5 octobre 2013, jour des premiers championnats de France de Trail ! En tant que passionné de la discipline, je pense qu’il est normal d’avoir envie d’y participer. C’était mon cas ! Avec comme support la Gapen’Cimes et un plateau d’exception, il promettait de laisser quelques belles traces ce championnat …
Après de longues semaines d’hésitation, j’avais décidé de me lancer sur le parcours le plus long : 57km et 3200mD+. Une course que je craignais longue et difficile puisque je n’avais encore jamais dépassé les 50km et 5h48 d’effort non stop (5h48 au Trail des Maures plus exactement !). Mais en vu de la SaintéLyon en fin d’année, cette décision me semblait plus judicieuse … et à mon coach aussi !
Un peu d’appréhension provoquée par cet inconnu donc, mais aussi beaucoup d’excitation et de motivation à faire partie de l’aventure championnat de France !
Arrivés vendredi soir sur Gap, nous rejoignons le team Asics dans un superbe gîte réservé pour le groupe à cette occasion. Une journée pour se reposer un peu samedi, aller décrasser pour ceux qui le souhaitent (personnellement, veille de course, c’est repos complet pour moi !!), et passer voir les partenaires présents sur le village exposant. Un coucou à Sigvaris, Isostar, Asics … C’est bon de s’imprégner de cette ambiance veille de belles compétitions et d’échanger avec les autres coureurs qui seront au départ aussi. On annonce donc un très beau plateau sur ce premier championnat. Les fortes pluies tombées toute la semaine et la dernière nuit ont obligé les organisateurs à légèrement modifier les parcours, qui resteront tout de même fidèles à l’esprit souhaité : même kilométrage et même dénivelé !
Notre départ est prévu à 6h30 dimanche, ça veut donc dire une petite heure de nuit avec la frontale sur la tête. Une première pour moi aussi, mais un exercice intéressant aussi en prépa SaintéLyon ! Ça veut aussi dire que le réveil va faire mal … On essaye bien d’anticiper en se couchant plus tôt que d’habitude mais chez moi ça ne marche jamais ces trucs là : bref je passe une nuit pourrie en ayant l’impression de ne pas avoir dormi. Mais le petit déj à 4h passe bien et avec l’excitation du départ je me sens en forme, tout baigne ! TomTom (Lorblanchet), Manu (Gault) et Taz (Thomas Saint Girons) sont de la fête pour la préparation matinale d’avant course, c’est sympa de partager ces moments là : à plusieurs l’atmosphère est plus détendue, même un peu taquine, moins de stress et plus de solidarité, que du bon quoi !
6h, tout le monde est prêt, on quitte le gîte pour rejoindre le départ situé dans le centre ville de Gap. Une équipe de choc d’attaque pour nous faire l’assistance aux ravitaillements : Laurent (Ardito), Xavier (Thevenard), Franck (Bussière) et Michel (le beau père de TomTom). Grosse logistique pour eux : 4 coureurs qui ne vont pas à la même allure et 5 ravitaillements à couvrir … Un beau bazar, je les plains presque (et les remercie encore) ! Beaucoup d’agitations autour de la ligne, on sent bien l’ampleur de l’évènement avec des sas de départ pour compartimenter : les concurrents du championnat de France, les élites, les participants à la Gapen’Cimes. Tout cela m’amuse, mais ne me stresse pas. Je me sens bien, sans pression. Je sais ce que je vaux et je sais que je n’ai pas ma place sur le podium aujourd’hui, mais je suis motivée pour donner le maximum en me disant que je vais vivre une belle expérience qui m’apportera pour la suite. Un top 10 et une arrivée sans bobo seraient une belle victoire pour moi-même …
6h30, les dernières consignes sont données puis le départ dans la foulée. Frontales allumées, nous voilà partis pour quelques heures à s’amuser (et en baver !) sur les sentiers. J’ai regretté de ne pas m’être échauffée (en me disant : « ça va, on a 57km pour se chauffer ! »), on enquille direct sur une montée ! Il fait nuit mais j’aperçois Aline Coquard, je suis dans ses talons. J’ai vu Stéphanie Duc et Christel Dewalle partir devant comme des avions de chasse : je sais que je ne les reverrais pas. Je craignais le démarrage direct en côte, mais finalement, je me sens bien, souffle et jambes : ok ! On quitte rapidement la portion de bitume pour entrer dans un sentier en forêt plus étroit. Aline Grimaud me doublera juste à ce moment là. Je l’encourage : « allez Aline, bonne course » ! On alterne faux plats montants, portions plates, très agréable ! C’est plutôt propre au sol, pas besoin de rester la tête penchée pour éclairer ses pieds (même s’il faut quand même rester vigilant, une entorse est vite arrivée…).
