Vous ne connaissez peut être pas Vénuste Niyongabo. Si vous suiviez l’athlétisme des années 90, vous l’avez sûrement vu courir à l’époque des Michael Johnson, Haile Gebreselassie, ou encore Noureddine Morceli.
Petit détour dans la biographie de ce coureur à l’histoire particulière, médaillé d’or sur 5000m aux JO de 1996 à Atlanta.
Venuste Niyongabo est un athlète né au Burundi le 9 décembre 1973. On pourrait presque dire qu’il a été champion olympique par défaut, ce qui est un peu paradoxal compte tenu de son pays d’origine situé prêt du Kenya (peuplé de nombreux coureurs au destin médaillé). Mais le jeune Vénuste n’aime pas courir! Fils d’un vétérinaire et d’une institutrice, il est plus attiré par les jeux de ballons avec les copains. Mais à l’âge de 16 ans, il tombe malade. » Des rhumatismes m’ont paralysé. Mes articulations ont gonflé. Je suis resté deux mois à l’hôpital. Quand je suis sorti, les médecins m’ont conseillé de faire du sport. J’ai commencé à courir pour guérir « .
Un traitement qui s’avère plus que bénéfique, puisqu’il enchaîne les victoires sur les courses locales, régionales, pour être finalement sélectionné dans l’équipe nationale scolaire. Le succès lui donne envie de pousser plus loin la chose et de s’entraîner. Il se fait repérer en 1992 aux championnats du monde junior, où il obtient une médaille d’argent sur le 1500m ! C’est un manager italien qui s’intéresse à lui. Enrico Dionisi est à la tête d’une multinationale d’une vingtaine de coureurs qui, depuis 1984, lui a rapporté des médailles à chaque olympiade. Il a eu du flair, même s’il confie être passé en 1989 à côté d’un certain Michael Johnson futur double médaillé d’or à Atlanta qu’il avait trouvé trop lent sur une piste de Budapest… L’Italien est toujours attentif aux performances venues d’Afrique: « Là-bas, les jeunes doivent faire des kilomètres à pied pour aller à l’école. Et, à la différence des Européens, ils n’hésitent pas entre la pratique de plusieurs sports puisqu’ils n’ont pas d’autre choix que de courir pour rejoindre au plus vite leur maison. »
Sauf que pour Venuste, c’était un peu différent vu son enfance et ce qui l’a amené à courir. Il suit donc Enrico en 1993, qui est prêt à l’accueillir en Italie. Quelques mois après, une guerre ethnique éclate au Burundi entre les Hutus et les Tutsies. Il dénoncera plus tard le fait que des bêtises furent écrites dans les journaux à son sujet, le qualifiant d’exilé. » Je ne suis pas un réfugié, ce n’était pas encore la guerre à l’époque. Les athlètes burundais quittent leur pays pour leurs performances, pas pour autre chose. » Arrivé en Italie, il avait tout à apprendre de la vie côté pratique. Il doit apprendre la langue, à se faire à manger… Mais il fait des efforts et s’entraîne dur. Il est en demi-finale du 1500m des mondiaux en 1993. En 1994, il est un des rivaux du grand Morcelli et remporte plusieurs courses. En 1995 aux mondiaux de Göteborg, il obtient la médaille de bronze derrière Morceli et El Guerrouj.
Il est facilement reconnaissable avec sa grande carrure élancée, une foulée souple, longue, et un crâne semble-t-il légèrement allongé. Il est « facile », élégant, il semble de pas forcer…Mais ses performances ne trompent pas : 2’15″63 au 1000m, 3’29″18 au 1500m… tout simplement impressionnant! En 1996 à Atlanta, on attend le choc entre lui et l’algérien. Mais son manager va jouer ça autrement. Il pense que Hissou et Gebreselassie, les deux favoris du 5000m pourraient déclarer forfait après un 10 000m épuisant sur une piste « trop dure » de la capitale de Géorgie. Il décide donc de le préparer en conséquence. Il prend le départ sans la pression du favori et obtiendra la première médaille d’or olympique de son pays en 13’07″96! Son record sur 5000m fut porté à 13’03″29, sur 3000m il fut de 7’34″03… Des performances de très haut niveau bien que celui du 1500m soit sa spécialité. Il ira jusqu’aux JO de Sydney en 2000 et s’alignera une nouvelle fois sur 5000m, mais il sera éliminé en demi-finale.
Il vit désormais en Italie, à Sienne. Il s’investit dans de nombreux projets pour soutenir le processus de réconciliation et de stabilisation en œuvre au Burundi. « Je suis convaincu que le sport peut se mettre durablement au service de la paix sans distinction des différences ethniques, religieuses ou sociales. Cette idée m’est venue après ma victoire d’Atlanta. Le Burundi était en pleine guerre civile, il y a eu le coup d’Etat, mais avec ma médaille tous les Burundais résidant au Burundi ou à l’étranger étaient unis pour la célébration de ma victoire. Après les jeux olympiques d’Atlanta je suis rentré au pays j’ai reçu les compliments sens distinction des ethnies « .
Vénuste Niyongabo est aujourd’hui membre du club des Champions de la Paix, un collectif de 54 athlètes de haut niveau créé par Peace and Sport, organisation internationale basée à Monaco et œuvrant pour la construction d’une paix durable grâce au sport.
Mathieu BERTOS
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