C’est sous un bel orage que j’arrive ce samedi 24 août, à Serre Chevalier, à l’appartement de vacances de Perrine et Julien. Nous devons courir demain la 1ère édition du « trail del thabor » au départ de Bardoneccia (Italie). La course doit nous amener au sommet du Thabor (3178m d’altitude) pour nous faire rejoindre la vallée étroite à Nevache, la « valle stretta » en italien. 30km au programme avec un dénivelé positif de 2600m, énorme pour un 30km. J’ai d’ailleurs acheté une paire de bâtons pour l’occasion, j’en ai marre de me faire doubler ! La météo annoncée pour le lendemain devrait être bonne, on va se régaler !
Le soir, après le petit visionnage photos du périple de Pépé et Juju autour du Mont Blanc, nous attaquons l’apéro suivi du repas. Nous décidons quand même de jeter un œil au site de la course, au moins pour savoir l’heure du départ et les points de ravitaillement… on n’a pas l’impression qu’on va courir demain, c’est drôle. Il faut quand même préparer nos affaires avant d’aller nous coucher. Avec Perrine on cherche comment fixer les bâtons sur mon sac, soudain Julien arrive, en 10s, juste le temps de me dire « regardes, tu les mets là » et c’est fait !! Trop fort ce Juju !
Le réveil sonne à 5h45, je suis réveillée depuis 30min, j’ai hâte de sortir du lit. Petit déjeuner au Gatosport puis nous prenons la route. Arrivés à Bardoneccia, 1ère constatation : oh comme elles sont taillées les italiennes, de vraie gazelles, impressionnant… « Bon Perrine, notre objectif, finir dans les 1ères… françaises ». Retrait des dossards, les dames commencent à nous parler italien. « Sono francese », du coup elles se mettent au français « mais ATZENI c’est sarde ! » Oui mais je ne parle pas pour autant italien, le boulet. Et là je commence à flipper sévère… mais à qui vais-je bien pouvoir parler pendant la course ? Perrine me rappelle, à juste titre, de faire attention à mon forfait téléphonique : « nous sommes en Italie, si tu veux appeler ça risque de te couter cher !! ». Sur ce, nous rejoignons le seul visage connu par Perrine et Julien, Bernard du MTC, en compagnie de 2 gars de Guillestre, histoire de patienter un peu avant d’aller nous échauffer.
Après quelques foulées dans les rues de Bardoneccia, Perrine a déjà mal au genou, mauvais signe, mais elle veut quand même prendre le départ, elle sait qu’elle va souffrir dans les descentes mais espérons que son strap lui tienne bien son articulation et qu’il rendra la douleur supportable. C’est ainsi que nous nous dirigeons dessous l’arche de départ, les italiens sont très polis, l’organisateur nous demande de nous approcher de la ligne de départ mais personne ne se met devant, ça change de chez nous ! Allez 9h, le départ est lancé, Julien part devant, moi un peu derrière et Perrine un peu en retrait. Il est convenu que si elle abandonne elle nous envoie un texto mais la connaissant je pense qu’elle ira au bout ;-).
Ça monte direct, d’abord sur le bitume puis très rapidement sur une piste forestière. Comme tous les départs, même si tu ne pars pas à fond, tu as le rythme cardiaque qui monte rapidement et tu t’essouffles, avant que tout se stabilise… c’est donc dans ce contexte que mon téléphone sonne, 10min que nous sommes partis. Je décroche car c’est mon chéri, les gens ne comprennent pas trop ce que je dis mais ils semblent surpris et enjoués, c’est alors que Bernard me double « ah ces marseillaises, n’importe quoi ». Je raccroche, même pas 30s qui s’écoulent que je reçois un message « bonne course Jobarde »… il a du me sentir en difficulté.
Allez retour à la course, j’alterne marche et course sur un bon rythme, Bernard me dit de m’économiser car nous sommes partis pour 7km de montée, un petit échauffement quoi, avant l’ultime ascension de Thabor. Je lui dis de ne pas s’inquiéter pour moi, j’en ai connu d’autres… C’est effectivement une montée déjà bien raide qui se profile, les mains sur les cuisses, j’avance, je me sens bien, j’ai les bâtons dans le sac mais je n’ai pas envie de les sortir, je les garde pour le Thabor. Je suis dans mon rythme de course, mes jambes répondent bien, je n’ai pas de pression ni devant ni derrière. Devant elles sont parties très fort les 4 filles que j’ai vu, je ne sais pas si elles font le 20km ou le 30km… on verra bien.
