Malgré une année émaillée par les coups du sort (blessures, maladie) où plus d’un aurait jeté l’éponge, ce virtuose du trail n’aura jamais renoncé, témoignant ainsi d’une étonnante résilience. Ce virtuose, c’est Fabien Antolinos, lauréat sortant du TTN long, qui relèvera en effet d’une main de maître la double gageure qu’il s’était assignée après son triomphe aux Templiers, opus 2012 : les Mondiaux, le 6 juillet à Llanrwst (Pays-de-Galles), qu’il honorera d’une 6ème place ; enfin, les France, le 6 octobre à Gap, où il ne s’inclinera, précisément de 54’’, que devant le seul Sébastien Spehler sur l’épreuve du 57km et ses 3200m de dénivelée.
Le bout du bout
En se remémorant les épisodes malchanceux émaillant son premier semestre, pas grand monde, en vérité, n’aurait parié un kopeck sur les futures prouesses de l’icône de Décines Meyzieu Athlétisme et du Team Terre de Running Ronhill.
Dès le 22 janvier, il subissait une arthroscopie afin de nettoyer le cartilage de la rotule gauche et d’ôter à celui-ci trois morceaux. Après quasiment deux mois incessants de gainages, de renforcements isométriques et de… patience, il renoue début mars avec les terrains de jeu.
Pourtant exempts de forts dénivelés, ceux-ci le voient contracter une petite tendinite au pied gauche qui ne disparaîtra qu’au terme d’un trimestre. Enfin, comble d’infortune, il était victime, à la mi-mai, d’une bronchite qui fut à deux doigts de tourner à l’infection pulmonaire. Par la force des choses, il fut alors contraint à couper tout entraînement 15 jours durant, ce qui permit, grâce également au travail excentrique, d’annihiler la tendinite. En quelque sorte, un mal pour un bien !
Le bout du tunnel
Mais Fabien n’est pas du style à s’apitoyer, mais au contraire, de positiver et d’aller de l’avant, imperturbablement. Il est donc inimaginable de manquer cette cruciale échéance que sont les Mondiaux. Même avec une préparation tronquée et écourtée ; même s’il n’a disputé au préalable aucune compétition d’envergure.
Pourtant, le Rhodanien ne part pas sans atouts. De prime abord, il peut miser sur l’indéfectible soutien du Team Terre de Running Ronhill et de ses deux managers, Virginie qui n’est autre que sa dulcinée, ainsi qu’Arnaud Borron, l’un des fondateurs de cette structure avec Patrick Rebourseau. Début mai, en homme d’expérience qu’il est, à vrai dire tel un professionnel, il reconnaît minutieusement le parcours long de 75 bornes, en l’occurrence une distance qu’il maîtrise habituellement à merveille. En outre, il retrouve d’excellentes sensations à l’occasion des deux premiers trails de sa saison. Le 5 mai à Douvres, au cœur du pays bugiste (21km pour 700m de dénivelée), il endosse le costume de dauphin d’Arnaud Bonin, grand spécialiste de la courte distance qui le précède d’1’25. Le 15 juin au cœur de l’Ouest lyonnais, il illumine victorieusement la « Nuit de la Saint-Jean » (42km pour 700m de différentiel), dans l’excellent chrono de 2h49’25, validant ainsi trois semaines d’entraînement.
A bout
L’aventure galloise sera digne des plus belles épopées homériques. Ni son année perturbée, ni la fournaise, ni encore l’entame trop preste en raison d’une absence criante de repères en compétition (rarissime chez Fabien qui d’habitude sait parfaitement gérer sa course), ni enfin les crampes aux psoas, aux adducteurs puis aux quadriceps, ne viendront à bout de son mental d’acier. Comme il le souligne lui-même avec beaucoup d’humour dans son blog particulièrement exhaustif, il acheva les deux ultimes boucles de 15 bornes chacune en « pilotage automatique », dépourvu de carburant, le cerveau étant le seul à encore fonctionner, preuve de son épuisement presque total. Preuve surtout de son inaltérable talent qui, quel que soit le degré d’adversité, a toujours eu le dernier mot comme l’illustre son 6ème rang en terre britannique, mourant dans les talons de Thierry Breuil, à quelques 36’’.
Le bon bout
Une semaine après avoir quitté la Perfide Albion, ce prof d’EPS reprenait tranquillement, alternant vélo et streetstepper. Revigoré par sa perf qui le rapprochait de son meilleur niveau, il se mettait aussitôt en tête de préparer activement les France. Fin juillet, débutait alors un cycle complet d’entraînement perdurant jusqu’à Gap, en réalité le premier de la saison, où de nouveau il éprouvait le plaisir ineffable de cavaler sans douleur. Parallèlement, deux épreuves concourues en août (23km du Trail Ubaye Salomon le 11, 44km du Trail du Galibier le 18), marquées par autant de victoires, sans compter sa seconde position le 7 septembre sur l’Ultra-Trail du Vercors en relais à 4 avec ses camarades de team, ne laissaient poindre aucun doute sur son retour au premier plan.