L’allure est bonne, régulière. Pas l’impression d’être en sur-régime, ni de me trainer. J’atteins le premier ravito en 47′, km8. Francky et Michel m’attendent avec un bidon rempli, hop, je l’attrape et m’échappe sans tarder. Quelques mètres plus loin je regrette de ne pas avoir laissé ma frontale, le jour se lève. J’aperçois Jack Peyrard de New Balance un peu plus loin sur le côté : »coucou Jack, je peux te laisser ma frontale ? » et je lui lance (merci Jack !). D’un seul coup, je me sens plus légère. On entame ici la montée au pic de Charance : 800mD+ en 2/3km environ, ça va chauffer ! Ils sont quelques uns à avoir sorti les bâtons, pourquoi pas … Maud Combarrieu en fait partie, elle me passe au début de cette montée. Je n’essaye pas de la suivre, ça serait une grosse erreur, je risquerais d’y laisser des plumes et de ne pas aller au bout. Je l’encourage aussi : « allez Maud ! » Certains sont déjà en mode course, je continue à courir, à petites foulées, et quand les appuis sont trop fuyants au sol, l’alterne : marche/course. Je suis 7ème mais passe 8ème en haut du col puisque Caroline Chaverot m’aura doublé à son tour grimpant beaucoup plus vite que moi avec ses bâtons (enfin même avec des bâtons je ne l’aurais pas suivi). Malgré cette belle ascension, je ne sens pour le moment aucun signe de fatigue, tout roule !
On poursuit notre course en galopant sur les crêtes. Une vue à couper le souffle ! Je prends le temps d’admirer quand même, ces moments là restent rares …Les descentes sont bien glissantes, et les chemins très étroits, ce qui m’oblige à ralentir l’allure. Quelques belles bosses un peu « casse-pattes », mais ces quelques kilomètres sur les crêtes là haut : un pur bonheur ! Km18 : Laurent m’attend au ravitaillement. Mon bidon était vide, il était temps. Je fais le plein, avale un gel, demande des nouvelles de Manu et repars. Laurent me motive : « allez Sissi, 8ème, t’es à 16 minutes de la tête » ! La descente vers le ravitaillement du 28ème kilomètre (Rabou) est longue mais variée : du sentier large et roulant au single technique, en passant par des traversées de rivières et des cailloux glissants, pour finir sur 2km de bitume qui nous emmènent vers le 3ème ravitaillement : 28ème kilomètre. J’aperçois Francky, serein et apaisant comme à son habitude. Je récupère le bidon qu’il me tend, attrape un gel supplémentaire et en avant Guingamp (je n’aime pas traîner aux ravitaillements) ! Pas de baisse de forme jusque là, je me force à bien me ravitailler pour continuer sur cette lancée.
On se dirige désormais vers Chaudun. Un bon faux plat montant nous emmène vers des magnifiques passages en balcon. C’est technique, je ne fais pas ma guerrière et ne prends aucun risque ici. Encore ici, c’est magique !! Christine Denis Billet me rejoint à ce moment là. On s’émerveille ensemble, c’est encore mieux ! Elle reste derrière moi un petit moment et je la laisse passer sentant qu’elle commençait à trépigner derrière. J’ai un coup de moins bien à ce moment là et la laisse donc prendre un peu de distance tout en la gardant en ligne de mire. C’est un sentier étroit en forêt que nous prenons ensuite avec des passages en rivières à plusieurs reprises : avec de l’eau jusqu’aux cuisses quand même … Sur le moment ça rafraîchit, mais une fois les chaussettes trempées, les sensations ne sont pas très agréables : je crains les ampoules, je sens les échauffements s’intensifier sous les pieds mouillés. J’ai pu recoller Christine, et nous nous arrêtons ensemble au 4ème ravitaillement : 36ème kilomètre. Pas d’assistance ici mais je sais faire de l’efficace quand même. Et ça tombe bien, il y a de la poudre Isostar sur les tables, ce à quoi je suis habituée. Nous repartons ensemble avec Christine. Je sais qu’il reste encore du chemin à parcourir et même que le plus dur reste à venir avec de belles ascensions au programme ….il doit rester presque 1000m de dénivelé positif et plus de 20km, la course est loin d’être terminée !
L’ascension démarre tranquillement avec un long et étroit chemin boisé en serpentins. Je la commence en courant mais voyant Christine marcher devant, je me dis qu’elle a peut être raison … Ça va être long ! Je mets donc en mode marche rapide aussi, alternant quelques foulées en course quand même de temps en temps. A ce moment là, je me rends compte que je n’ai regardé ma montre qu’une seule fois, au premier ravitaillement … C’est plutôt bon signe en fait. Mais là ça commence à bien tirer et je sens la fatigue clairement s’installer. J’essaye tant bien que mal de garder un bon rythme et surtout de garder Christine en ligne de mire, ça me motive et j’ai espoir de raccrocher. Une fois cette première partie d’ascension terminée (ouf), nous rejoignons la Ronde de Chaudun : magnifique !! Un cirque en balcon, paysages extras encore une fois (bon j’avoue, on savoure moins avec la fatigue qui s’installe) ! C’était très beau, mais que j’ai trouvé le temps long … Le sentier étroit et pierreux obligeait une attention particulière pour ne pas tomber. Alternance de faux plats montants et descendants, en soit pas très difficiles, mais qui m’ont semblé casse pattes à ce moment là de la course. J’entends un souffle féminin dans mon dos, je me retourne, ah oui, en effet … Je fournis un effort supplémentaire pour ne pas me faire doubler et recolle ainsi Christine de cette manière.
