U-run était présent au trail des Templiers le week-end du 27 au 28 octobre.
C’est là que nous avons croisé Virginie Govignon (Team Lafuma) qui a bien voulu nous accorder cette interview, malheureusement munie de ses béquilles à cause d’une vilaine entorse…
Une interview sans langue de bois, nature… comme Virginie!
Bonjour Virginie ! Merci de nous accorder un peu de ton temps pour cette interview ! Peux-tu te présenter en quelques mots pour ceux qui vont te lire pour la première fois ?
Je m’appelle donc Virginie Govignon, je vais avoir 34 ans. Je vis en Andorre depuis septembre où je suis professeur agrégée de Sciences de la Vie et de la Terre au lycée Comte de Foix. J’ai grandi à la campagne en Bourgogne. Après Lyon et Sedan, j’ai vécu 9 ans à Brest. J’ai intégré le team trail Lafuma à l’automne 2009 en même temps que j’ai attrapé le virus pour la région des Grands Causses. Femme active et curieuse, un peu trop perfectionniste, j’aime voyager, j’ai le gout de l’effort physique et j’adore faire de nouvelles rencontres, de nouvelles expériences. Le trail qui était d’abord un challenge, est devenu une école de vie. Il a été l’occasion de rencontres fort enrichissantes.
Comment es-tu venue à la course à pied et au trail ?
Totalement par hasard… A moins qu’il s’agisse d’un trait de caractère. Lors que j’étais enfant ma mère n’avait de cesse de répéter : “ Mais tu ne sais donc pas marcher!” Ayant grandi à la campagne, la course à pied était un moyen facile et pas cher de me déplacer plus vite d’un point A vers un point B. Plus sérieusement, c’est lors de mon arrivée au Centre d’Instruction Naval de Brest et lors de ma participation au cross Commandant de la base en 2004, une activité de cohésion, que l’on m’a fait remarquer que j’étais bonne en course à pied. Un jour on m’a offert un dossard pour un trail et mon choix fut immédiat. Aujourd’hui je n’ai jamais couru de marathon et je n’ai couru que 3 semi…
Tu as intégré le Team Lafuma en octobre 2009 : comment t’es tu faite repérer ?
En courant la grande course des Templiers dans les bottes de Karine Herry, traileuse reconnue, elle-même membre du team. C’est elle et son mari Bruno, alors manager du team, qui m’ont contacté !
Nous parlions récemment des « Teams » sur U-run, comment décrirais-tu ta vie dans le Team Lafuma ? As-tu des obligations… ? Te sens-tu privilégiée ?
Une année au sein du team présente plusieurs temps forts. Toutes les marques ne fonctionnent pas de la même façon et au sein du team nous n’avons pas les mêmes sollicitations. J’espère que vous ne généraliserez pas trop vite… Nous échangeons beaucoup par e-mail. Il est très difficile de nous retrouver en même temps, dans un même lieu, même si nous aimerions que cela arrive plus souvent. Une newsletter interne “La semaine du trail” rédigée par Antoine Guillon, nous parvient donc chaque semaine en plus des e-mails liés à l’orchestration des évènements clés de l’année (compétitions, mise en place des nouvelles collections, salons….). Par exemple cette fin d’année est ponctuée par les e-mails relatifs aux animations autour de la SaintéLyon. Venant d’arriver en Andorre, j’ai demandé à en être dispensée mais je reste informée de ce que font les copains !
Concernant la planification des compétitions, nous avons quelques obligations. Parmi celle-ci il faut essayer de courir ou d’être présent sur les épreuves “phares” parrainées par la marque : notamment en 2012 la Snow Race de Montgenèvre, le trail Drôme Lafuma, l’Ice Trail Tarentaise, l’évènement UTMB, le Grand raid et cette année la SaintéLyon… Nous sommes invités à 1 ou 2 activités “trail ou raid” de cohésion du siège social à Anneyron (Sud de Lyon). Enfin, pour l’image de marque, il nous faut aussi être visible. Nous savons que participer à des courses bien médiatisées ou aux grands challenges français dont le TTN est plutôt bien vu… En tant que “conseiller technique” nous testons et participons à tout ou partie des étapes de production de prototypes de chaussures, sacs, textiles,… La marque fait appel à nous selon ses besoins et nos principales spécificités et manies de trailers. Pour les campagnes de communication et l’élaboration des catalogues nous participons à 2 shootings photos par an, un pour l’été, l’autre pour l’hiver. Tous les membres du team ne sont pas forcément conviés et pas forcément aux 2.
