The North Face Lavaredo Ultra Trail, l’une des grosses courses cochées cette année pour Manu : 118km et 5740D+ dans le magnifique massif des Dolomites en Italie. A voir les images sur les éditions passées, en effet, ça fait rêver ! Mais nous avions envisagé un WE séparés à courir chacun de notre côté puisque j’avais prévu d’aller courir le Trail du Golfe du Morbihan : 57km (et 200mD+…?). Et puis finalement, pour diverses raisons (et aussi parce que les changements de programme, c’est notre spécialité !), j’ai décidé de l’accompagner.
L’évènement propose deux parcours, un ultra (trop long pour moi !) et un trail de 47km (2600D+), le Cortina Trail (seconde édition) …BANCO pour le Cortina, profil de course qui s’insérera parfaitement dans la suite de ma saison. Et puis j’étais ravie d’être au côté de mon homme pour l’un de ses objectifs 2013. C’est important de s’épauler lors de ces gros RDVs … ! Un long voyage nous attend, mais quand on sait ce qu’il y a au bout, on est prêt à tout !
Un long voyage en effet, l’Italie, ce n’est pas tout près. La voiture remplie de vêtements d’hiver (températures fraîches prévues là bas, il aurait encore neigé cette semaine à 2000m d’altitude et il fait à peine 10 degrés à la station), nous prenons donc la direction de Cortina d’Ampezzo mercredi en début d’après midi en espérant arriver avant minuit. C’était sans compter les 4h de bouchons rencontrés sur l’autoroute à Nice (merci à Muse et son fantastique concert !) qui nous ont obligés à couper le voyage en 2 et à s’arrêter dormir sur la route. Ce n’est donc finalement que jeudi à 17h que nous avons enfin réussi à atteindre notre destination finale … Un peu en retard sur notre planning quoi ! Le temps du WE, Cortina vit au rythme du Lavaredo : affiches et banderoles apparaissent à tous les coins de rue, à l’image de Chamonix avec son UTMB. C’est bon, on est vite dans l’ambiance du coup !
[nggallery id=486]
Notre hôtel se trouve au pied de l’arche de départ (et d’arrivée), on est des gros privilégiés ! Le village de la course est bien organisé, tout est bien carré, bien structuré, on sent une organisation ultra professionnelle qui privilégie avant tout la sécurité des coureurs. On comprend d’ailleurs rapidement que les conditions météo difficiles ont des risques de chambouler l’évènement. Il a plu toute la soirée et nuit du jeudi au vendredi et a priori il est tombé 30cm de neige sur les sommets. Les montagnes sont toujours bien cachées par les nuages vendredi matin et le ciel est tellement sombre qu’on se croirait presque plongé dans un film d’horreur … Une partie du parcours est impraticable, il va falloir mettre en place le plan B nous informent les organisateurs, Cristina et Simone, lors du briefing de 18h. Le verdict tombe dans la soirée : parcours et horaires modifiés ! Le Lavaredo Ultra Trail partira samedi matin à 8h au lieu de vendredi à 23h et fera 85km au lieu de 118km et le Cortina Trail partira à 9h au lieu de 8h et perdra un peu de dénivelé … Beaucoup de déçus à l’annonce du verdict mais cette décision était la plus sage et la plus raisonnable pour assurer la sécurité des coureurs. Personnellement j’aurais été très inquiète de laisser partir Manu courir toute la nuit dans ces conditions… Me voilà rassurée et ravie de l’avoir à mes côtés une nuit de plus !
Nuit courte, réveil matinal, petit déjeuner forcé … un matin de course quoi ! Je descends accompagner Manu pour son départ à 8h et je remonte finir de me préparer une fois leur départ donné. Il ne fait pas trop froid, j’aurais bien enfilé short et manches courtes mais le corsaire et le manches longues sont OBLIGATOIRES, pas de questions à se poser ! Il paraît qu’à 2000m d’altitude il fait très frais, je décide donc de prendre les gants aussi, tant qu’à y être … ! Trop fière de moi, j’ai réussi à tout rentrer dans mon porte bidon : k-way, sifflet, couverture de survie, barres, gourdes … le compte est bon, je suis équipée pour faire mes 47km en autonomie ! Ah oui aux pieds, j’mets quoi ? Asics Fuji Attack ou Asics Fell Racer ? Allez j’opte pour les Fell, ça sera une première mais j’ai confiance, elles ont déjà passé des grosses séances d’entraînement sans soucis.
