Le sport évolue sans cesse, et ce, du loisir à la compétition. Le trail, que la majorité veut garder comme une activité simple et libre, ne déroge pourtant pas à cette évolution. Alors qu’au niveau scolaire la tendance est plutôt à la baisse, on recommence à considérer le sport pour ses bienfaits physiques, psychologiques et sociaux. Il est prescrit tel un médicament par les professionnels de santé. Hourra !
Comprendrait-on enfin, dans ce monde qui va à 1000 à l’heure, où les gens sont de plus en plus sédentaires, que le sport est nécessaire ? Il en deviendrait même salvateur en parallèle de ce quotidien stressant où la société demande toujours plus.
Le trail est dans cette mouvance pour le bien-être. A la base, la course à pied est un sport à la portée de tous notamment de par son côté pratique (équipement sommaire, lieux d’entraînement très variés). Le « trail », sans qu’il ait eu ce nom là, existe finalement depuis toujours pour ceux qui ont eu l’habitude de partir sur les chemins en campagne ou en montagne. Il est maintenant un objectif de découverte de paysages et de lieux (on peut parler de tourisme sportif), d’évasion du quotidien par ce biais là, et l’impression de redécouvrir les plaisirs simples et les joies de la nature. On peut évoquer une forme de dépassement de soi que l’on concède plus aisément que sur les courses bitumées.
Désormais, nous pouvons parler de « phénomène trail« , tant il imprègne largement le monde du running. Les pratiquants sont de plus en plus nombreux, ils délaissent la route, la piste, ou bien se mettent directement à cette pratique sans passer par les autres cases du running. Les équipementiers ont bien compris le mouvement, et les Teams sont au soutien des athlètes pour mettre en avant des produits et les aider à pratiquer leur passion au mieux. Les réseaux sociaux et la communication aidant, le phénomène s’est vite répandu et il est toujours en croissance.
Si nous devions nous projeter dans les années qui viennent, à quoi va ressembler le trail ? Quel avenir pour cette pratique en pleine expansion?
Du côté matériel, on peut penser que les gammes de chaussures vont continuer de se développer. On ne pourra pas pousser les murs des magasins, mais les modèles seront de plus en plus précis en fonction du type de coureur et de pratique. Ce qui pourrait déboucher sur une spécialisation et donc des créations de boutiques uniquement tournées vers le trail. Le matériel (bâtons, sacs frontales etc) sera aussi encore mieux pensé.
Des entraînements spécialisés fourmilleront dans les revues comme pour les multiples plans marathon que nous avons utilisés (ou survolés). On voudra rendre plus maîtrisable un milieu variable et incertain. Peut être y aura -t-il même des coaches FFA de trail-running, puisque le secteur est en partie réglementé par le giron fédéral.
Des documentaires voir même des émissions consacrées au trail se développeront. Nous aurons peut être même droit à des directs TV. D’ailleurs, le trail pourrait bien s’élargir au niveau mondial. Les primes apparaissant, les coureurs africains entre autre pourraient passer sur cette discipline. D’ailleurs, le niveau va sans nul doute augmenter. Des coureurs avec de solides bases de vitesse viendront de plus en plus s’essayer sur le trail. Le coureur pur de montagne devra peut-être changer ses plans de fonctionnement. Des courses de Team pourront voir le jour, décernant des récompenses de la meilleure « écurie » à l’année. A terme, pourquoi pas une participation aux JO, là où le cross-country a échoué ?
Le trail pourra donc peut être se professionnaliser. Et qui dit professionnalisation, dit aussi… dopage. Il est sans doute déjà présent dans certains cas, coureurs de Team ou coureurs « lambda ». Dans quelle proportion? Impossible à dire, et le but n’est pas de noircir le tableau, mais on peut s’attendre à de telles dérives… Les excès dans les passions et dans le sport conduisent à ce genre de comportement. Bien sûr le coût des contrôles est élevé, mais cette tournure et la prise en main de la FFA forceront sans doute les autorités à renforcer ce dispositif.
Dans le « toujours plus », les organisations devront sans doute limiter les inscriptions aux courses. D’une part pour des raisons de sécurité, et d’autre part, bien que ça aille de paire, pour préserver l’environnement naturel qui sera de plus en plus visité… et mis à mal. Les inscriptions sont déjà devenues de grandes tombolas dans certains épreuves. Il se pourrait donc que les coureurs « rejetés » forment une masse qui se tournera vers la pratique « off ». Ce phénomène explique en partie l’amaigrissement des pelotons sur la route. Le niveau de performance va continuer de baisser. Par contre, les coureurs trail pourront sans doute se mesurer aussi au chrono un jour. Une fois que les parcours seront fixes, l’envie de vérification de sa progression se fera avec la comparaison au temps, véritable indicateur de performance.
Les chercheurs auront mené des études sur cette pratique, l’entraînement sera plus précis et scientifique. Nous découvrirons aussi les effets sur le corps, qui pourraient s’avérer négatifs… comme toute pratique poussée à l’extrême. Quitter la route pour éviter les chocs, mais pour augmenter d’autres contraintes, qui sait ? Un corps poussé très loin dans la répétition d’efforts longs pourrait-il se retrouver usé avant l’heure ? L’évocation est terrible et nous ne souhaitons bien sûr ça à personne, mais attention aux états d’épuisement extrême qui plus est dans un milieu naturel hostile. On peut tout imaginer et chacun pourra projeter sa propre vision en ce qui concerne le trail.
« L’esprit trail » et le plaisir simple de ces terrains de jeu variés devront résister au succès grandissant de cette pratique. Les premiers garants en sont les traileurs eux-mêmes !
Mathieu BERTOS