Elle semble stagner derrière 3/4 coureurs, mais pour doubler ici c’est très compliqué ! J’essaye de lui faire comprendre qu’il faut qu’elle essaye de doubler parce que ça remonte derrière … Ouf, elle y arrive ! Je la suis mais manque de bol, quelques foulées suivantes et je me retrouve le nez parterre avec le genou en sang après avoir fait un vol plané ! Christine et l’autre féminine s’envolent devant moi … Plus de peur que de mal heureusement, je peux repartir sans complication causée par cette chute. Sauf que j’ai dû y laisser de l’influx, je me sens toute vidée ! Je tente de prendre un gel pour retrouver de la force mais c’est difficile. J’essaye de relancer la machine mais je suis obligée de marcher tellement je me sens faible. Ça va peut être revenir, en attendant, il faut avancer ! Et puis il reste un beau mur de 500mD+ à franchir : le Pic de Gleize ! Tellement pentu que je démarre la montée à 4 pattes ! Véridique … On aurait dit un animal ! On en rigole avec le gars qui court avec moi à ce moment là, il n’est pas plus frais que moi. On souffre ensemble, on extériorise notre douleur, on la partage, et ça, ça fait vachement de bien en fait ! Il passe devant, je repasse devant, bref, on se passe le relais pour faire l’allure : pas après pas, on grimpe. Horrible montée … Il faut la vivre pour comprendre la difficulté je crois. Dans la douleur et à petites foulées, mais on finit par l’atteindre ce sommet !
Une gentille dame est perchée là haut, elle nous encourage et nous complimente. Quel courage de rester perchée là toute la journée à féliciter les coureurs … Un grand ouf de soulagement : nous entamons la descente (12km) qui nous emmènera jusqu’à l’arrivée. Très technique pour commencer, les chemins deviennent ensuite plus larges et plus courants. Je croise la célèbre Maud Gobert qui m’encourage : « allez Sissi ». Merci Maud ! Je retrouve des jambes et les sensations reviennent, je me dis qu’il ne faut rien lâcher, j’ai peut être une chance de remonter sur une féminine. 3km après le début de la descente nous atteignons le dernier ravito. J’entends une crier : « allez Sissi, allez !!! » C’est une voix que je connais … Michel a fait un bout de chemin pour venir à ma rencontre, trop sympa ! Il me motive. Le ravitaillement est encore un peu plus bas, c’est Manu qui m’y attend. Sa présence me fait beaucoup de bien, mais je sais aussi ce que cela signifie : sa course s’est arrêtée ici pour lui … Je prends le bidon qu’il me tend, j’avale un dernier gel pour finir les 10 derniers kilomètres le plus vite possible et j’enchaîne !
Cette descente est longue et cassante, mais roulante sur la fin. Donc on peu dévaler sans soucis ! Mais voilà, dévaler avec déjà 50km dans les jambes et presque 7h de course : aie aie aie les cuisses ! Niveau énergie, je me sens bien, les jambes ne sont pas trop mal non plus d’ailleurs, mais au fur et à mesure de la descente je sens que ça tape quand même bien. Je surveille mes appuis, ça serait dommage de se faire une cheville ici. Un bénévole nous oriente sur le côté : « C’est la fin, courage, plus que 5km ! ».Un coup d’oeil à ma montre : 6h50. Allez je « m’autoévalue » : « à 5′ au kilo, il faut que je passe la ligne en 7h15″.
Je double Fabrice Arnaud sur la fin, il a l’air de souffrir le pauvre. J’essaye de le motiver. Je double 2 autres gars qui terminent ensemble tranquille en discutant. Plus je sens l’arrivée approcher, plus je sens les jambes avancer ! L’euphorie sûrement … Un panneau indique le dernier kilomètre. 7h11 ! On déroule les derniers mètres, c’est terminé. 200m, 100m et le tapis rouge qui m’amène sur la ligne d’arrivée : 7h15, pile poil dans les clous !
Je n’ai pas réussi à rattraper de féminines mais je suis très satisfaite de mon résultat : 9ème féminine, 8ème du championnat de France et 77ème de la course sur 500 participants. Une belle première expérience sur un parcours long et aussi montagneux, où la gestion de l’effort et les dénivelés ne sont pas si simples à appréhender. Maintenant je sais que j’en suis capable et je suis motivée pour recommencer (quand mes jambes auront récupéré, parce qu’à J+2, ce n’est pas encore gagné ! ;-))
Sylvaine CUSSOT
photos : Robert Goin, Laurie Atzeni, Cathy Ardito et Fabrice Breton (merci à eux) et ci dessous le film réalisé par Serge Jaulin