Le Gruissan Phoebus Trail était coché à notre calendrier 2014. Pas seulement parce qu’il fait office de 2ème manche du TTN (Trail Tour National) long, mais avant tout parce que c’est une course que l’on affectionne particulièrement. Un parcours technique et bourré de petites relances cassantes, mais qui reste roulant et qui permet de courir du début à la fin (bon sauf les portions rocheuses où il faut mettre les mains sur les gros cailloux à enjamber !).
3ème participation pour ma part, avec deux places de 2ème les années précédentes. Cette année encore, on opte tous les deux (Manu et moi) pour la distance la plus longue, le 50km. Le tracé a été légèrement modifié, avec un dénivelé plus important (1500D+). Côté météo, on joue toujours un peu à quitte ou double dans cette région à cette période de l’année … L’évènement a connu des éditions glaciales (on se souvient notamment de 2012) et le bord de mer rend la météo souvent très venteuse. A priori cette année, on devrait être plutôt tranquille ! Espérons le en tout cas …
Ce 16 février 2014, une petite pluie fine s’était invitée sur le port de Gruissan au petit matin du départ des deux courses du jour : le 25 et le 50km. Rien d’alarmant, il fait doux et nous ne sommes pas en haute montagne, mais le côté ennuyant, c’est qu’un Phoebus mouillé devient un Phoebus glissant et donc dangereux. Il va falloir être prudent sur les cailloux ! Il est à peine 8h quand nous arrivons sur le lieu du départ, quelques coureurs se préparent tranquillement. Le 25km part dans 30′ et nous enchainons ensuite à 9h10. Nous retrouvons Thomas (Saint Girons) qui s’alignera sur la même distance que nous. Séance de papotage avec quelques copains retrouvés ici (Lio et Marjo, Juju, Mathieu, Pascal, Karine et Lio …), un coucou à Michel et Harry, les deux speakers du WE et comme l’heure tourne, il faut s’activer !
1,5 litres d’eau obligatoire sur le dos. Ça peut paraître beaucoup mais on comprend vite la problématique quand on sait que le premier ravitaillement n’est placé qu’au 30ème kilomètre. J’opte donc pour le double porte bidons. Une première en course pour moi … et bien je n’ai pas été déçue du cadeau ! Ça pèse son poids ce truc là. Enfin, il va falloir faire avec ! Quelques belles pointures se rangent derrière la ligne de départ l’heure approchant. J’aperçois Laurence Klein et Isabelle Jaussaud chez les féminines, je ne peux pas m’empêcher de penser : « bon bah déjà, les deux premières places sont priseS ! » Chez les hommes ça risque d’aller vite devant, une belle bagarre s’annonce, je regrette presque de ne pas pouvoir suivre ça de l’extérieur !
9h10, le coup de feu est donné, nous voilà élancés vers la Clape et ses sentiers. Départ assez rapide mais les sensations au démarrage sont bonnes, donc je ne fais pas de calcul, je fais ma course et je suis le mouvement. De toute façon les premiers dénivelés vont vite arriver et la cadence va forcément ralentir à ce moment là. La première (belle) bosse (bien raide) fait d’ailleurs son apparition dès le premier kilomètre (voir vidéo ci dessous) ! Je la démarre à petites foulées (mais la termine en marchant !) ce qui me permet de doubler quelques coureurs qui marchent. Aucune féminine devant moi, je suis étonnée d’apprendre Laurence et Isabelle derrière, mais je me doute qu’elles ne devraient pas tarder à recoller. Je décide de ne pas faire en fonction d’elles, les jambes avancent bien, tous les voyants sont au vert, l’allure ne me semble pas trop élevée, pourquoi ralentir ?
Cette première partie qui nous emmène jusqu’au 15ème kilomètre environ me régale ! Une alternance de montées, descentes, des zigzags, un sol souple et rocailleux, bref, de quoi s’amuser sur un parcours très varié et changeant. Un coureur me double et me prévient : « les deux derrière sont à 2 minutes ». Merci bien ! Je me doutais que ça allait recoller, et je pensais même que ça arriverait bien avant. Les sentiers sont très étroits, nous obligeant à rester les uns derrière les autres. Mais l’allure me convient, je n’ai pas l’impression d’être sur la retenue, ni de forcer l’allure, mais j’ai conscience qu’on avance à un bon rythme et que tenir les 50km comme ça serait peut être difficile.
