Voilà un an qu’avec les copains, nous parlons de cette course, de ce championnat de France de marathon qui se déroule à Toulouse le 27 octobre 2013.
Notre saison à tous est calquée sur cet objectif majeur : réaliser un podium par équipe sur marathon. Nous sommes 3 coureurs, 3 amis, et nous savons que nous n’avons aucun remplaçant au sein de notre club. Le défi est lancé !
Côté préparation
Dès que notre Sébastien Larue réalise les minimas à Annecy pour se qualifier (avril 2013), je rédige mon plan que je leur envoie pour qu’ils apportent leur touche personnelle et que nous puissions faire quelques séances difficiles ensemble. Fin avril, les plans sont prêts. Il ne nous reste qu’à nous entraîner sans chercher l’épuisement. Après 15 jours de mise en route, la VMA est à 20,5 et les chronos sur piste sont excellents pour moi. Je bats la plupart de mes temps avec par exemple une 2*10×400 en 1’11 de moyenne, récup 49′. Je passe les séances au seuil les doigts dans le nez et prends du plaisir à courir à 17km/h avec aisance.
Je sais que je suis dans la forme de ma vie et je me présente mi septembre à Belfort (France de semi) avec une envie de guerrier, afin de réaliser 1h12. Avec un rhume attrapé 2 jours avant et la chaleur, je déchante vite. Les 13 derniers kilomètres sont un chemin de croix. Je termine comme je peux en 1h15’40. Après cette course je suis écœuré mais les copains comptent sur moi donc je repars vite sur le programme. Il va me falloir une semaine pour récupérer mais je vais par la suite enchaîner les sorties avec entrain jusqu’au 13 octobre, terme de ma prépa. J’aurai couru 961 km en 10 semaines et conclu avec un pic de 243 km en 13 jours : le boulot est fait et j’ai tout donné sans que mon entourage n’en souffre trop.
Toulouse, le jour J
J’effectue le déplacement sur Toulouse, comme les 28 collègues du club, le vendredi. Nous sommes logés en appart-hôtel afin de gérer au mieux l’alimentation. Depuis une semaine, je soigne chaque détail au niveau alimentaire. Notamment, je ne mange que des légumes et de la viande du lundi matin au mercredi midi inclus. Ensuite j’enchaîne des repas à base de lentilles, pain complet, quinoa, riz, noix, amandes, fruits, viande et poisson. Je n’engloutis des pâtes que le samedi. Je passe ma journée de samedi en famille à visiter la ville de Toulouse et son Muséum d’histoire naturelle.
Le lendemain, à 8h00, nous quittons l’hôtel en short et débardeur car il fait déjà 18° (la course s’annonce chaude). Nous trottinons 20′ sur 2,5 km et rentrons ensemble dans les sas, en repérant les maillots des autres équipes fortes (Free run 72, Team 12 et Toulouse). On se donne une dernière poignée de mains puis chacun part dans son coin pour le départ. Mon Objectif est de partir en 3’36 »/km pour finir en 2h33.
La course
Le départ est fluide. Je me sens bien. J’essaie vite de trouver mon rythme. Mais au premier kilo, le verdict est sans appel : 3’25. Je ralentis pour me caler en 3’32/km. Je sais que je vais trop vite mais je suis tellement bien que j’en profite. Je stabilise ma vitesse et me cale derrière un gars qui semble régulier. Un groupe se forme juste devant moi avec 2 coureurs du team 12 et 2 de Toulouse. Je préfère rester sage car je sais que sur marathon, les secondes gagnées au début se transforment vite en minutes perdues sur la fin. Je bois et m’arrose dès le 5km et sur tous les ravitaillements car il fait chaud, trop chaud. 5Km en 17’40 puis je passe le 10 en 35’20.
Notre groupe de 4 est régulier et je suis en compagnie de mon oncle. C’est une chose nouvelle pour moi de courir à côté de lui, il a toujours été devant alors j’en profite, c’est plaisant. Au 17eme, il prend les choses en main et relaie. Il me lâche, et en l’espace de 500m, le groupe se disloque. Au 19km je les ai tous redoublés. Passage au semi en 1h15’20. Lionel Vignon m’annonce Philippe Robin à 30 ». Je n’ai jamais battu cet athlète mais aujourd’hui je vais tout faire pour le mettre derrière. En 3 km j’ai rebouché le trou. Je me stabilise à sa hauteur pour récupérer et je le passe.