Quelques foulées d’échauffement et le moment de se placer sous l’arche de départ était vite arrivé. Je regarde autour de moi, j’essaye de reconnaître des têtes, je vois un français à ma gauche avec qui on a échangé hier au briefing. Je lui souhaite bonne chance. C’est assez étrange ce sentiment de perte de repères lors de ces courses à l’étranger … Je ne suis pas du genre à stresser mais là pour le coup ça m’a rendu encore plus détendue ! Je m’amuse à regarder les coureurs et coureuses et à m’imaginer qui sera devant, qui a ses chances, ou non ! 😉 Lancement de la musique du départ (les poils qui frissonnent un peu !), le compte à rebours est donné, et nous voilà partis pour quelques heures à galoper dans cet extraordinaire terrain de jeu italien !
[nggallery id=487]
Les premières foulées sont souvent révélatrices de l’état de forme du jour, enfin pour ma part en tout cas ! En l’occurrence elles étaient légères au démarrage et ça m’a donné confiance. Bon du coup je me suis un peu emballée et je suis partie en tête (j’ai su plus tard que j’allais le payer). On prend une bonne portion de route pour commencer, c’est bien pour la mise en route ! Rapidement on prend de l’altitude, c’est déjà la première bosse … Une pente tranquille d’abord, puis de plus en plus forte. Je prends mon rythme mais je me sens un peu trop rapide, je ventile trop. Je tourne la tête à droite, à gauche, c’est juste déjà énorme cette vue !!! Un vrai paysage de carte postale …Nous sommes entourés de gigantesques montagnes ! On quitte la route pour rejoindre un large sentier en serpentin. Ça ventile toujours, je décide de ralentir la cadence, la route est longue encore … on entre dans une sorte de sous bois, il faut chaud mais comme c’est ombragé, on ne suffoque pas ! Je trouve mon rythme de croisière, impec ! Ah, une féminine me double … Je respire plus fort qu’elle, je n’essaye pas de m’accrocher, je le sens plus forte, je risquerais de le payer cher.
La première bosse passée (je n’ai pas de GPS ni d’altimètre, mais environ 600mD+ pour 5km peut être ?), le sensations sont toujours bonnes et je savoure la variété des paysages traversés. Hallucinant ! Je me dis « profite, savoure, c’est une chance que tu as d’être là !! » On bascule vers une descente assez pentue, en serpentins comme la montée. Des gros cailloux mouillés glissants … Beurk !! Je déteste, c’est comme ça que j’ai eu mon accident en septembre dernier. Je freine, tant pis. J’étais bien placée au scratch en haut de la montée (dans les 20 ?), mais un à un les gars me doublent à fond les ballons dans la descente ! « Scuzzziii ! » Je dois prendre une bonne vingtaine de places environ en tout ! ça, c’est fait !! Pas de féminine par contre, je suis toujours seconde en bas. On enchaîne sur une bonne portion hyper roulante, j’en profite pour réenclencher la vitesse supérieure. Un peu de route, un peu de sentier mais relativement plat ou légèrement montant, dans tous les cas, on envoie, j’aime ça ! Je me décide à jeter un oeil à mon chrono : « 0:00,10 » ! Ah ok, fausse manip au départ, le chrono n’est pas parti, me v’là aidé ! Je demande au gars qui court à côté de moi (but my english is very very bad !) : « excuse me ! Can you help me, have you the time ? » Il sourit, me met sa montre sous le yeux : 1h21. « Déjà !! Cool, thanks ! » 🙂
Autour de nous, des immensités, je n’en reviens toujours pas …La ravitaillement du 17ème kilomètre n’est pas loin, j’aperçois l’arche « RED BULL » et j’entends les italiens crier : « grandéé ! Braviii ! secondo ! » Un arrêt express, je sors mon bidon, je le remplis et je repars ! tout roule. Nous sommes sur le même parcours que le Lavaredo Ultra Trail, nous doublons quelques concurrents, puis les parcours de séparent à une bifurcation : Ultra à droite, Cortina à gauche ! Compris, je tourne à gauche. Soudain une vive douleur me prend derrière le cou et sur les côté ! Ça lance, comme une grosse crampe. J’ai dû me crisper dans la descente, il va falloir faire avec. Je masse, je tourne la tête, j’essaye de décontracter les muscles, ça fait mal !! J’avais jamais eu ce genres de douleurs … Fini de se la couler douce sur du roulant, nous voilà repartis sur une belle grimpette ! Je cours, petites foulées, on y va, à côté ça commence à marcher, je double quelques coureurs, ça motive et les sensations sont toujours positives.