Dès lors, les ambitions étaient clairement affichées, à savoir le podium, d’autant plus qu’à l’instar des Mondiaux, Fabien séjournait une semaine dans le secteur, partant bien sûr à la découverte du parcours, en compagnie d’abord d’Ivan Bizet puis de Stéphane Ricard.
Le jour J, en dépit d’un prélude d’une rare vélocité, il parvint à s’accrocher au groupe de tête, fort d’une trentaine de personnes : « Je suis resté devant pour prendre tous les risques afin de préserver mes chances de médaille », argumente-t-il avant de poursuivre : « J’étais certain que la course allait se jouer sous les 6h. Aussi, il n’était pas question de musarder ! »
Au km8, alors que Michel Lanne et Julien Navarro ont pris le pouvoir, il s’immisça au sein d’un cénacle d’une douzaine de prétendants. Dès les premières descentes (km12), il talonna Sylvain Court qui tentera et réussira une échappée. Le tandem se fit ensuite trio lorsqu’il fut rattrapé par Patrick Bringer, les trois hommes gravissant de conserve le Col de Glaize (km18). Pourtant, l’entente cordiale n’allait guère s’éterniser, Bringer capitulant après avoir chuté en dévalant le col. En dépit de crampes à l’aine qui l’obligera à ralentir à compter du km20, Fabien ne lâcha pas Court d’une semelle. Ce qu’il fit pourtant au km 27, de conserve avec Spehler qui avait rejoint le duo un peu plus tôt.
La montagne, ça vous gagne !
En excellent montagnard qu’il est, ayant à son actif plus d’une cinquantaine de sommets de plus de 4000m, l’enfant de Bron allait faire parler la poudre dans l’éprouvante ascension du Pic de Glaize, et ce en compagnie de Spehler, les deux hommes se relayant depuis le km27 : « Il fallait dans l’ultime montée, à la fois combler mon retard sur les trois fuyards et me détacher de l’Alsacien, double impératif pour aborder dans d’excellentes conditions la dégringolade finale, mes rivaux dévalant ce jour-là bien mieux que moi », avouera-t-il.
Implacablement, il reprit Navarro (km38) avant de décramponner dans le raidar terminal (1,6km pour 450m de différentiel) Court puis Spehler, pour pointer au faîte du parcours (km42) à la deuxième place, à seulement 30’’ de Lanne.
Intervint alors en guise d’épilogue la descente que Fabien redoutait pour sa longueur interminable (15km), et dans sa dernière partie, pour son absence de technicité ainsi que son caractère roulant à travers pistes ou routes asphaltées : « En tout état de cause, la victoire est revenue à Spehler, en l’occurrence celui qui a su garder le plus de fraîcheur pour allonger sa foulée et relancer, ce qui lui a permis de me dépasser ainsi que Lanne, respectivement à 9 et 7 bornes de l’échéance. Nonobstant une chute dans l’un des ultimes passages délicats, tombant ainsi lourdement sur le genou droit, j’ai pu batailler contre Lanne, le rejoignant à 2km de l’arrivée pour le coiffer sur le fil et, in fine, m’approprier la seconde position. »
A l’issue de sa prestation, Fabien ne pouvait cacher son bonheur : « J’ai tout donné, n’ayant absolument rien à me reprocher, ni dans la gestion de mon allure, ni dans mon alimentation. En clair, si je ne l’ai pas emporté, c’est parce que tout simplement j’ai été confronté à un trailer légèrement plus costaud, qui a su courir intelligemment, s’économisant a minima dans les montées pour lui permettre ensuite de faire la différence dans l’éreintante descente finale. »
Perspectives
Concernant l’an prochain, Fabien louvoie entre l’UTMB qu’il ne connaît pas et les Championnats de France de trail, qui se concourront à Buis-les-Baronnies sur le tracé du Trail Drôme Lafuma, sans doute le 28 septembre. Il prendra sa décision après avoir récupéré de la SaintéLyon. S’il s’engageait sur le géant Mont-Blanc, il ferait probablement une entorse à l’une de ses règles intangibles, celle de ne pas avoir de véritable mentor. Il se tournerait alors vers Pascal Balducci, l’entraîneur référent du Team Terre de Running Ronhill, qui pourrait lui prodiguer les conseils avisés sur sa préparation.
Autre rendez-vous majeur pour lui, les Mondiaux de trail… s’ils ont lieu. Parallèlement, on devrait le retrouver, le 16 mars sur l’Ergysport Trail du Ventoux et ses 46 bornes, puis le 10 mai sur la Transvulcania, l’unique épreuve de Skyrunning qu’il disputera en 2014. Dans l’immédiat, il devrait s’aligner, le 27 octobre prochain, sur la Grande Course des Templiers qu’il avait brillamment enlevée l’an passé nonobstant le plateau à caractère international, Skyrunning oblige.
Pour conclure l’année en beauté, il incorporera une escouade de son team dans le cadre d’un des relais de la SaintéLyon qui fêtera cette année son 60ème anniversaire. Cette même SaintéLyon qui tomba en 2008, à la surprise générale, dans son escarcelle alors qu’il étrennait cette année-là la course nature. Au demeurant, les prémices d’une fabuleuse aventure…
François Vanlaton
Retrouvez l’interview de Fabien à l’arrivée en vidéo :
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