La première fois que j’ai entendu parler de l’Ecotrail de Paris, je me suis dit : « comment ça un trail à Paris ? c’est une blague ? » En 2008 me semble-il … Bon à l’époque, le trail et moi, on ne se parlait pas et ne se côtoyait même pas.
Et puis en 2010 j’ai rencontré Manu et en Mars 2011, je suis donc venue voir ce qu’était ce fameux « Eco-Trail de Paris« . Juste en spectatrice (déjà fidèle supportrice de celui qui était entré dans ma vie), parce que le trail et moi, on ne s’était toujours pas rencontré … Un suivi de course grand luxe dans le camion des pros, celui du Team Asics Trail ! Rebelote en 2012 mais cette fois ci, j’avais doucement commencé à sympathiser avec les courses à dénivelés.
Et finalement dans ces cas là, on voit la course différemment et on parvient même à s’imaginer dedans.
Cette année je suis bel et bien copine avec cette magnifique discipline qui est le trail running. Après un premier test réussi à Gruissan sur le 50km il y a un mois, je suis motivée pour persévérer sur ces distances plus longues: le 50km de l’Ecotrail sera parfait pour faire office de second test (Manu n’aura pas réussi à me convaincre de monter sur le 80km … Encore trop tôt selon moi) ! J’ai cliqué, me voilà inscrite pour participer à cet évènement qui, il y a 5 ans de cela, me faisait rigoler… Y’a qu’les imbéciles qui n’changent pas d’avis, pas vrai ? ; )
Une course que l’on prévoit de partager mais malheureusement, Manu étant blessé, c’est lui qui restera sur le côté cette année. La dure loi du sport et ses difficultés … J’ai intérêt d’assurer ! Un début d’année encourageant pour moi, je suis bien préparée, pas de raisons de stresser ou de craindre de ne pas y arriver. Je suis archi motivée, mais aucune idée de la manière dont la course va se passer… Un parcours réputé roulant, un sol beaucoup moins accidenté qu’à Gruissan, mais une météo qui risque peut être de compliquer un peu les choses pour cette 6ème édition. Mais peu importe, ça sera pour le monde pareil, alors on y va sans se poser de questions et on verra !
Une capitale fraîche et grise mais quelques rayons de soleil pour illuminer cette journée du vendredi. Au village de la course installé aux pieds de la Tour Eiffel, le sujet favori des coureurs qui s’apprêtent à prendre un départ le lendemain : « chaussures de trail ou chaussures de route ? » Question que je me suis aussi posée, mais le terrain étant gras et glissant, les trails seront sûrement plus adaptées ! Décision confirmée le samedi matin au saut du lit… Les Fuji Attack m’accompagneront pour ces 50km de d’Eco Trail de Paris. Avec un départ à 10h45 le côté positif c’est qu’on n’est pas obligé de mettre un réveil qui va sonner au milieu de la nuit ! Samedi matin il sonne à 7h30 mais de toute façon ça ne change rien, je n’ai pas dormi. Mais mes insomnies, ce n’est pas une nouveauté donc j’essaye de ne pas me formaliser, ce n’est pas ça qui va me démotiver ! Un gros p’ti déjeuner, dossard accroché, Asics aux pieds, mon homme à mes côtés, un brin de nervosité (mais aussi la hâte de s’élancer), direction Versailles pour prendre enfin le départ de cette course dont on m’a tant parlé.
On est dans le timing, assez rare pour le signaler. Sur place 45′ avant le départ, on est large ! Le temps de retrouver Stéphane (qui s’est proposé de m’accompagner), de papoter (histoire d’oublier qu’on part bientôt pour en baver), de se déshabiller (pour partir léger,) de faire quelques foulées (pour se réchauffer(… 10h45 était quand même vite arrivée. Presque 1400 participants, ça fait quand même une belle foule à s’amasser. Un coucou à Pascal qui vient de nous rejoindre juste devant la ligne, le décompte des dernières secondes est lancé et c’est Manu qui donne le départ du 50km de cet évènement qui le fait tant vibrer…!