Nous arriverons rapidement dans les alpages, derrière nous, la vallée est magnifique, au dessus on voit le sommet encore bien loin, je sors mon appareil photo… la 1ère photo d’une longue série, c’était tellement beau, je suis déjà en immersion au Pays des Merveilles. On passe un refuge pour déboucher un peu plus haut sur la crête, une belle descente s’offre à nous, bien technique, bien raide, je pense à Perrine, ça va être son 1èr moment de souffrance ici. Moi je descends, pas très vite non plus car je ne suis pas trop à l’aise dans mes nouvelles Adidas Riot, j’ai l’impression que le pied flotte un peu dedans, je suis moins bien que dans les modèles précédents, je suis donc prudente (par rapport à d’habitude), jusqu’à la partie « roulante » du parcours. C’est trop agréable de relancer et de courir sur ces singles en plein cœur de la montagne, en plus comme il y a peu de coureurs engagés, on se sent presque seul au monde dans cet endroit superbe, et dire que dans une semaine je serai à Paris… Un dernier coup de cul et nous arrivons au refuge du Thabor, le seul ravitaillement du trail, derrière un joli lac, petit arrêt photo et je reprends l’ascension.
Je sors enfin mes bâtons, on est à la mi-parcours, 14km de fait, puis un deuxième lac, encore un arrêt photo mais cette fois j’ai les bâtons donc c’est un peu plus compliqué mais tant pis ça vaut le coup. Je ne sais pas combien je suis, mais peu importe, je suis tellement bien que je profite pleinement, si jamais je vois une fille qui remonte j’accélèrerai un peu mais ce n’est pas le cas pour l’instant, j’en profite. Je croise des randonneurs français, je suis contente et du coup je leurs dis 2 mots. Ils sont enchantés eux aussi « enfin une qui causent », ils me disent. Il y a encore quelques passages de relance et de descente, les bâtons me gênent un peu là, jusqu’à ce que je trouve ce qui me convient le mieux : les 2 dans une main et on court. Un petit coup d’œil à mon téléphone, messages d’Henry, de Daniel et de mes parents, merci à vous. Pas de message de Perrine, elle tient bon. Soudain je lève la tête et j’aperçois la chapelle du Thabor, très haute et très loin de nous. Les choses sérieuses vont commencer, nous sommes à 2600m et nous allons arriver à 3178m en montée sèche !! Petite photo et c’est parti.
Je pense aux 2 fois où je suis passée par ici, la première c’était lors de la Skyrace de Nevache en 2010, j’étais moins entrainée, la deuxième c’était en balade avec mon père l’année dernière où on avait établi notre record-rando vallée étroite-Thabor en 3h. Pour le moment l’ascension se passe plutôt bien, je sens progressivement les effets de l’altitude sur mon rythme cardiaque mais les bâtons m’aident bien. 2700 puis 2800 et 2900, une traversée de névés puis une 2ème… la chapelle se rapproche de moi, de temps en temps je m’arrête pour une photo et puis d’un coup, j’ai trop faim, ça m’arrive hyper rarement en course, heureusement j’ai toujours une barre au cas où. Je peux ainsi arriver correctement en haut du Thabor, je prends le temps de fixer mes bâtons sur mon sac comme Julien me l’a montré et puis j’attaque la descente.
C’est un régal, la vue est superbe, il faut faire attention car c’est raide et glissant, on a aussi des passages sur la neige dont un que je filme. De temps à autre, je fais des micro-arrêts photos, surtout arrivé au col des Muandes : vu sur la Meije et les Ecrins, des lacs, c’est sublime. Mon voyage au Pays des Merveilles continue. Je pense encore une fois à Perrine qui, comme moi, doit en prendre plein la vue… mais elle doit souffrir avec son genou. Quant au mec avec qui je cours depuis un moment (le début de l’ascension du Thabor), il doit en avoir marre, je passe mon temps à m’arrêter pour les photos, il me double, quelques secondes après je lui repasse devant… A l’arrivée il m’a souri (il était temps) et félicité. Retour à la descente, sur la partie éboulis, c’est rigolo de glisser, de se rattraper de justesse, je mets un peu de vitesse.