La montée est longue et difficile, au sommet on atteindra plus de 2000m d’altitude. Il fait de plus en plus frais, ça fait du bien parce que depuis le début je maudis la matériel obligatoire, collant et manches longues et j’envie ceux qui courent en short ! D’ailleurs j’ai retiré mes gants au 1er kilo et je les ai glissé dans mes manches. Sur le côté on aperçoit de la neige. J’ai hâte d’être en haut, la vue doit être splendide ! Ça commence à couiner pour tout le monde, on alterne marche-course, j’en vois un qui crampe devant, je le plains … A cause du changement de parcours, on ne connaît pas le profil et c’est l’inconnu du début à la fin ! Pas évident de gérer sa course du coup … L’ascension me paraît interminable mais on finit par y arriver. On nous avait annoncé un ravitaillement au 30ème j’espère qu’on s’en approche … J’entends quelques spectateurs plus loin, c’est le sommet mais pas le ravito ! Pour l’atteindre, il va falloir descendre un peu. Allez, c’est parti. Chemin large, pas trop technique et surtout des endroits traversés extraordinaires ! On se croirait sur une autre planète à passer de la cascade bleu turquoise, aux sentiers entourés de verdure puis aux ruisseaux caillouteux … Un vrai bonheur pour les yeux ! J’essaye de savourer un max mais je commence à avoir mal au dos. Le voilà, en bas, le ravitaillement du 30ème !
[nggallery id=488]
Second arrêt express : dévissage de bidon, remplissage et décollage ! J’ai un soucis, j’ai envie de faire pipi ! Vraiment pas envie de m’arrêter, on va continuer avec l’envie, dans 15km c’est terminé … Superbe ambiance, les italiens ont ce don de motiver rien qu’au son de leur voix ! Je ne parle pas un mot de leur langue mais je comprends le sens des phrases et je sens qu’ils m’encouragent, c’est vraiment chouette ! Sortie du ravitaillement, la descente se poursuit, de nouveau sur des sentiers à gros cailloux glissants. Danger, c’est technique, avec la fatigue on lève moins les pieds, je freine nettement ! aux environs du 32ème, une féminine me double, elle prend beaucoup plus de risques que moi dans la descente ! Ah non ! Pas question, m’en fiche, je la recolle ! ça tombe bien parce qu’on arrivait au bout de cette interminable descente et on reprend du dénivelé positif. Elle marche, ok, alors je cours ! Je la double, mais plus loin, elle me redouble. Je décide de rester derrière, ça ne sert à rien de se fatiguer à jouer à ça jusqu’à l’arrivée, on va s’épuiser, il rester au moins 10km, et pas du plat !
Jusqu’à l’arrivée, j’ai gardé la seconde féminine en ligne de mire, en espérant la recoller. Comme moi, elle était épuisée, mais comme moi, elle ne voulait rien lâcher ! Même rythme sur le plat, même rythme en montée, mais elle allait plus vite en descente et elle a fait la différence comme ça. Les 10 derniers kilomètres se sont faits au mental, j’avais mal aux jambes, et plus de jus pour accélérer. Se sont enchaînées des alternances de montées descentes cassantes, un dernier ravitaillement au 42ème (que j’ai snobé, mon bidon était encore à moitié plein !) et les 5 derniers kilomètres j’avais presque abandonné l’idée de pouvoir encore espérer cette seconde place … j’avais désormais en tête de conserver ma place sur le podium (aucune idée des écarts derrière).
Quand le sentier laisse enfin place à la route et que je reconnais les habitations de Cortina, c’est le soulagement … Quelques mètres de route et c’est terminé. Les encouragements aident à avancer mais je me sens grimacer ! Encore un effort, après cette petite montée, virage à droite et j’aurais l’arche d’arrivée en ligne de mire, a priori ma 3ème place est assurée. Un long couloir formé par des barrières nous mène vers la ligne, les applaudissements des spectateurs nous portent jusque là bas, c’est encore un beau moment à savourer ! Au moment même de passer sous l’arche j’aperçois Manu derrière la barrière sur le côté … Le speaker annonce mon nom, s’avance vers moi, me tend le micro mais je ne l’entends pas, j’ai la tristesse qui m’envahit quand je prends conscience que si Manu est là, c’est que ça s’est mal passé pour lui. Je bafouille quelque chose au micro et je m’avance vite vers lui pour le prendre dans mes bras. Des larmes coulent sur mes joues … et sur les siennes. J’ai du chagrin pour lui mais lui a de la joie pour moi.
5h10, 3ème femme (à 5′ de la 1ère et à 1′ de la seconde), 45ème au scratch sur 650, je suis vraiment satisfaite de ma course mais triste pour Manu parce que j’étais aussi venue ici pour lui … La conférence de presse et la cérémonie qui ont suivi ont juste été grandioses et rajoutent encore plus de magie à cet évènement que l’on peut sans hésitation qualifier de GRAND !
Sylvaine CUSSOT
(photos : Marco Colleselli, Carlo Ceola, Riccardo Selvatico)
Les résultats :
Les résultats The North Face Lavaredo Ultra Trail
Les résultats du Cortina Trail
[nggallery id=491]