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Chrono enclenché, je suis fière de moi, pour une fois j’y ai pensé ! Dès les premières foulées je sens que les jambes répondent bien, c’est plutôt bon signe mais la course ne fait que commencer, la tendance pourrait très bien s’inverser. Je pars vite. Steph et Pascal qui avaient prévu de courir avec moi ne sont pas là, je crois qu’ils ont préféré en garder sous le pied, peut être qu’ils me rattraperont plus tard. On tourne un peu autour de ce magnifique domaine du Château de Versailles, c’est chouette mais j’ai hâte de démarrer la partie un peu plus technique. Je regarde au loin devant, je n’aperçois aucune féminine, a priori je suis en tête. Erreur stratégique ou non, je n’en sais rien mais je ne me pose pas de questions, je suis bien, et j’ai l’impression de pouvoir tenir un moment à cette allure là, sans être ni asphyxiée ni trop prudente.
Quelques mètres avant de sortir du domaine, une féminine me double. Bien ! Étrangement ça me rassure un peu, je craignais de m’être un peu trop emballée … Elle a bonne allure, je la laisse partir mais en la gardant quand même en ligne de mire. Une côte, youpiiiii ! Le terrain commence à se ramollir, certains appelleront ça de la bonne gadoue, mais moi j’aime ça, on entre enfin dans le vif du sujet ! D’ailleurs je reviens petit à petit sur celle qui m’avait doublé … Le seul inconvénient de cette boue, c’est qu’elle colle aux pieds et que du coup j’ai l’impression d’avoir 3kg sous chaque chaussure ! En cœur, à chaque passage un peu plus sec, on tape des pieds pour retirer ce tas de terre qui colle et nous alourdit. Passages sympas à ce moment là : des relances, des faux plats, des virages serrés, pas de monotonie, les kilomètres défilent. Je finis par doubler celle qui était en tête, je ne sais pas bien si c’est elle qui a ralenti ou moi accéléré, elle va sûrement essayer de m’accrocher et à 2 on devrait pouvoir mutuellement s’aider. Je lui parle pour l’encourager mais elle est espagnole alors pour se comprendre ce n’était pas gagné …
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Je pense être régulière, cette allure me convient bien. Je n’ai pas encore pris le temps de jeter un œil à mon chrono mais c’est bon signe dans ces cas là, ça veut dire que je ne souffre pas. Et là mon petit jeu préféré (bah oui on s’occupe comme on peut) c’est d’essayer de deviner. J’estime 1h30 de course. Je regarde, j’en suis à 1h50. Déjà ?? Comme je cours sans cardio, sans GPS, je n’ai aucune idée du nombre de kilomètres parcourus. Mais peu importe, il faut continuer à avancer ! On nous annonce bientôt le ravito, ça tombe bien mon bidon est vide. Manu ne pensait pas pouvoir être là, je m’étais donc préparée à me débrouiller seule. Alors belle surprise quand j’entends crier, « allez ma chouchou !!!! » Je n’entends que lui, je ne vois personne, je reste concentrer. J’attrape le bidon qu’il me tend sans m’arrêter, je prends quand même le temps de lui faire un bisou à la volée, de lui dire que je suis super bien qu’il n’a pas à s’inquiéter, et je réponds à la question posée par le speaker au micro : « première féminine , alors comme ça se passe ? Bien bien pour le moment j’essaye de gérer. » J’ai répondu sans réfléchir en fait, j’ai juste envie de vite repartir sans perdre de temps. Parce que l’inconvénient de faire la course en tête (bon en même temps, ça ne m’arrive pas souvent !!), c’est qu’on ne peut pas savoir comment ça se passe derrière … (j’aurais d’ailleurs bien aimé avoir les écarts)
28ème kilomètre passé, voilà donc une belle grosse moitié de faite ! Tiens tiens, Cédric de Trail Session ici … On est côte à côte, je lui demande comment il va mais a priori le mental ne suit pas, il n’a plus envie. J’essaye de le motiver, « allez allez courage, on a déjà fait plus de la moitié« . Pas de nouvelles de Steph ni de Pascal, j’espère qu’ils vont bien. Je continue mon p’ti bout de chemin ! On traverse quelques passages où ça grimpe bien, effectivement les 1000m de dénivelé positif, on les a bien. 30ème environ, il faut que je trouve un coin pour m’arrêter, à trop boire pour ne pas me déshydrater j’en ai rempli ma vessie ! J’crois que pendant plusieurs kilomètres je n’ai pensé qu’à ça : tourner la tête à droite à gauche, devant, derrière comme une girouette pour trouver un endroit où m’isoler … En même temps ça évite de penser à d’éventuelles douleurs. Finalement, je trouve un tout petit buisson, ça ira très bien, je n’ai pas prévu de m’arrêter prendre le café ! Un pipi et c’est reparti !
