Le Trail de la Drôme n’était initialement pas coché à mon calendrier de courses cette année. Mais mes mésaventures à l’Éco Trail de Paris ont chamboulé un peu le programme … Un Eco-Trail qui s’est précipitamment arrêté au 40ème kilomètre, et donc des jambes qui ont très vite récupéré les jours suivants (elles étaient préparées pour en faire 80 …). Certes, le pouce est en mauvais état, mais le plâtre et l’attelle l’ont bien stabilisé et je parviens à courir sans douleur et donc à reprendre l’entraînement rapidement après Paris (on ne court pas avec les pouces, bonne nouvelle !).
Se pose alors la question et on en discute avec le staff du team ASICS : est ce envisageable de prendre le départ du Trail de la Drôme 15 jours après ? On laisse passer quelques jours pour voir comment évolue la forme et on décide : participation possible mais avec prudence maximale, donc pas d’objectif sur cette course, juste prendre du plaisir, faire tourner les jambes et faire un petit repérage du parcours qui fera office de championnat de France de Trail en septembre prochain. Banco, on y va, je suis ravie, j’ai les jambes qui trépignent !
J’avais eu l’occasion de venir courir l’édition passée du Trail de la Drôme, souvenirs d’une course difficile à cause d’une mauvaise gestion des ravitaillements. Je sais que le terrain n’est pas très « propre » au sol (rocailles, racines, … on l’annonce technique) et qu’il va me falloir être vigilante pour ne pas risquer de chuter. Plus de 1800m de dénivelé positif pour presque 41km, sous un beau soleil printanier, de quoi se faire plaisir sur ce parcours tracé par une équipe de passionnés !
Pour un départ de course à 7h, nous mettons le réveil à 4h … Ça pique un peu quand même ! (C’est pas mal en fait la formule midi de l’Éco-Trail de Paris). Manu a prévu de m’accompagner et de faire le parcours aussi, ça fera son entraînement du jour et il pourra s’assurer que je suis bien prudente ! ^^Il fait complètement nuit quand nous prenons la route de Buis les Baronnies, mais le jour se lève doucement quand nous garons la voiture non loin du départ vers 6h10. Quelques coureurs se préparent, d’autres ne semblent pas bien réveillés, les bénévoles s’agitent dans tous les sens pour préparer la journée qui s’annonce bien remplie, quelle équipe ! Nous cherchons les copains du Team Asics que nous avons prévus de retrouver avant le départ. Xavier (Thevenard), Loly (Gaussens) et Bengi (Girondel) s’alignent sur le long, Manu (Meyssat) et Benoît (Nave) sur le court. Aujourd’hui c’est Loïc qui gère l’assistance, merci Lolo !!
Il va faire chaud, tenue d’été de sortie, aucune hésitation possible ! On prend quand même le temps de faire quelques foulées avant de s’élancer, dossard épinglé et on s’entasse sous l’arche de départ. Ouf, le jour s’est levé, j’ai bien cru qu’on allait devoir partir avec la frontale à un moment donné ! 7h, le coup de feu retentit, c’est parti pour quelques heures en plein cœur des Baronnies provençales, au milieu d’une végétation méditerranéenne typique (champs d’oliviers, de lavande et d’abricotiers), miam ! J’ai une seule chose en tête à ce moment là : prendre du plaisir et allonger si le terrain le permet oui, mais surtout ne pas jouer avec le chrono ou la performance et faire une course prudente pour ne pas me faire mal. Objectif du jour : ne pas chuter !
