L’histoire d’Alain Mimoun dépasse le cadre du sport. Aussi, il ne s’agit pas ici de retracer de façon chronologique les évènements de la vie de ce grand champion, mais de lui rendre un hommage encore une fois en 2013, lui qui vient de fêter ses 92 ans le 1er janvier!
Trop souvent, on pleure les champions disparus sans qu’ils aient pu avoir ces honneurs qu’ils méritent. Avec Alain, ça ne devait pas arriver… Heureusement à 92 ans, il est toujours avec nous! Sa dernière apparition publique datait du mois de décembre pour la soirée des champions du journal L’EQUIPE, où il reçut le trophée de Champion des Champions de légende. Il faut féliciter le journal d’avoir honoré ce grand champion et de l’inviter auprès de la nouvelle génération des Riner, Muffat, ou encore d’un Kilian Jornet qui est l’un des champions actuels les plus populaires.
Même si on ne devait parler que du palmarès de ce grand personnage, cela prendrait un certain temps. Nous allons tout de même en faire un magnifique survol:
– 8 fois champion de France du 5000m entre 1947 et 1956.
– 9 fois champion de France du 10 000m entre 1947 et 1956.
– 6 fois champion de France du marathon entre 1958 et 1966 (record).
– 6 fois champion de France de cross entre 1950 et 1959.
Il est aussi 4 fois vainqueur du cross des Nations, considéré à l’époque comme les championnats du monde de la discipline. Mais ce magnifique palmarès est embelli de 4 médailles olympiques qui le fit entrer dans la légende de son sport, notamment grâce aux batailles homériques qui l’opposa, non pas à un adversaire, mais à un véritable ami, le Tchèque Emil Zatopek. Sa première récompense olympique vint à Londres en 1948. Auparavant, il avait servi pour l’armée française durant la 2nde Guerre Mondiale en Tunisie et en Italie, où il évita de justesse l’amputation à cause d’un éclat d’obus. C’est dans l’armée qu’il se fit repérer, et alors qu’il était quasiment inconnu, il arriva 2nd du 10 000 aux JO de Londres derrière un certain Emil Zatopek.
Par la suite, ce fut une bataille d’environ 10 années qui opposa, non pas deux adversaires, mais deux amis. Le beauté du sport voulu que ces deux-là s’appréciaient autant qu’ils se combattaient avec respect. En 1952 à Helsinki, Alain Mimoun se présentait à la fois sur le 5000m et le 10 000m. Sur le 10 000, il est le seul à ne pas décrocher du train infernal de Zatopek, sauf à 2km de la fin. Il remportait sa 2è médaille olympique. 3 jours après, c’est le 5000m. « Le plus grand 5000m de l’histoire » selon lui. Ce qui beau, c’est de voir le champion raconter avec autant de fougue, de passion, de mémoire: » Une bataille fantastique, à coups de boutoir… y’avait des cracks hein! Et aux 300m… Mon copain était lâché! Je me retourne pour voir… devant il y avait l’allemand, il y avait l’anglais…. Il faut le dire, le dernier 400m a été couru en 55s, alors vous voyez la vitesse historique! C’était une piste en terre hein… Et puis au 200m… c’était un don de Dieu, on sent la force qui reste à l’adversaire quand il est devant, mais pas celui qui est derrière, mais je sentais bien que je les avais sur la ligne droite. Alors, l’allemand me gêne pour passer, alors j’ai dit vous allez voir au dernier 100m… Et Emile a senti, comme il était derrière il a senti comment j’allais partir. En plus, Chattaway tombe à mes pieds, c’était les 2 dixièmes de secondes que j’ai perdu, le destin a voulu que je finisse 2è derrière mon copain, et je préfère être champion olympique du marathon que du 5000m. »
4 ans plus tard en 1956 à Melbourne, Alain Mimoun se présente sur marathon, son premier. Personne ne savait qu’il le ferait, même pas sa femme! Lui qui est superstitieux, il raconte qu’il avait vu 3 signes: la naissance de sa fille la veille, la météo (36°C à l’ombre alors qu’il avait plu toute la semaine), et le numéro 13 sur son dossard. La suite du récit est savoureux: son ami Emil était lâché. Il avait prévenu Alain de se méfier des russes alors que c’est lui qu’il les entraînait. Un jeune américain qui admirait Alain lui avait donné une grande tape dans l’épaule. Il avouait que ça avait été le déclencheur sans quoi il ne serait pas parti. Puis le long raid solitaire commença avec une chaleur écrasante. Quand il jeta le mouchoir qu’il s’était mis sur la tête, il se libéra d’un poids. Il avait remarqué qu’une jolie femme blonde l’avait ramassé… Clin d’oeil d’une mémoire marquée par l’évènement de sa vie, les clameurs à son entrée dans le stade ne lui faisait plus toucher terre. Ensuite, il avait attendu son ami Emil, qu’il le félicita.
Sur le podium, c’est la grande émotion: il pensait bien sûr à sa femme, à sa fille qui venait de naître, sa mère aussi, mais surtout à la France, qui lui avait donné une patrie pour laquelle il avait servit, et pour laquelle il avait ramené 4 médailles olympiques, sa plus grande fierté… Lui qui vécut longtemps dans une chambre de bonne, avec peu de moyens pour exprimer son talent mais avec la foi en Dieu, l’amour pour sa nation.
Aujourd’hui, Alain Mimoun court toujours. Bien sûr, l’allure est réduite pour cet homme de 92 ans, mais l’essentiel n’est pas là bien sûr. Il bouge, il vit toujours sa passion, comme un principe vital qui l’a éduqué. Il est grand officier de la légion d’honneur, bon nombre de rues et de stades portent son nom. On savoure chacune de ses apparitions, et jusqu’à qu’il parte, un tel champion mérite la reconnaissance.
Longue vie à Alain Mimoun!
Mathieu BERTOS
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