Le gars devant moi prend un gel puis le jette au loin dans la nature. Ça me rend folle ! Je bouillonne d’envie de le remettre à sa place, je le double en lui disant : »pas terrible le coup du gel ! Tu sais que ça fait partie du règlement et que tu pourrais être disqualifié pour ça ?? » Il me répond : »ouais je sais mais bon ». Wouah quelle réponse argumentée ! Triste geste mais je n’ai pas envie de perdre de l’influx à cause de personnes comme ça, et un manque de concentration pourrait me coûter cher. Le sol est glissant, il faut faire attention à chaque endroit où le pied retombe, une entorse est vite arrivée sur ce genre de parcours.
On entame une grimpette, ça tourne, j’en profite pour jeter un oeil derrière : ahah, la voilà Laurence ! Elle reste un ou 2km juste derrière moi et finit par me doubler. Je l’encourage et en profite pour lui demander si elle a pris le chrono (oui j’ai encore oublié d’enclencher ma montre au départ et elle m’indique donc : 00:00:00). 1h20 et environ 17km. Merci Laurence, bonne course à toi ! Bon, donc c’est bien largement l’heure de manger. Je sors une barre et j’essaye de la manger en courant (pas simple, j’ai d’ailleurs dû mettre une heure pour l’avaler). Je m’en veux d’avoir oublié ma Suunto parce que ça m’aurait permis de gérer mon ravitaillement jusqu’au 30ème. J’ai gardé Laurence en ligne de mire quelques kilomètres (les bénévoles m’encourageaient : « allez super, la première à moins de 1 minute ! ») mais j’avais déjà lâché dans la tête et je n’ai même pas cherché à la recoller. Vu son niveau, il me semblait juste logique qu’elle soit devant et j’étais plus dans l’optique de conserver cette seconde place que d’aller rechercher la première. Aucune info sur les écarts derrière d’ailleurs …
J’ai vidé un bidon et mon deuxième bidon n’est pas loin d’être à sec aussi. Je pose la question au prochain coureur que je double : « excuse moi, tu sais si le ravitaillement est encore loin ? j’ai oublié d’enclencher ma montre » Il est désolé : »et non, j’aimerais bien savoir aussi, mais je n’ai pas le GPS. Je sais juste que ça fait 2h20 qu’on est partis. » Je lui propose de se renseigner au prochain signaleur. Ils sont deux à nous montrer la route. On leur demande : »bonjour ! Vous savez à quel kilomètre nous sommes ? » « ah non, elle est juste devant, à peine à 500m ! » Bon, ça a le mérite de nous faire rire, et de m’annoncer que Laurence n’est toujours pas très loin devant, mais ça ne répond pas à notre question. On approximative finalement 25km, ça veut dire qu’il va falloir économiser les dernières gouttes qu’il me reste dans mon bidon.
Pour le moment, la forme est toujours là, pas de baisse de régime, pourvu que ça dure. Je recolle Alexandre, du team Isostar, il n’a pas l’air d’aller le pauvre. Il part à droite alors que le balisage indique à gauche. Je le préviens : « c’est à gauche, tu t’es trompé ! » Puis je fais un bout de chemin avec un vétéran qui m’a bien fait passer le temps jusqu’au ravitaillement mine de rien ! Il me menace : »hé l’an dernier tu m’as fait le coup de me griller dans la dernière ligne droite, cette année, j’vais pas me laisser faire ! » Très bavard, il râle tout le temps : « ohlala c’est trop roulant ! » « ohlala mais c’est trop technique ici, il faut lever les jambes dis donc » Au bout d’un moment, je ne peux m’empêcher de lui lancer sur le ton de la plaisanterie : »arrête donc de râler et cours ! » Je le double, il me suit un moment, mais je finis par le distancer après le ravitaillement. Que nous avons enfin fini par atteindre au 30ème kilomètre !
Je retrouve ici la maman de Manu et Clémounette, ça fait un bien fou ! Elles sont là pour me faire l’assistance et me tendent des bidons remplis. On m’annonce Laurence à 3′ environ et on prévient : derrière c’est loin. Je prends des nouvelles de Manu, à priori il est dans les 10 mais ça va moyen. Mince ! Personnellement j’ai la forme mais j’ai les pieds qui chauffent et qui commencent à me faire souffrir à cause des nombreux cailloux sur les sentiers. Je commence à sérieusement m’en inquiéter, craignant que ces douleurs se transforment en véritables grosses ampoules et m’obligeant ainsi à arrêter. On verra ! Je ne m’attarde pas plus ici, le prochain ravitaillement suit une dizaine de kilomètres plus loin. Contente d’avoir refait le plein de boisson et de réconfort auprès de la famille, je reprends la route, confiante : plus que 20km à faire, on tient le bon bout !