Les 500m premiers mètres sont rapides, normal, il faut trouver son rythme et nous suivons une route plate et bitumée. Mais nous sommes ralentis avant le premier kilomètre, le parcours est déjà montant ! Je ne suis pas partie très loin de la tête, je profite tant que le terrain le permet. Chez les filles, Stéphanie Duc a pris les choses en main, suivi de près par Anne-Lise Rousset, Loly et Christine Billet sont quelques pas devant moi. Je laisse partir, mais les garde en ligne de mire un petit moment. Le bitume laisse place aux sentiers et le parcours relativement roulant pour le moment est entrecoupé de quelques belles bosses un peu casse pattes. Le sentier se rétrécit, nous frôlons les branches des végétations sur le côté, se les envoyant involontairement d’un coureur à l’autre. Sans avoir le temps d’anticiper quoi que ce soit, je prends une ronce de plein fouet dans l’œil droit et me retrouve complètement aveuglée ! Je parviens à continuer à courir avec un œil ouvert tout en ralentissant le rythme quand même, en espérant que ça ne soit pas grave et surtout que je retrouve vite une vision normale. Je reste un moment gênée, mon œil n’arrête pas de pleurer mais au bout d’un moment, ça passe. Ouf ! Bon, ok, ça commence bien …
Refroidie par cette mésaventure, je reprends le rythme, légèrement agacée … Le parcours est profil ascendant mais permet de courir partout. Nous sortons du bois pour enchainer vers un terrain plus rocailleux, quand un coureur me pose une question (je ne me rappelle même plus du sujet !). Je le regarde, me tourne et boum badaboum, je me retrouve parterre ! Grosses frayeurs, mais j’ai protégé mon pouce, je suis tombée sur la main droite ! Belles égratignures, je repars, rien de très grave, mais ça me rappelle bien à l’ordre : Sissi, reste concentrée, n’oublie pas l’objectif du jour. Manu est parti devant mais il a prévu de m’attendre au ravitaillement du 11ème km. Je le retrouve bien là bas et lui raconte mon début de course. Il m’encourage en me prévenant que les filles ne sont vraiment pas loin devant. Je lui réponds : « oh, on a dit que je ne jouais pas la perf !! »
Manu m’accompagne sur quelques kilomètres, on profite, le parcours est agréable, ça grimpe jusqu’au 15ème kilomètre mais je me sens bien, les jambes avancent, mon attelle au pouce ne me gêne pas, elle est légère et bien pensée, merci Zamst ! Au 15ème, on entame une belle descente qui va nous emmener jusqu’au second ravitaillement, le centre de Buis les Baronnies, là où a été donné le départ de la course. C’est ici qu’il faut redoubler de vigilance. On entre dans des singles techniques, raides et pleins de racines ou rocailles au sol. L’appréhension prend le dessus, j’ai peur de tomber, je freine l’allure en prévenant Manu et les coureurs derrière : « si vous voulez doubler, allez y, je n’irais pas plus vite ! » Je suis archi concentrée mais je me sens super crispée. Je ne sais comment, j’arrive pourtant à me retrouver étalée au sol ! 2ème chute, rooo mais c’est pas possible. Je suis étourdie ou maladroite ? En y réfléchissant, je crois que j’ai peut être juste besoin de lunettes en fait … (et ce n’est pas une blague !)
Bref, on repart et je ne suis d’ailleurs pas la seule à chuter, j’aperçois des coureurs qui prennent quelques gamelles devant et l’un d’eux est arrêté, le genou en sang, il n’arrive même plus à le plier. Les secours sont en route a priori, il va pouvoir être soigné (il aura même pu reprendre sa course puisqu’il me redoublera plus loin ! bravo !) La suite de la descente se passe sans accro, il faut dire que j’ai bien levé le pied ! Manu s’échappe devant moi, il a décidé de se faire un petite pointe de vitesse jusqu’au point de ravitaillement. Je comprends, il doit s’ennuyer à mon rythme …! Juste avant d’entrer dans le village, une petite surprise nous attend : une rivière … je regarde le signaleur qui nous oriente : « euh, c’est ici qu’on passe ? On traverse dans l’eau quoi !! » Oui oui. Ok, original. Les pieds trempés, mais ça rafraichit, c’est pas si mal, il commençait à faire chaud. Les coureurs qui s’apprêtent à prendre le départ du 24km s’échauffent, on les croise dans tous les sens, Benoît et Manu du Team Asics m’encouragent (merci les gars !).
