La perf’ de Paris, c’était déjà de faire venir Kenenisa Bekele, un Grand de l’athlétisme avec tous ses titres et ses records du monde sur 5000m et 10 000m. Évidemment la tâche ne fut pas facile par rapport aux grandes écuries comme Londres et cela a un prix, mais il s’agissait d’assister à une première unique.
On pouvait s’attendre à un gros chrono, mais encore fallait-il le réaliser car le tempo devait être assuré, la météo clémente, et un organisme d’immense champion qui allait se confronter pour la première fois à ce terrible effort, bien réagir.
Le soleil était présent même si dans l’idéal on veut toujours plus de fraîcheur. Un peu bas sur les visages des coureurs en début de course. Bekele voulait partir en 2’55 ? 1er kilo en 2’56, le train était bien lancé. On ne verra pas longtemps l’homme au t-shirt rayé, ni les quelques spectateurs en short qui ont tenté quelques secondes de tenir plus de 20kmH … n’est pas athlète de haut niveau qui veut. L’éthiopien, maintes fois vu sur piste à des allures folles, tenait la même foulée à la fois tonique, maîtrisée, élégante et légère, nous l’avons revue sur le bitume parisien, mais tout en contrôle. On sent l’homme venu pour s’ouvrir les portes du marathon en grand. Il est concentré. Autour de lui, quelques kenyans et éthiopiens qui ne bronchent pas, le tempo est très satisfaisant.
14’43 au 5000m, 29’35 au 10 000m. Ils sont sur 2h04’50 pour l’heure. Mais le nombre s’égraine vite et ils ne sont plus que 12 coureurs au 15è. Les gens qui pouvaient parier sur un record du monde d’emblée, sur le parcours parisien, avec un plateau de haut niveau mais pas du top niveau, ceux-là était bien trop optimistes. D’ailleurs Bekele, si c’est dans son projet futur, n’a sans doute jamais pensé que ça serait ok d’entrée. Un chrono de moins de 2h06 pour une première, à plus de 30 ans, serait exceptionnel. Au semi, en 1’02″09, le tempo était même encore plus rapide.
Peu avant le 30è, Kenenisa part chercher sa victoire. Il est à l’offensive, et seul un coureur pourra répondre, son compatriote Tola. Les appuis sont rythmés et brefs, mais sans doute Kenenisa a senti le rythme faiblir. Son démarrage, qui a impressionné Stéphane Diagana sur la moto, était peut être un peu trop sec. Bekele n’est plus dans la même configuration. Tola explose vite, il se retrouve seul, et nous le voyons même se tenir le haut de la jambe derrière la cuisse. Les affres et les souffrances des longues distances auront-ils raison de lui ? Qui peut savoir comment il réagirait face à cette situation avant d’y être confronté ? Kenenisa Bekele a pris le temps de temporiser, malgré quelques grimaces aperçues sur son visage. Quelques relâchements des bras, un positionnement du corps toujours propre et élégant, il n’a rien lâché. A contrario, on voit derrière lui des coureurs heurtés, voir désarticulés. Tola n’est plus là, c’est Getachew que voilà, en 2è position.
On voit Bekele relancer dans les derniers kilomètres, prenant les virages à plus de 20kmH, en témoigne cette superbe photo, qui traduit à la fois la puissance, le relâchement, la légèreté, l’alignement… du grand art ! Bravo à l’auteur du cliché qui a immortalisé un beau moment, qu’il gardera sans doute aussi en mémoire. Une dernière ligne droite magnifique, les 2h04 n’apparaîtront pas mais 2h05’04, temps corrigé, c’est le nouveau record du marathon de Paris, la première marque d’une légende de la course à pied sur marathon. En chiffres, c’est le 6è meilleur débutant sur la distance, le plus rapide débutant de plus de 30 ans. Gebreselassie avait réalisé 2h06’35, mais a réalisé nombres de grosses performances sous les 2h05 ensuite.
Nul doute que sur un parcours plus rapide, avec l’expérience engrangée et une concurrence qui l’accompagnera plus loin voir le poussera dans ses retranchements, le record du monde peut être envisageable. Concrètement, c’est peut être celui qui en est le plus capable vu les bases de vitesse. Mais ce n’est pas simple. Le Grand Gebre a un record sous les 59′ sur le semi et toujours le record du monde de l’heure (21,285 km), qui sont des piliers sûrs qui lui ont permis son meilleur temps de 2h03’59. On sait qu’il ne suffit pas de dire ou de parier, il faut faire. Et Kenenisa a fait 2h05’04 à Paris pour sa première tentative. Nous regarderons avec intérêt les chronos de Londres le week-end prochain avec une densité toute autre. La perf’ de l’ethiopien est déjà impressionnante et belle. Il repassera sur 10 000m pour la saison estivale et prendra le temps de réfléchir pour un autre marathon à l’automne.
Un mot malheureusement rapide sur le résultat vraiment superbe de la première femme (course éclipsée par la télévision, figée sur Bekele). La kenyane Cheyech réalise un 2h22’41 qui est une perf’ de tout premier plan mondial ! En 2h’36″31 Martha Komu est la première française. Laurane Picoche a vécu un premier marathon difficile. Malgré un objectif initial de 2h30, elle réalise dans la douleur 2h39’20, c’est la 2è française ! Le premier français est Hamed Ezzobayry en 2h15’34, le 2nd est David Munyutu en 2h18’43.
A noter également la victoire de Marcel Hug le Suisse dans la catégorie handisport, avec un fantastique chrono de 1h29 ! Véritablement une perf’ de tout premier ordre !
Tous les résultats ici : résultats marathon de Paris 2014
Mathieu BERTOS
Photos : Philippe ALBINET
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