Juste devant moi, Emmanuel de la Teyssonière, encore un coureur du team Isostar. Il m’encourage (merci Manu !). Je le garde en ligne de mire, en essayant de le recoller tranquillement. Mais ça grimpe dur, on reprend une belle bosse qui oblige à marcher, mains sur les cuisses ! Costaud celle ci, il faut même par moment, mettre mains sur les rochers pour enjamber, ou se tenir à une corde pour descendre. « Ravitaillement dans 5km environ », m’annonce un signaleur ! Emmanuel d’Isostar s’est arrêté, je le double et l’encourage au passage. Après cette petite session escalade, je reprends mon rythme de course et parviens jusqu’au deuxième ravitaillement sans souffrance. Toute la belle famille est là pour m’encourager et m’assister, Manu à leurs côtés. Je comprends donc qu’il a abandonné … Il me demande comment je vais : »tout va très bien, sauf mes pieds qui me brûlent. J’ai l’impression d’avoir des ampoules. » Il me rassure : « Rien n’est joué, Laurence n’est qu’6 minutes, tu peux encore le faire ! » Il n’a pas tort mais je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi, je n’ai jamais eu envie de croire en une victoire. Comme si les choses devaient se passer comme ça, c’est Laurence qui va gagner aujourd’hui, c’est comme ça ! Et une 2ème place me comblerait de joie …
Je propose à Manu de terminer avec moi mais je sens bien qu’il a déjà complètement lâché. Je quitte le ravito, reconcentrée sur cette dernière ligne droite, les 10 petits kilomètres qu’il restait pour franchir la ligne d’arrivée. Une fin de course rythmée par deux belles dernières montées (au passage, merci aux photographes, Yvan et Cyril de s’être placés à l’endroit où l’on est sensé faire le plus de grimaces !), entrecoupées par un kilomètre de bitume sur une piste cyclable et 2 derniers kilomètres sur le port au bord de la mer. Je suis, à ce moment là, accompagnée de Renaud, qui me demande si je peux lui accorder une faveur et tenir le drapeau avec lui en passant l’arrivée. « ah euh oui, pourquoi pas, mais quel drapeau et pourquoi ? » Il m’explique qu’il court pour une association qui lutte contre la mucoviscidose. Maladie qui a emporté sa fille il y a 1 an 1/2 de ça. « Alors oui Renaud, bien sûr, avec plaisir pour le drapeau ! » Sur le moment je n’avais pas vraiment eu conscience de ce que cela représentait, mais en passant la ligne avec le drapeau j’ai eu comme un pincement au coeur en imaginant sa douleur quand sa fille a été emportée par cette maladie …
Finalement je ne sais pas bien ce qui m’a le plus ému à ce moment là : le simple fait de franchir l’arche d’arrivée après ces 50km de « combat » ou le fait de réaliser en brandissant ce drapeau avec Renaud que notre combat d’un jour n’est rien à côté de ceux qui combattent toute une vie contre l’une de ces graves maladies …! Encore une leçon de vie qui donne à relativiser certaines choses.
Je félicite Laurence pour son retour sur le devant de la scène, et remercie les nombreuses personnes présentes sur le bord de la route pour nous encourager ou nous indiquer le chemin. J’ai été particulièrement touchée par tous ces encouragements. Bravo aux organisateurs qui font de cette course un superbe évènement.
Sylvaine CUSSOT
Photos : Mathieu Bertos, Cyril Bussat, Yvan Arnaud, Ensemble au Sommet
les résultats du Phoebus Trail de Gruissan
Les podiums hommes
1. Patrick Bringer, 3h39mn37s
2. Fabien Chartoire, 3h41mn47s
3. Maxime Cazajous, 3h47mn11s
4. Emmanuel David, 3h51mn59s
5. Alexandre Hayetine, 3h54mn27s.
Les podiums femmes
1. Laurence Klein, 4h35mn21s
2. Sylvaine Cussot, 4h44mn35s
3. Amelie Sparfel, 5h01mn46s
4. Maryse Abbamonte-Me, 5h14mn50s
5. Anouk Lahache, 5h30mn33s.
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