir sur des tracés beaucoup plus roulants, moins techniques. En fait, j’aime un peu tout, du moment que les parcours proposés sont beaux et me procurent du plaisir à courir !
Dans quel état d’esprit abordes-tu une course ?
Je ne suis pas vraiment stressé avant une course, ça c’est sûr ! D’ailleurs, il m’est déjà arrivé à plusieurs reprises de manquer le départ. Mais une chose est certaine, je ne peux pas faire une course sans chercher à me dépasser et je l’aborde toujours avec l’envie de tout donner. En fait, je suis heureux à chaque fois que je prends le départ, tout simplement parce que je me dis que j’ai de la chance d’être en bonne santé et de pouvoir faire ce sport.
Pour toi le plus important c’est le plaisir de découvrir de nouveaux paysages ou l’esprit de compétition ?
Je pense que j’ai besoin des deux. Le plaisir de courir en montagne est très important, voire primordial, c’est mon moteur, c’est ce qui me pousse à m’entraîner toujours plus dur. La compétition est comme un bilan pour moi et un peu ma récompense. Elle me permet de savoir si les heures passées à courir en montagne portent leur fruits. Quand le résultat est au rendez-vous, c’est une motivation supplémentaire pour repartir s’entraîner plus fort.
Quel est ton meilleur souvenir ?
Gagner le 80 km du Mont-Blanc avec François en 2013. C’était nouveau pour moi de partager une victoire. Mais cette émotion était vraiment très forte !
Quelle a été ta plus grande joie ?
La naissance de ma fille.
Quelle a été ta plus grande déception ou plus grande souffrance ?
Je me souviens de mon abandon au Grand Raid de la Réunion 2012. J’avais vraiment à cœur de réussir cette course, j’étais vraiment bien préparé, mais un virus m’a stoppé dans mon élan. J’avais tout donné, à la limite de ce que je pouvais supporter. Je me souviens avoir énormément souffert avant d’abandonner et d’être évacué en hélico. Avec du recul, je dois dire que par la suite cet échec m’a beaucoup servi.
Quelle a été ta plus grande rencontre sur le plan humain ?
Le trail m’a permis de rencontrer de très belles personnes. Je pense à mon entraîneur, mon manager et mes copains du team Salomon. J’ai la chance de pouvoir m’entourer de ces personnes qui comptent beaucoup pour moi, qui m’ont beaucoup apporté et qui sont devenues des amis proches. Sur le plans humain et sportif, ce sont des personnes formidables.
Quelle est ta course préférée ?
Le marathon de Zegama, dans le Pays Basque Espagnol. Pour moi, cette course réunit tout ce qui me fait vibrer dans le trail : une ambiance hallucinante, un parcours superbe et technique, sans oublier la ferveur inégalable du public basque et des organisateurs, tout au long des 42 km du parcours. La bagarre est vraiment intense. Une seconde, c’est une seconde ! Les écarts sont très faibles et la gestion de course particulièrement délicate parce qu’on est toujours à bloc.
A quelle course aimerais-tu participer ?
Le Serre Che Trail Salomon. Mais comme c’est moi qui l’organise, je ne courrai sûrement jamais ce trail. C’est dommage, le parcours est magnifique, un peu la course de mes rêves en fait !
Quels étaient tes objectifs de la saison 2013 ? Es-tu satisfait de celle-ci ?
J’ai du mal à hiérarchiser les trails auxquels je participe. En fait, j’ai envie de tous les réussir. Mais si je devais repenser à mes quatre plus belles courses de 2013, ce serait le trail du Ventoux (2ème), le 80 km du Mont-Blanc (1er), le championnat de France à GAP (3ème) et les Templiers (3ème). Je suis assez satisfait de ces résultats, mais il faut toujours se dire qu’on peut mieux faire !
Quels sont tes objectifs pour cette année ?
Mon calendrier 2014 n’est pas très différent de celui de l’an passé. Mes gros objectifs à venir sont le marathon de Zegama, skyrunning, le 80 km du Mont-Blanc, championnat du monde skyrunning, le Matterhorn Ultraks, skyrunning et les Templiers.
Quelle est ta fréquence d’entraînement, et leur organisation par rapport à ton activité professionnelle ?
Je m’entraîne entre cinq et six jours par semaine. J’exerce le métier de gendarme secouriste en montagne durant toute l’année et à temps plein. C’est donc assez délicat de jongler entre les permanences qui demandent une disponibilité immédiate pour porter secours aux personnes et mes entraînements. J’ai aussi des jours d’entraînement dans mon temps de travail, qui me permettent de pratiquer le trail ou le ski de randonnée avec mes collègues et copains. C’est juste une question d’organisation, avec un gros soupçon de volonté !
Sais-tu combien d’heures, kilomètres, dénivelés cela représente par an ?
Je ne sais pas trop. Il faudrait que je fasse le total avec ma montre Suunto. Mon cerveau, c’est elle !
Est ce que tu préfères t’entraîner seul ou à plusieurs ?
Je m’entraîne seul ou avec mes amis et copains du PGHM. Bon, pour certaines séances très spécifiques, j’avoue que j’ai du mal à les convaincre de m’accompagner, mais sinon, j’aime bien m’entraîner à plusieurs. Quand on a la chance d’être en montagne, c’est quand même beaucoup plus sympa de pouvoir partager ces moments avec ceux qu’on aime. Cela donne encore plus de profondeur à ce qu’on fait.
As-tu un conseiller sportif et un entraîneur ?
