Dans un précédent article, nous avons mis en avant une séance de fractionné sur 100 m et ses intérêts en terme de vitesse et de résistance (et si on fractionnait sur 100m ?). Pour aller encore plus loin dans l’argument, nous vous proposons aujourd’hui de sprinter ! A priori, il peut sembler un peu fou d’entraîner un spécialiste d’endurance à sprinter : la foulée n’est pas la même, le temps d’appui du pied au sol est considérablement différent, l’effort fourni comme les filières énergétiques utilisées tout à fait opposés. Ceci-dit, le travail de sprint chez le coureur de fond du 10km au marathon présente de nombreux avantages bien surprenants !
Diminuer le temps d’appui au sol
C’est prouvé, les coureurs les plus rapides sur 100m comme sur longues distances sont ceux qui ont le temps d’appui au sol le plus court (Nummela A , Keränen T , Mikkelsson LO . Factors Related to Top Running Speed and Economy. Int J Sports Med. 2007.) Notre appui au sol se décompose en trois phases : une phase d’amortissement ou de freinage avec un contact du pied au sol qui se fait par le talon pendant laquelle nous emmagasinons de l’énergie, une phase de déroulement du pied pendant laquelle le bassin (centre de gravité) passe au-dessus du pied et une phase de poussée avec l’avant du pied où nous utilisons l’énergie emmagasinée pour nous propulser vers l’avant. Plus notre appui est dynamique et tonique au sol, plus on parlera de qualité de « pied ». L’énergie est mieux stockée lors de l’appui pour être encore plus restituée lors de l’action de poussée. Un travail de sprint va permettre d’améliorer cette qualité de « pied », c’est-à-dire d’optimiser l’action de stockage-restitution de l’énergie élastique pendant phase de contact du pied au sol et donc de réduire le temps d’appui au sol.
Etre plus rapide !
Un travail de sprint, par la réduction du temps d’appui au sol, le gain de force musculaire, l’amélioration de la coordination, et de la technique de course ; améliorera votre vitesse au sprint comme sur plus longues distances. En effet, d’après une étude (The relationship between field tests of anaerobic power and 10-km run performance. Sinnett AM, Berg K, Latin RW, Noble JM. J Strength Cond Res 2001), les coureurs les plus rapides sur des sprints de 50m et de 300m sont aussi les plus rapides sur 10km.
Booster son final de course
Même si la vitesse et la capacité de sprint final dépendent fortement de la qualité des fibres musculaires et notamment des fibres blanches (les fibres du sprinter), de la force et de l’élasticité musculaire; l’entraînement au sprint permet de mettre le coureur dans les meilleures prédispositions physique et surtout mentale pour affronter l’effort de sprint en fin de course. J’ai souvent observeé dans mon expérience sportive personnelle ou chez mes athlètes que le sprint partait de la tête avant de partir des pieds et des jambes. L’entraînement au sprint ne fera que développer la détermination et la motivation à sprinter.
Augmenter sa Consommation Maximale d’oxygène (VO2 Max)
Les coureurs ayant un VO2max élévée, c’est-à-dire un volume maximal d’oxygène important prélevé au niveau des poumons et utilisé par les muscles, sont ceux qui possèdent les meilleures capacités physiques pour les sports d’endurance. Hors, il s’avère que l’entraînement au sprint améliore non seulement la vitesse mais aussi la VO2Max! Une première étude (Dawson et al. 1998, Changes in performance, muscle metabolites, enzymes and fibre types after short sprint training. Eur J Appl Physiol Occup Physiol 1998) a conclu à une augmentation de la VO2Max équivalente à 6,1% en seulement 6 semaines (3 séances par semaine) d’entraînement au sprint. Chaque séance comportait de 20 à 40 sprints sur des distances comprises entre 30 et 80m.
Une autre étude (MacDougall JD, Hicks AL, MacDonald JR, McKelvie RS, Green HJ, Smith KM. Muscle performance and enzymatic adaptations to sprint interval training, J Appl Physiol 1998) réalisée sur des distances plus importantes a conclu à des résultats équivalents. L’entraînement sur 7 semaines commençait avec 4 sprints de 30″ séparés par une récupération de 4′ et finissait par 10 sprints entrecoupés de 2’30 » de récupération.
Seul bémol, ces études ont été réalisées avec des personnes non-entraînées à la course à pied, chez qui tout type d’entraînement quel qu’il soit engendrera des effets positifs notoires. Pour ma part, j’ai toujours observé chez mes athlètes une amélioration des performances sur les tests d’effort sur 2000m suite à un entraînement de vitesse sprint.
Etre plus performant
Selon une intéressante étude finlandaise (L.Paal et col., 1999) portant sur un groupe de coureurs ayant 8 à 9 ans d’entraînement, la programmation d’un cycle d’entraînement de 9 semaines de sprints variés (20-100m) combinés à des séances d’endurance et de renforcement musculaire pliométrique (renforcement musculaire à base de petits et grands sauts) a permis d’améliorer leur temps sur 5 km de 3,1% sans changement du VO2 Max. Il ne fait aucun doute que les résultats auraient été équivalents sur une distance de 10km. Le travail de sprints répétés sur des distances courtes (10 à 250m) accompli à une intensité très élevée avec une récupération complète (retour en marchant) améliore donc la performance.
Les règles à respecter pour bien se lancer
1. Adoptez la bonne attitude : poussez énergétiquement avec les pieds, étendez complétement la jambe de poussée, porterzle genou de la jambe avant vers le haut et vers l’avant, portez le buste légèrement en avant, utilisez les bras pour leur rôle moteur.
2. Les sprints peuvent se réaliser sur piste, sur route ou sur herbe, même si le tartan aide à l’action de poussée.
3. il est conseillé de pratiquer ces sprints en absence de fatigue.
4. Sprintez sur des distances comprises entre 10 et 150m, soit entre 5 et 15 secondes.
5. Si vous optez pour des sprints en côtes, celles-ci doivent comporter entre 4 et 7% de pente maximum. Pour savoir si vous êtes dans de bons pourcentages, vérifiez que votre technique de course n’est pas trop modifiée en fréquence et amplitude par rapport à votre attitude de course sur plat. Grosso modo, vous devez pouvoir courir pratiquement comme si vous étiez sur du plat.
6. Commencez par des sprints simples qui ne demandent aucun autre matériel qu’une ligne droite. Lors de ces séances, privilégiez le port de vos chaussures les plus légères si vous avez plusieurs paires pour la course.
7. Utilisez éventuellement des vestes lestées sur lequel des poids peuvent être ajoutés dans des poches prévues à cet effet et qui permettent d’augmenter le renforcement et la puissance musculaire sans dénaturer le geste technique.
8. Programmez ces séances de sprint en dehors des phases de compétition.
9. Intégrez un programme d’entraînement au sprint sur une période de 4 à 8 semaines à raison d’une séance spécifique par semaine.
10. Echauffez-vous spécifiquement avec 15’ de course lente à 60% de FCM puis 3 x 15 m de chaque éducatif ( montées de genoux, talons-fesses, course jambes tendues, foulées bondissantes) à une fréquence gestuelle maximum et une récupération marche au retour.
11. Récupérez en marchant sur le retour entre chaque sprint.
Exemples de corps de séances
a) 10-15 x 50 m en côte, récupération en descente + 1000 m à allure 10km
b) 3 x (6 x 50 m) récupération retour marche + 1000 m à allure 10km
c) 10 x 100 m récupération 100m marche + 1000 m à allure 10km