Je suis au 25eme km. La chaleur est forte et les kilo s’enchaînent à 3’43, les sensations sont mauvaises mais personne ne me double. Je vois au loin un coureur de Toulouse, et me dis qu’il faudra lui aussi le passer. Au KM 28 j’aperçois Charles Henri Barreau qui marche (Free run 72) : sauf catastrophe chez nous le podium est assuré (Yesss !!). Passage au 30 : Olivier Gaillard trouve les mots magiques de coach : « oublie le chrono et bats toi car les autres devant ils explosent tous ! vas y ! cours pour l’équipe ! ». Il a raison c’est dur, mais c’est dur pour tout le monde et encore plus pour les autres. J’attends le 31eme km avec impatience car il y a les enfants et Anne-Laure qui m’y attendent. Sur 500 mètres, la rue est noire de monde j’entends juste leur voix, sans les apercevoir. Leur présence me fait du bien et au 32eme km, après de longues minutes de souffrance, je reviens enfin à la hauteur du toulousain.
Je me colle derrière lui et me stabilise : j’ai besoin de souffler, je suis mal. Après 500 mètres, je ne me sens pas mieux, mais mon adversaire semble plus mal que moi, alors je sais que je dois le passer d’un coup pour ne pas qu’il s’accroche. J’accélère franchement. Il me laisse filer : c’est bon. Je vois alors au loin 2 coureurs du team 12 et un autre de Toulouse. Si je les passe, je sais que nous serons champions. Un par un je les rejoins et je les lâche. Puis, au 37ème, je reviens sur Cyril Thomas (vainqueur du semi de bourg en 2013). Nous courons un moment ensemble, je suis souvent derrière et j’ai envie de lâcher mais je tiens comme je peux avec les moyens du moment. Je regarde ma montre toutes les minutes : elles sont longues à cet instant.
Au 40ème, je craque : je perds 2 mètres puis je me dis « t’as pas le droit de lâcher aujourd’hui, ce gars il faut le battre ». Je me ressaisis et je relance. Mes yeux sont sur le chrono toutes les 30 ». C’est dur mais la place du capitole approche. Au 41,5 j’accélère comme je peux. Je me dis qu’il ne reste que 2 tours de stade (vas y !) Je sprinte jusqu’à la ligne pour enfin voir le chrono : 2h35’27. On m’informe de ma 18ème place au France. Record battu en plus (yess c’est bon ça !!). Lionel Vignon vient à ma rencontre il m’annonce que Sébastien Charnay est 3ème. Je me retourne et j’attends Seb Larue. Les minutes sont longues mais il arrive en 2h42. Je vais à sa rencontre et lui annonce « on est champion mon gars c’est fait !». Je pleure, je l’embrasse mais je vois bien qu’il ne comprend pas : il est encore dans la douleur de sa course, le cerveau débranché !!!
Nous rejoignons Sebastien Charnay à la tente des officiels, j’échange une longue poignée de mains avec lui, la même que nous réalisons après les séances sur piste, mais celle-là, elle restera gravée dans ma mémoire. Le speaker appelle les premiers, le podium va commencer il y a 2 athlètes de la légion étrangère et Seb, mon champion de France, celui qui court par passion en alliant vie de famille, vie professionnelle et bringue. La marseillaise débute, l’émotion monte, mon ami est sur le podium, il peut écouter sa marseillaise. Nous monterons nous aussi sur le podium, heureux et, soyons honnêtes, fiers de nous. Pour conclure ce moment magique, une fois en haut je peux voir le regard de mon père, Anne-Laure et mes enfants qui sont présents.
Au delà du titre qui me comble, ce que j’apprécie le plus dans cette victoire c’est de l’avoir construite avec mes amis depuis maintenant 4 ans, lors des séances de VMA sur piste, sur les sorties longues ou encore autour d’une bière après la course. Nous échangeons chaque semaine des mails, des résumés de course, nos entraînements, nos plans. Partager ce titre avec eux est pour moi bien plus beau que le trophée gagné.
Pour conclure, même s’il n’a pas couru, je veux associer Lionel Vignon à cette victoire. Il nous a tous aidé lors d’un entraînement au cours de cette prépa et était présent lors de la course pour nous encourager, donc un grand merci à lui aussi.
Lionel RIBEIRO