Sur des petits comme des gros évènements, ce sont les coureurs que l’on met en avant. Et c’est bien normal, c’est justement pour eux qu’ils ont lieu. Mais il ne faut pas oublier que rien n’existerait sans la présence d’organisateurs.
Toutes les personnes qui travaillent avec acharnement, en amont, pendant et même en aval de ces évènements. Certains dont on ne parlera pas, ils restent dans l’ombre mais on ne les oublie pas, d’autres le jour J, qui sont là et sans leur présence, la journée ne serait pas. Ils arrivent tôt, ils repartent tard, et ils vivent le truc à 100%, passionnément bien évidemment.
Parmi ceux là, ceux sans qui l’évènement serait vécu différemment, ceux qui rajoutent une émotion collective à celle déjà ressentie individuellement, ceux qui sont finalement à la fois source d’informations, de motivation, d’engouement, de convivialité…ceux dont on ne connaît parfois d’ailleurs que la voix, dans leur micro ils donnent du son aux images que l’on voit : les « speakers ».
Personnellement, que j’aille sur une course en tant que coureuse ou en tant que spectatrice/ accompagnatrice, ce sont des personnes que j’ai toujours admirées. Parler toute la matinée sans s’arrêter, informer sans se tromper, sourire et être de bonne humeur même quand on s’est levé du mauvais pied. Alors j’ai eu envie de questionner l’une de ces personnalités. Et c’est à Harry Bignon que je me suis intéressée. Dans le monde de la course à pied, tout le monde ou presque le connaît, une vraie célébrité ! Un speaker de grande qualité.
Contrairement à ce que je pensais, ce n’est même pas son métier : « ça reste une activité parallèle, exercée de façon professionnelle depuis 2006 d’abord au sein d’une société regroupant 10 speakers, puis depuis 2012 en tant qu’auto-entrepreneur. Mais mon premier métier je l’exerce à temps plein (5jours/7) en tant que chef de projet dans le domaine bancaire. » Pas facile en effet d’envisager en faire son métier à temps complet. Ça reste pour lui un « loisir ». Une passion certes mais qui prend quand même beaucoup de temps, et qui finalement, est presque devenu un second métier. Pour Harry, tout s’est fait plutôt naturellement : « Je ne pensais pas en arriver là, au départ je suis un athlète avant tout (ndlr Champion Ile de France de course sur route avec un record en 34’17 en Junior) Mais en 1999 des problèmes de santé me font passer de l’autre côté de la barrière en tant que speaker. Et comme de la pratique sportive, je me suis amélioré dans mon style d’animation et je suis intervenu sur de plus en plus d’évènements. »
Un bon speaker, c’est un speaker demandé. Il est sérieux, il fait rigoler, il sait animer de manière à apporter professionnalisme et convivialité. Selon Harry, un speaker qui donne le meilleur de soi même n’a pas besoin de faire de pub : « Être correcte, respectueux, avoir de l’originalité, te démarquer pour te faire remarquer, et offrir le meilleur rapport qualité prix possible, confie t-il. Et les clés du succès, Harry semble les avoir trouvées, mais ne compte pas s’en séparer : « J’ai la chance d’être contacté par de très belles organisations, et je saisis l’opportunité qui m’est offerte. Car pour moi c’est une chance ! Beaucoup de speakers aimeraient animer les épreuves que j’ai le plaisir d’animer. Alors je profite, je prends ceux qui viennent à moi (ils étaient tout de même 35 à venir à moi en 2012 sur 52 weekend end…).
concrètement, une matinée d’animation, ça se passe comment ? Parce que nous coureurs, on n’y pense pas, parfois le gars au micro, on ne l’entend même pas…(parce qu’on n’écoute pas). Mais dans les coulisses j’imagine que ça doit être presque aussi stressant que sur le départ finalement. Et bien en fait, ça dépend ! Harry explique : « c’est 100% plaisir, No stress ! Les évènements stressants sont les présentations télévisées en direct, ou conférences de presse, ou autres présentations dans ce style, car là on ressent la pression. Mais pour le reste les courses en elles-mêmes, pas de stress, juste un immense plaisir de vivre ce que je vis en étant aux 1ères loges. » Quelque chose de passionnant donc, mais parfois très fatigant, parce que les conditions ne sont pas toujours les plus idéales : « animer c’est comme un loisir pour moi ça me détend, je m’y amuse beaucoup. Mais c’est un effort physique aussi pour nous, car nous restons debout de nombreuses heures dans des conditions climatiques pas toujours évidentes, donc mine de rien c’est un effort aussi ».
