Plus besoin de le présenter, Sébastien Chaigneau et le trail ne font désormais presque plus qu’un ! Ce passionné de montagne et de sport nature pratique le trail depuis maintenant plus de 10 ans.
Membre du Team The North Face International, Sébastien possède un palmarès bien fourni avec de nombreux podiums sur des courses internationales réputées. 2ème à l’UTMB 2009, 2e à l’Ultra Trail du Sancy en 2010, 3e de Ultra Trail du Mont Blanc 2011, 1er du Lavaredo Trail 2011, 3e de la TransGran Canaria 2011, vainqueur de la TGC 2012, 1er et recordman de la TransGranCanaria 2012 et 2013 … Bref de quoi faire rêver les passionnés d’ultras !
Sébastien a accepté de prendre un peu de temps pour une interview exclusive avec u-run !
Aujourd’hui la course à pied fait pour toi office de passion et d’activité professionnelle : depuis quand ?
« La course à pied est devenue professionnelle depuis avril 2010. J’ai eu beaucoup de mal au début car c’était pour moi un sport loisir et je ne voulais surtout pas devenir pro dans un domaine comme celui-ci. Pour moi trail et ultratrail raisonnaient plaisir, passion, échange, mais surtout pas travail. J’ai ensuite pris conscience que j’avais une réelle chance qui ne se représenterait certainement pas deux fois et que je devais la saisir pour me donner une nouvelle mission et une nouvelle façon de voir cette activité naissante. Je me suis dit que c’était peut être l’occasion de faire connaître au monde entier et surtout reconnaître les fondements de cette activité et de la faire sortir de l’anonymat… Cela permet aussi de montrer quel est l’investissement en terme d’entrainement, d’organisation et ceci que l’on soit situé n’importe où dans le classement. »
Qu’est ce qui t’a amené à franchir ce pas ?
« Ce qui a été déterminant pour moi fut mon passage dans l’équipe internationale de « The North Face », avec bien sur un soutien financier qui allait avec. On a aussi réfléchi ça au niveau familial car plus de disponibilité pour mes partenaires implique plus d’absences, mais j’ai un staff familial qui me soutient et me suit pleinement dans ce choix…. Je crois que ça a été aussi primordial pour assumer cette nouvelle opportunité. A cette époque je travaillais dans un magasin de montagne c’est un poste que je pouvais retrouver également sans souci après cette parenthèse en fonction de combien de temps cela allait durer pour moi… et au final elle commence à s’étendre… Et je crois qu’à ce jour elle m’a aussi ouvert d’autres opportunités pour ma vie d’après compétition. »
Faire de ta passion ton job a eu une influence sur tes performances sportives ? Dans quelle proportion ?
« En fait c’est un peu ce que je craignais au début et j’ai réussi à passer le cap et à voir bien au delà de la course à pied et de la pratique du trail. En fait je me suis actuellement entouré de deux agents qui m’ont aidé et me soutiennent toujours dans mes discussions avec les partenaires. Ils gèrent mon avenir et je ne me pose plus de questions sur la suite pour moi. C’est un poids qui te permet de réaliser tes courses beaucoup plus sereinement et plus facilement même si le niveau progresse tous les ans et que pour rester accroché à ce niveau il faut beaucoup plus travailler que lorsque j’ai commencé où à cette époque deux à trois séances d’une heure par semaine suffisaient pour tenir la route en compétition. (Enfin tout au moins pour moi cela était suffisant, de faire que de la qualité, mais je ne faisais que des courtes distances). »
Penses-tu que sans ça tu n’aurais pas pu atteindre ce niveau de performance ? Peux tu nous parler de ta vie avant de passer athlète professionnel ?
« En fait je pense que cela peut aider sur certains points comme la récupération et le temps passé avec la famille mais ce n’est pas si simple que cela peut sembler. Je passe environ 120 à 150 jours par an en déplacement dont 75 jours de tournage de vidéos, pubs et autres documentaires, ce qui me laisse peu de temps pour la famille. A côté de ça mon gros avantage dans mon dispositif est d’avoir une boite de communication audiovisuelle à domicile puisque la structure qui me suit en images est celle de ma femme … On se retrouve très souvent à collaborer sur les projets.
A l’époque où je n’étais pas pro ma journée type était la suivante : Réveil 5h, 6h-8h entrainement, 9h magasin, et retour maison vers 20h…Je n’avais que 5 semaines de congés pour les courses comme tout le monde et je me débrouillais comme cela… Ce n’était pas toujours très facile car à cette époque notre fils n’avait que quelques mois et je le voyais peu mais cela m’avait à l’époque permis de faire cette belle place sur l’UTMB … ce qui a ensuite aidé à lancer les choses.
