Nous sommes tous d’accord pour dire que le sport est un formidable terrain pour se sociabiliser, s’éduquer, s’évader du quotidien… Pour résumer, il est un liant pour le développement physique et mental de l’individu. Cependant, comme toute chose, les excès peuvent nuire. En ce moment on assiste à la démocratisation des longues distances en course à pied, que ce soit sur route ou en trail. L’être humain aime relever des défis toujours plus grands. Cela dit, bien des exemples nous montrent que ces défis longue distance voient de plus en plus de jeunes les accomplir.
Le dernier exemple que vous avez peut être vu sur le web est celui de l’américaine Alana Hadley, 16 ans, qui vient de réaliser à son âge une performance superbe sur… marathon (Indianapolis) : 2h41’56 ! On ne peut qu’être admiratif sur la performance pure qui la place à un excellent niveau chez les féminines et même de façon générale. Mais on peut s’interroger sur les conséquences physique (physiologiques?) à terme sur un corps qui n’est peut être pas à maturité. Même si l’on peut toujours penser que l’adolescente court de façon très professionnelle et régulièrement depuis plusieurs années, l’accumulation des entraînements poussés et réguliers ne semblent pas la promettre à une carrière longue, ne serait-ce que par lassitude ou par usure physique. Ce n’est pas dans ce cas une simple activité de jogging. Une performance de 2h41 sur marathon demande un kilométrage conséquent (de 80 à 150 km, à titre indicatif seulement) et de 4 à 8 séances par semaine (par exemple).
Même si le niveau de la jeune fille la promet à un grand avenir (16’51 sur 5km, 34’59 sur 10 km, 1h16’41 sur semi et donc 2h41’56 sur marathon), la répétition d’entraînement donc ET de courses pourrait perturber son développement ou du moins user son organisme. D’autant que sur l’année 2013, elle a par exemple couru deux semi-marathons, un 30km et deux marathons ! Sans parler des semis qu’elle court depuis l’âge de 14 ans, des 10km depuis l’âge de 11 ans etc… Et l’on ne peut comparer aux coureuses de l’Afrique de l’Est, qui bien qu’elles soient performantes très jeunes, font rarement une longue carrière. Qui sait si elles ne souffrent pas de problèmes de santé d’ailleurs (en dehors de leurs conditions de vie).
Sans parler des aberrations que l’on a pu voir en Inde où l’exemple d’un enfant de 6 ans que l’on fait courir pendant des heures et des heures… Mais que font les parents ? Ne sont-ils pas là, outre pour encourager et soutenir leur enfant, pour le réguler et veiller à ce qu’il n’y ait pas d’excès ? Peut-on cautionner le fait de pousser toujours plus un enfant pour en faire un champion sans se soucier du futur ? On a déjà entendu dans le football ou dans d’autres sports des parents qui les préparent dès le plus jeune âge à devenir les meilleurs… Ceci existe bien sûr aussi en course à pied, malheureusement.
Et ce, quelle que soit la discipline : route, piste, et trail également. Est-ce vraiment raisonnable de vouloir se lancer sur de très longues distances très tôt ? En 2012 aux Templiers, un jeune homme a truqué son inscription pour pouvoir s’aligner sur le 72km… à 17 ans. Même en ayant respecté le principe de progressivité dans les distances… Toujours est-il qu’un jeune corps, bien qu’il puisse encaisser et se régénérer très vite, ce corps a aussi une mémoire.
Attention aux longues distances que l’on aborde de façon plus décomplexée. Les adultes se mettent plus facilement à courir des ultras en trail ou des marathons. On constate par exemple dans ce domaine beaucoup d’arrêts ou de blessures de personne mal préparées. Alors si les enfants abordent de longues distances, et ce malgré une préparation et une bonne condition, les répercussions physiques (et peut être même sociales) pourront leur nuire.
Mathieu BERTOS