4 questions, un peu plus personnelles, posées à Harry :
-Ton plus beau souvenir dans ce métier ?
« L’un de mes plus beaux souvenirs : l’arrivée d’un athlète au 1er étage de la tour Eiffel. Il est allé au bout de l’effort dans le but ultime de faire sa demande en mariage à sa future femme venue l’attendre. Et m’a demander de jouer le jeu et de l’interviewer (Ma demande en mariage moi aussi je l’avais fait à la tour Eiffel)… Mais des moments fort en émotions j’en ai eu pleins d’autres, et quand tu as la gorge serré par l’émotion, pour un speaker ce n’est pas cool … »
-Ton plus mauvais souvenir ?
« Lors d’une animation commerciale de noël (le 24 Décembre), mon rôle en tant qu’animateur était de faire gagner des bouteilles de champagne et de souhaiter« joyeux noël » à tous. Mais le matin avant de débuter l’animation j’avais fait évacuer mon père à l’hôpital pour un infarctus et je n’étais pas sûr des résultats de l’intervention… Alors à chaque pause je me cachais et je pleurais. Dans notre métier c’est ça qui est dur, le « show must go on »…Tu dois masquer au maximum tes émotions. Si toi tu n’es pas dans un bon jour, tu ne dois pas le laisser paraitre. »
-Il ne t’arrive jamais de chercher quoi dire ?
« Je ne manque jamais d’idée pour savoir quoi dire, vous m’inspirez. Et puis je joue avec des pauses musicales. L’un de mes « pères » en animation m’a dit « il faut dire l’essentiel, ne pas en dire trop, car après les personnes ne t’écoutent plus » donc je fais de petites interventions avec des pauses musicales, ça donne du rythme à l’animation. »
-Et le jour où tu perds la voix ? (parce que j’ai souvenir que ça t’ai déjà arrivé ! )
« Ah, la peur la plus grande du speaker, perdre sa voix ! Une année, sur l’OXYGEN CHALLENGE (4 jours d’animation de suite), avec une angine en début de semaine, je vais voir le docteur : « Oula avec l’angine que vous avez, vous voulez un arrêt maladie ? » Ma réponse sans hésiter: « Euh non, là je crois que vous n’avez pas bien compris, vous me donnez ce que vous voulez, mais vous me permettez de tenir au maximum). Ma voix sur cet évènement n’était pas la même que d’habitude et ça a fait rire beaucoup d’athlètes qui me connaissaient bien.
Et la magie de vivre les courses comme Harry « aux premières loges », c’est aussi de pouvoir vivre des instants d’émotions en temps réel, d’être les premiers témoins de belles images de sport, de partager les joies et les peines des coureurs ou même des spectateurs. Aucune hésitation pour Harry : « Je suis là pour partager la passion de mon sport. J’ai été athlète aussi, j’ai connu les périodes de doutes, les périodes de galères… je sais ce que coûtent de tels efforts, alors je comprends leurs émotions et je suis si content de les voir là être allés au bout d’eux mêmes et d’avoir gagné leur pari d’être « finisher » d’une épreuve. » Et pour dernière anecdote, il raconte : « Je me souviens à l’arrivée du 50km de l’Eco Trail de Paris, Agnès HERVE et Anne VALERO, deux très bonnes coureuses et amies qui avaient connu une longue année de galère, ont pleuré dans mes bras. Elles me mettent tellement les boules que je leur dis en plaisantant « ce n’est pas bien les filles, il ne faut pas me faire ça… ».
Sylvaine CUSSOT avec les témoignages d’Harry Bignon
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