Encore un lac magnifique et puis loin un autre encore, je perds le balisage à un moment, juste quand je me dis que le balisage était top pour une 1ère édition. Du coup je ralentis un peu et le retrouve rapidement, je lève le pied… et surtout les yeux pour ne pas perdre à nouveau le tracer rose parmi les cailloux, les herbes et les fleurs. Des torrents se déversent dans les lacs, parfois le tracé nous oblige à les traverser, on se mouille un peu les pieds mais c’est chouette, j’ai même fait une petite glissade dans l’eau au cours d’une traversée, ça rafraichit. Depuis le Thabor on ne fait que descendre, je suis en forme, je devrais mettre du rythme mais je ne le fais pas. C’est étrange cette sensation, comme si je ne voulais pas en finir trop vite, comme si je voulais rester dans ces montagnes encore un peu plus longtemps… c’est ce à quoi je pense à cet instant, je reste dans cette pensée là et profite des paysages, je suis dans ma bulle, seule au monde.
Puis à un moment je regarde ma montre, 24km, cela fait aux alentour des 4h45 que je cours (je crois), bon il faudrait accélérer un peu quand même non ? Aussitôt dit, aussitôt fait, ça va je n’ai aucun mérite, de une ça descend et de deux je me suis assez économisée depuis. Je débouche sur des paysages que je connais, on est au dessus de la maison des chamois, pas loin de la valle stretta, l’arrivée, mais je ne connais pas le chemin que l’organisation nous fait prendre et au bout d’un moment je commence à en avoir un peu marre de courir, le sous bois est pourtant très joli, très vert, le bruit de l’eau des torrents est très agréable, je n’ai pas mal aux jambes, toujours la pêche… mais bon c’est comme ça, avec tout ce qu’on a vu de magnifique avant, maintenant j’ai hâte d’arriver. Je prends une allure régulière de bon footing où je suis en aisance respiratoire et j’avance. Ça y est ma montre affiche 30km… mais je ne suis pas arrivée, il restera encore 2km pour franchir l’arche de d’arrivé au petit village trop mignon de la vallée étroite, en plein cœur de la montagne, où un orchestre nous attend ainsi que le public et Julien… Il est arrivé depuis 45min déjà, 14ème au scratch. Moi j’ai mis 5h30, à peine moins que le marathon du Mont Blanc où il y avait 10km de plus mais moins de dénivelé donc on ne peut pas vraiment comparer. Daniel va me dire que je me suis écoutée tout le long, Henry que j’ai lambiné, Thierry G que j’ai fait ma Corine avec les photos… ils n’auront peut être pas tout à fait tord mais j’ai fait une course plaisir et qu’est-ce que c’était bon.
Le temps de me ravitailler et de discuter un peu avec Julien, avec Bernard qui arrive 10min après, je me change et vais pour partir à contre-sens récupérer Perrine… pas le temps de faire 3 pas qu’elle arrive ! Impressionnante, avec un genou en moins, elle met seulement 20min de plus que moi. La pauvre, elle a eu beaucoup mal dans les descentes, une vraie guerrière d’être arrivée au bout.
2600m de dénivelé positif au compteur de nos montres pour 32km. Avec Perrine, on ne les a pas vu passer ces 2600m d’ascension… faut pas trop le crier sur les toits ça, parce qu’il y en a qui arrivent un peu décomposés quand même !! Un petit coup d’œil au classement « artisanal », sans puce électronique. Je suis 5ème féminine, c’est bizarre je n’en ai pas vu autant devant moi. J’en avais compté 4 depuis le départ, oui mais avec les 2 parcours confondus (et avec une qui faisait le 20km, sûr), je n’ai pas du voir les filles au physique un peu masculin … Perrine fait 7ème du coup. Une très belle journée passée dans les montagnes franco-italiennes, que du bonheur, une 1ère édition réussie en tout point. Je vous le conseille pour l’année prochaine les amis, sous réserve d’avoir fait un peu de dénivelé pendant l’été !
Au lendemain, petit coup d’œil sur les résultats…. Et surprise. En fait Perrine et moi, on gagne une place au scratch (4ème et 6ème), c’est cool et du coup ça me rassure un peu par rapport à ce qu’il me semblait. Ce n’est pas étonnant si je ne voyais personne au loin devant moi, les 3 premières filles sont même devant Julien. Impressionnantes ces italiennes, elles me mettent 45min dans la vue, donc même sans prendre de photos, le podium était injouable !! En tout cas, l’objectif est réalisé pour nous 2 puisque nous sommes les 2 premières françaises sur le 30km… bon d’accord, à part nous, il n’y avait que des italiennes ! Quant à Julien, il est en fait 11ème ! Bravissimo !
Laurie Atzeni
Les résultats du Trail du Thabor