A partir de ce moment là, j’entre dans une phase de beaucoup moins bien… Le fait de m’être arrêtée peut être mais j’ai les jambes coupées ! Je ressens toutes les douleurs musculaires, alors qu’elles n’étaient pas présentes avant et comme un manque de carburant. Oublions, ce n’est peut être que passager et la conséquence de cette pause obligée ! En attendant je me dis qu’il reste presque 20km et que je n’ai pas envie de les subir. Je pense à autre chose, je me concentre sur ma foulée, mes jambes, mon souffle, le paysage, bref tout ce qui peut me changer les idées quoi ! On traverse une route, un signaleur nous encourage : « dans 3,5km le ravitaillement ». C’est encore loin !! Et donc jusqu’à ce 40ème kilo (ravito de Saint Cloud), je serre les dents.
Une voix au loin : »allez Sissi !!! » Yes, c’est Manu, ça veut dire qu’on y est ! C’est à ce moment là que je retrouve un regain de forme. Rémi est là aussi avec sa caméra : « coucou Rémi » ! Manu me questionne : « comment ça va ? » Je le sens ému, je le vois dans ses yeux, je l’entends à sa voix, ça me prend au bide, je sens qu’il est fier de ce que je fais et moi je suis fière de lui donner ces émotions… »ça va mais j’commence à avoir mal aux jambes » je lui réponds. Et lui : « c’est normal, allez lâche rien, c’est la fin ! ». Il me tend une boisson sucrée mais je sens que ça ne passera pas, de l’eau, il me faut de l’eau, rien que de l’eau ! Arrêt express : j’ai réussi à tenir la tête et je n’ai surtout pas envie de la perdre maintenant !
Et là démarre le 10 kilomètre le plus long de ma vie !! J’étais prévenue … Donc moralement préparée à en baver. Pas de problème de ce côté là ! Je regarde ma montre, 3h30 passée, si je tiens l’allure, je passe sous les 4h30, c’est juste un chrono que jamais je n’aurais pensé faire. Pour me donner une idée j’avais regardé les temps des années passées : Anne Valéro avait remporté l’édition 2012 en 4h24 et Agnés Hervé en 5h. Du coup je suis sur-motivée malgré le fait que je sois vidée et pressée d’arriver. Je suis décidée à ne rien lâcher d’autant que je ne sais toujours pas si derrière, elles ne sont pas en train de remonter… Cerveau posé, on enchaîne foulée après foulée, minute après minute, mètre après mètre… en pensant à l’arrivée.
Toujours pas de Tour Eiffel en vu, mais j’y crois. Si si j’y crois ! Les écarts sont larges entre les coureurs mais j’ai eu la chance de toujours avoir quelqu’un autour de moi. Devant ou derrière mais quasiment jamais seule ! D’ailleurs le gars devant semble souffrir encore plus que moi, il lance un cri de douleur presque à chaque pas. Je regarde ma montre: 4h ! Et quelques instant après, un gentil bénévole nous prévient, « 4km et c’est l’arrivée ! » Ok, ok, merci, on poursuit ! Je commence vraiment à y croire, à la victoire … Je pense aux parents et aux enfants de Manu qui m’attendent à l’arrivée, à mon frère aussi qui m’a promis d’être là, ça m’aide à continuer. Cette fois je la vois, la grande Tour Eiffel, elle est là ! On s’en rapproche doucement mais sûrement !
A ce moment là je ne réalise pas trop que la victoire est pour moi. Je me focalise sur ces quelques mètres avant d’arriver, cette grande ligne droite vers l’arche bleu Mizuno… La voix de Manu résonne au loin pour m’encourager et ce n’est qu’en apercevant ses yeux rouges et mouillés et ceux de son papa que j’ai réalisé, que cette fois, c’était bien gagné ! 4h24 à ma montre, 4h25 au chrono officiel, 1ère femme et 38ème au classement général, je suis comblée et heureuse, c’est mieux que ce que j’avais espéré ! Voilà, je sais maintenant ce qu’est l‘Ecotrail de Paris….Une organisation carrée et bien ficelée dans une ville pas toujours facile à maîtriser, un parcours recherché pour créer de la variété … Mon plus cadeau restera l’émotion de mes proches à l’arrivée, ce sentiment de les avoir fait vibrer en donnant le meilleur de moi même. C’est tout cela aussi qui nous donne envie de nous surpasser … !
Sylvaine CUSSOT
(photos : Rémi Blomme)
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