Ce qui est bien dans la course à pied, c’est qu’en fonction du lieu, du profil, du dénivelé, de la météo, de la distance, du type de terrain… tout le monde peut y trouver son compte! Et l’ivresse en question peut venir aussi bien à la fin d’une séance de fractionné qu’à la découverte d’un endroit qu’on ne connaît et que l’on trouve très beau.
Ne restons pas cloîtré dans des idées du genre: » je ne les comprends pas ceux qui courent sur piste… à tourner en rond comme des hamsters » … ou, à l’inverse : « ce sont des grands malades ceux qui partent en nature pendant des heures, avec un paquet d’affaires à emporter « . Chaque pratique a ses contraintes et ses plaisirs! Le tout est d’y trouver son compte, non?
Comme celui qui fait de la piste.
Nécessairement, il va avoir besoin de vitesse, et le chrono est le juge de paix. C’est son guide. Quelques fois, les indications du corps sont trompeuses. Les chiffres sur la montre vont alors lui dire s’il s’est fait berné par un corps capricieux ou trop ambitieux. Les secondes, voir les dixièmes, valideront ou pas les sensations du jour. Ce sont des repères qu’il souhaite faire coïncider avec ceux que lui donnent son corps. Car même sur piste tout est affaire de sensations. Le geste est important, il se doit d’être efficace. Quand on y parvient, il en vient à être beau. Quelle élégance que celle d’un coureur de 1500m à la foulée longue, puissante et au corps droit. L’homme est le pilote à bord, il maîtrise. L’ivresse en question est là! Une maîtrise de son corps, du temps, un dépassement de soi malgré l’effort qui le brûle de l’intérieur, et la ligne d’arrivée qui fait office de délivrance.
Comme celui qui court sur route.
Il a peut être eu avant l’éducation de la piste. Là, il s’efforcera de garder cet esprit de régularité avec en tête l’espoir de faire un beau finish, comme lorsqu’il entendait la cloche lors du dernier tour. Mais le parcours est plus long, le profil diffère, et le peloton est décuplé. Il va s’agir d’être un bon gestionnaire d’allure, d’être économe. La foulée ample et la qualité de pied, excepté à haut niveau, seront moins prépondérants. Il faudra donc gérer différemment son énergie, mais aussi son mental. Par rapport à ses sensations, ses baisses de régime, ses état d’euphorie. Il faut bien se connaître. Et il faut bien analyser les adversaires. Savoir repérer les faiblesses, les moments de fatigue, et décider du moment pour faire la différence. Le finish peut se jouer de plus loin, ce n’est pas un dernier 400m mais un dernier kilomètre. C’est différent. L’ambiance est différente. Un coup, nous sommes dans un lieu désert de campagne, où notre seul soutien seront nos pensées qui s’envolent vers nos proches, ou qui reviennent sur les heures d’entraînement et de sacrifices. L’autre coup, ce sera en pleine ville, qui nous offrent ses larges allées, où les fourmillements habituels de la vie quotidienne laissent place au martèlement des pieds de coureurs, applaudit par la foule. La fatigue, le bitume avalé, l’allure, la ville aux coureurs, les spectateurs… tout se mélange et donne un goût particulier à celui qui y goûte.
Comme celui qui court des trails.
Il a peut être fait le tour des précédentes disciplines, ou bien il est venu directement sur les chemins. Par besoin de changement, de dépaysement, il prendra les sentiers pour s’éloigner d’un quotidien matérialiste, pressant. La variété des lieux, des paysages, des sols, tout cela fera son bonheur. Les points de vue, inaccessibles autrement qu’à pied, feront de lui un privilégié. L’effort est récompensé par l’émerveillement des sens! Le temps est moins important. Le chrono ne compte pas, ou alors il est indicatif, tellement les conditions géographiques et naturelles sont changeantes. Les mesures parleront plutôt de distance ou de dénivelé. La compétition lui permettra d’associer le dépassement de soi, parfois extrême, à un plaisir de parcourir la nature et ses paysages. Le corps, cassé en deux dans la pente, porté par des jambes qui luttent contre la gravité, est à la fois durement mis à l’épreuve mais aussitôt récompensé par le décors. Dans la même épreuve, la vue est mobilisée pour contrôler ses appuis qui jouent avec les défauts du terrain, ainsi que pour s’attarder sur la nature environnante.
A chaque discipline ses attraits, sa dureté. Un 800m où les poumons s’enflamment et les muscles semblent éclater, un semi-marathon où le maintien de l’allure résiste contre l’épuisement et le martèlement des foulées au sol, un ultra où l’épuisement physique lutte avec l’épuisement moral… tout cela peut paraître aussi difficile à celui ou celle qui le vit! Outre le dépassement de soi, au final, tout est affaire de sensations… puis de satisfactions. De là vient le plaisir !
Le plaisir peut prendre différentes formes et on peut aimer tout cela à la fois!
Mathieu BERTOS