Depuis 2012, c’est Christophe Malardé qui m’entraîne. On se connaît très bien, je l’apprécie énormément et je lui fais entièrement confiance. J’aime sa vision du trail, sa façon d’être et de travailler. J’ai énormément appris à ses côtés et beaucoup progressé également. Son suivi est très précis, il ne laisse pas de place au hasard. C’est aussi ça que j’aime. Jean-Michel Faure-Vincent, mon team manager, m’aide aussi énormément et me conseille beaucoup dans plein de domaines. Ce sont un peu mes piliers et humainement, ce sont des mecs en or.
Comment restes-tu motivé ?
Beaucoup de facteurs entretiennent ma motivation. Le fait d’être en montagne suffit souvent à me pousser à m’entraîner dur. Je varie souvent mes parcours et j’aime bien découvrir de nouveaux espaces avec des copains. La compétition est un excellent moteur pour moi. J’en ai besoin et je prends plaisir à me donner à fond en course. Quand les résultats suivent, c’est la meilleure motivation que je puisse trouver.
Que fais-tu de ton temps libre ?
Le temps libre, c’est quoi déjà ? Si je ne suis pas en montagne ou en train de courir, ma seule priorité est de passer tout le reste de mon temps avec ma femme et ma petite fille. C’est là mon équilibre.
Quel coureur admires-tu le plus ?
Il y en a beaucoup, Kilian en fait partie. Ce qui me fait plaisir, c’est de me confronter à eux quelques fois. Cela me pousse à me surpasser et on rêve tous de côtoyer nos idoles.
Quel autre champion, tous sports confondus admires-tu ?
Je suis fan de Martin Fourcade, le Pyrénéen champion du monde et olympique de biathlon. Ses victoires, son état d’esprit, sa force mentale et son acharnement à l’entraînement m’inspirent beaucoup. Là, c’est peut-être mon cœur Pyrénéen qui parle !
Que penses-tu de l’explosion du trail ?
C’est une excellente chose et c’est vraiment intéressant de chercher à comprendre ses raisons. Je pense que le trail est l’un des sports le plus difficile et exigeant, mais c’est précisément ce que nous recherchons. C’est dans cette difficulté que nous apprenons beaucoup sur nous-mêmes, que nous relevons des défis que nous pensions insurmontables. Et au final, c’est une satisfaction immense que nous procure le trail. Je pense que c’est un peu grâce à cela qu’il devient si populaire. En même temps, il permet à bon nombre de pratiquants de découvrir la montagne ou la nature, de mieux la comprendre et la respecter. Ce merveilleux terrain de jeu séduit de plus en plus d’adeptes et c’est très bien.
Quel est d’après toi son avenir ?
J’espère que son avenir sera radieux et que son côté populaire ne changera jamais. Je pense aussi qu’il faut laisser le trail se développer, gagner en maturité. Certes, il est nécessaire de bien cadrer notre pratique, pour éviter tout ce qui peut lui nuire. Mais faisons-nous confiance, car c’est bien le traileur qui fait le trail et pas l’inverse. Je veux dire que ce sont les coureurs eux-mêmes qui doivent faire vivre le trail, et qui doivent être respectés en premier lieu.
Pour le grand public le trail est une discipline nébuleuse : différentes fédérations, championnats, challenges, disciplines. Penses-tu qu’il faille changer cette organisation ?
Les multiples fédérations ont chacune une part de légitimité dans le milieu du trail dans le sens où elles proposent des courses et elles attirent un certain public. Chacun peut trouver son bonheur au sein de telle ou telle fédération, ou dans telle ou telle discipline. Cela dit, l’univers du trail est assez compliqué à cerner avec l’apparition de nouvelles fédérations qui veulent s’imposer au détriment d’une autre. Le trail gagnerait en valeur si tout cela se clarifiait un peu, pour le public et pour le coureur. Peut-être que certaines fédérations auraient intérêt à travailler de concert avec d’autres, pour gagner en crédibilité, en clarté et en valeur.
As-tu peur qu’une fédération modifie les règles de course et l’état d’esprit du trail dans l’avenir ?
Oui, j’en ai peur. Ce serait regrettable que l’esprit du trail soit abîmé par une fédération ou par quelques règles de course peu cohérentes avec notre pratique actuelle. Je pense qu’il faut faire attention à ne pas bafouer l’intérêt des coureurs et du trail lui-même au travers de règles plus ou moins judicieuses et pertinentes. C’est d’abord aux traileurs de donner leur avis et aux fédérations de discuter avec eux pour créer quelque chose de cohérent, qui évoluerait dans le bon sens.
Quels conseils donnerais-tu à un traileur ?
Le trail est un sport magnifique, c’est un univers superbe dans lequel on peut trouver son bonheur et se faire plaisir sans avoir besoin de beaucoup d’artifices. C’est un sport difficile mais tellement beau, grâce au cadre dans lequel on évolue. Le conseil que je peux donner est de toujours écouter son corps et ne pas jouer avec sa santé. C’est le plus important si on veut profiter longtemps de courir en montagne.
Si tu étais une montagne, tu serais ?
Le Balaïtous, un superbe sommet dans mes Pyrénées qui ne se laisse pas gravir si facilement et offre une vue sublime de son point culminant.
Si tu étais un chemin, tu serais ?
Un petit sentier monotrace qui procure du plaisir et des sensations, tracé sur une arête rocheuse, bien raide, avec le vide de part et d’autre et un peu de neige pour corser le tout !
Propos recueillis par Robert GOIN
Crédit photos Damien Rosso www.droz-photo.com
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