De formation je suis bio-technologiste (micro biologie alimentaire physiologie humaine et biochimie, sans oublier le séquençage d’ADN)… Mais rester enfermé dans un labo était trop dur pour moi et j’ai changé de travail après 6 années passées à travailler sur le virus et vaccin de la rage dans le domaine vétérinaire. »
Y a t-il une course en particulier qui t’a « dévoilée » ? Laquelle ?
« C’est amusant comme question car nombreux considèrent que l’UTMB 2009 fut la révélation … mais avant cette course j’avais déjà 8 ans de pratique de trail et je considère que déjà à l’époque j’avais couru et gagné de bien belles épreuves (Verdon, Lybian challenge, Grande traversée des Alpes, 3ème à la Diagonale des Fous…). Maintenant pour certains, ce jour là j’ai fait la course de ma vie et pour d’autres ce fut un accident. Pour moi ce fut un belle accident alors et cela m’a encore plus renforcé dans mes convictions sur la pratique de ce sport. La notion de plaisir est plus importante que tout le reste et le résultat n’est qu’une conséquence d’une bonne préparation et de la prise de plaisir en course … »
Y a t-il quelqu’un (ou quelque chose) en particulier qui t’a influencé pour basculer dans le monde des ultras ?
« Pas vraiment, je voyais les coureurs connus et reconnus de l’époque comme Dawa, Vincent Delebarre, Christophe Jaquerrot, Marco Olmo, ou Patrick Lottodé et je me disais que peut être un jour j’arriverais à faire les distances et les courses qu’il faisaient… Je me suis rendu compte que j’étais adapté à ce type d’effort sur la Diagonale des Fous en 2005 qui fut mon premier ultra après le Mercantour. »
Un sportif rencontre des moments de joie mais aussi des difficultés … Peux tu nous en confier une qui t’aurais particulièrement marquée dans ta vie d’athlète ?
« Je pense que ce type de moment est un peu pour tout le monde pareil dans n’importe quel job que ce soit. Me concernant, je suis déçu lorsque je dois m’arrêter sur une course car il y a du temps et de l’investissement passés. Mais on apprend beaucoup plus de ses échecs que de ses réussites et il faut juste se recentrer et se remobiliser pour repartir de plus belle et ne pas s’arrêter à la première chose à laquelle votre cerveau va vous confronter : L’ECHEC …. Il faut voir plus loin que cela. »
As tu souvenir d’un abandon en course que tu aurais fortement regretté ? Lequel ?
« Chaque fois que tu dois abandonner, trente minutes après tu te dis : ‘et merde je n’aurais peut être pas du… » mais il faut travailler ce type de prise de décision car comme je l’ai déjà dit c’est une histoire de préservation de son capital. Si la tête n’est plus là, c’est un chemin de croix plus qu’une activité où on va se faire plaisir. Ce n’est jamais facile mais c’est quelque fois nécessaire et cela permet aussi de bien rebondir à l’entrainement et la course suivante. C’est toujours une histoire d’amour propre… et de regards des autres. »
La veille d’une course d’ultra, ton plat fétiche ?
« Je mange autant que possible japonais car je trouve cette nourriture et la philosophie qui va avec, très intéressante… C’est très certainement aussi l’avenir d’une bonne partie de l’humanité que de suivre leur système alimentaire… »
Une course que tu rêverais de gagner ?`
« Je n’en ai pas en particulier, je pense que c’est plus intéressant de ne pas faire de fixation sur un seul objectif et de chercher la prise de plaisir. Maintenant lorsque tu t’alignes au départ d’une épreuve dont tu as fais un objectif, c’est dans un but… »
On te propose une course en duo mixte, avec quelle athlète féminine ferais tu équipe ?
« Déjà avec ma femme et ensuite j’aime bien accompagner les gens en général. Maintenant si c’est une charmante dame ou demoiselle c’est toujours relativement plaisant. »
Actuellement quelle course prépares tu ?
« Je suis en pleine préparation du Mont Fuji qui aura lieu dans un mois et ensuite première coupure de la saison pour attaquer ensuite la préparation Hardrock puis UTMB si je fais la course… »
Merci U-RUN et à bientôt sur les sentiers ! Prenez du plaisir, le reste est anecdotique…
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