Arrivée à Buis, très bonne ambiance, il a du monde ici ! Les encouragements sont nombreux et motivent, merci ! Le coureurs du 24km partent à 10h, je suis à environ 2h30 de course, il est donc aux alentours de 9h30, ce qui explique cette effervescence … On est bien ici avec toute cette chaleur humaine, mais il faut repartir, il reste de la route et pas le plus facile ! Un coucou à Agnès la photographe toujours fidèle au poste, Philippe Propage, Olivier Gui, je croise aussi Seb qui s’échauffe … De quoi se motiver pour entamer la seconde partie. Le parcours suit la route puis bifurque rapidement vers un sentier étroit, qui grimpe fort ! Allez, je décide de marcher, mains sur les cuisses, on appuie ! Une belle et longue montée, abrupte au démarrage puis plus douce jusqu’au 31ème kilomètre, dernier point de ravitaillement, pour repartir vraiment bien pentue jusqu’au sommet, le 34ème kilomètre. Je ne me suis jamais faite doubler par une féminine depuis le départ à 7h, elles étaient 4 devant, donc logiquement, je suis restée à ma place, toujours 5ème.
La fin de l’ascension est difficile, je sais que j’ai encore de gros progrès à faire à ce niveau là … Je sens que je ralentis bien l’allure, mais je ne suis pas la seule, je crois que ça commence à être long pour tout le monde là. Délivrance au sommet : il ne reste plus que de la descente ! Je devrais m’en réjouir, mais aujourd’hui, c’est pourtant ce que je redoute le plus, les descentes … Frein à main, je soigne chaque pose de pied et enchaine le dénivelé négatif tranquillement (le sentier zigzag, le sol n’est pas stable, rempli de racines et cailloux, bref, le genre de terrain qui pourrait bien me faire faire une 3ème galipette). Oups, le gars devant moi fait un vol plané (je porte la poisse ou quoi ??), mais se relève vite, ça va ! Manu n’est pas très loin derrière, il suit ma foulée. Sortie du sentier, on entend Jean Pierre Buix, le speaker, ça sent la fin …
Une fin qui paraît proche mais qui est pourtant interminable avec ces derniers kilomètres sur cette route goudronnée qui n’en finit pas. Manu me soutient « allez, c’est bientôt fini ! ». Un virage, un autre, une ligne droite, je regarde ma montre, 4′ au kilo (Wow mais c’est qu’on avance là quand même !), 40km. Mais, on n’était pas sensés en faire 38,2 ? Quelle arnaque ! 😉 Et puis enfin, un signaleur annonce : 500m et c’est l’arrivée ! En effet, cette fois, on la voit, cette fameuse arche. Je franchis la ligne en 4h14, à la 5ème place chez les filles et à la 47ème place au scratch. contente d’en finir avec juste quelques égratignures ! J’entends Laureline annoncée au podium, j’apprends qu’elle finit 3ème, je suis ravie pour elle et j’ai hâte de savoir qui de Stéphanie ou Anne Lise l’a finalement emporté … ! Suspense !!
Après être passée dire bonjour aux pompiers pour soigner mon œil abîmé, j’ai eu le droit à quelques minutes de torture sur la table de consultation de notre cher ostéo, Benoît Nave, qui m’a fait craquer le pouce le nombre de fois nécessaires pour essayer de le remettre droit ! Aie, mais merci encore Ben ! La journée s’est terminée par un bon moment convivial autour d’une table en terrasse avec le team, l’occasion de papoter et de passer du bon temps autrement qu’en courant ou dans le speed des compétitions.
Un dernier mot pour terminer : je sais que certain(e)s peuvent considérer complètement déraisonnable de prendre le départ d’une course 16 jours après mon accident à Paris, mais croyez moi, je ne suis pas du genre à faire n’importe quoi non plus, et si je l’ai fait c’est déjà que nous en avions discuté avec des spécialistes (pas de fracture du pouce, donc possibilité de courir sans problème avec l’attelle), ensuite que je m’en sentais capable (aucune douleur en courant) et enfin que je partais dans l’optique de ne prendre aucun risque ! J’ai d’ailleurs suivi cette ligne de conduite fixée au départ, mais il faut croire que trop de prudence peut parfois tuer la prudence … !
Sylvaine CUSSOT
Photos : Agnès Bonet-Marco, Cyril CRESPEAU et Francis REY
Les résultats du Trail de la Drôme 2014 :