Enfin chaque année il y a aussi 2 sales meeting de présentation de la nouvelle collection aux commerciaux du monde entier. De la même façon nous pouvons ou pas, être conviés à ces évènements. Notre participation dépend de nos disponibilités, de notre notoriété du moment et de notre relation aux produits… J’étais à Annecy fin mai : c’est une sacré expérience que de faire part et décrire à des commerciaux étrangers nos idées retenues par la marque, pour les innovations de la nouvelle collection. Être membre d’un team devient un vrai job … C’est très enrichissant mais il faut veiller à l’évolution conjointe du contenu des contrats et des sollicitations. Ces mutations ne sont pas sans générer quelques tensions …
Te sens-tu privilégiée ?
Je ne sais pas si le mot “privilège” est le mieux adapté mais oui, être dans un team est important. Il est gage de crédibilité dans le milieu. La visibilité que l’on trouve alors permet de contacter d’autres partenaires qui nous font ainsi davantage confiance. En 3 ans j’ai beaucoup appris : c’est aussi une sacré opportunité de découvrir des métiers très liés à notre pratique sportive et dont elle dépend plus ou moins directement.
Dans un premier temps j’ai pensé que les sponsors m’aideraient à diminuer les coûts liés à la pratique de ma passion. C’était sans compter sur l’explosion de la communication dans le milieu. Je me suis laissée griser. Je me suis pas mal fatiguée et j’ai dépensé beaucoup d’argent à participer à de nombreuses épreuves nationales. Je n’ai pas su donner de limite à ma communication… J’y ai mis du cœur et j’ai ensuite été frustrée par la profonde fatigue qui s’est installée à une période où mes vies professionnelle et privée se compliquaient, quittant la Bretagne pour la Bourgogne et la Bourgogne pour l’Andorre… Cet été j’ai été dépassée. Je ne maitrisais plus rien à tel point que je me suis posée des questions sur ma pratique du trail, de la place qu’elle devait prendre dans ma vie. Et … Je me suis blessée sérieusement ! … Blessure qui ménage un temps de pause bien venu pour approfondir ma réflexion et prendre du recul… Comme je l’ai dit plus haut, au delà des sportifs que l’on décrit dans les journaux, il y a des personnes sensibles et passionnées… J’ai beaucoup appris et donc changé, et pas uniquement parce que les années passent… Cela arrive à des traileurs qui n’appartiennent à aucun team mais ils n’ont pas à respecter les closes du contrat, à assumer les prises de position de magasines…
Je planifie des activités pour 2013. Je serai donc a priori toujours là… Pourquoi? Est-ce une question d’égo? La crainte de perdre une reconnaissance? … Le trail est mon école de la vie enrichie par la chance d’avoir réussi de grandes choses, d’avoir pu être sponsorisée ce qui a boosté mes rencontres et mes expériences au delà du simple accès à un podium…
Tu es en ce moment en repos forcé… parles nous de ta blessure. Comment tu la gères physiquement et mentalement ?
Physiquement je respecte les conseils médicaux. Je sais qu’à la différence d’une fracture osseuse, une entorse mal traitée peut avoir des séquelles. La mienne n’est pas belle alors il faut être sérieux! Je ne veux pas avoir à me poser des questions quand j’aurai envie de dévaler une pente ou faire une “fantaisie”! Mentalement je suis passée par les phases classiques : j’ai tout de suite su que c’était grave, j’ai versé quelques larmes dans la voiture qui me ramenait à la maison après l’entrainement.
J’ai été calme et patiente la 1ère semaine. J’ai apprécié voir ma cheville désenfler la 2e semaine et j’ai vécu une phase de dépression la 3e semaine. Ma visite aux Templiers m’a fait du bien. Maintenant mes visites au centre de kiné sont devenues un rituel tout comme ma demi-heure de muscu suivie des divers soins à ma cheville… Cette pause forcée m’aura permis de me reposer : j’étais épuisée c’est sûr!
Et je pense à 2013… J’habite désormais dans une région montagneuse. J’en rêvais sans penser à l’Andorre que je ne connaissais pas. Cette région des Pyrénées fourmille de passionnés de montagne. Elle organise depuis 4 ans un week-end de trails dont les distances vont de 10 à 170km : l’Andorra Ultra trail Vallnord. Le hasard fait bien les choses : il y a 2 ans, après mon annonce sur Facebook, Valérie se proposait de faire mon assistance sur le Gruissan Phoebus Trail. L’été dernier elle m’invitait sur le Célestrail et depuis la rentrée de septembre j’habite juste en dessous de chez eux : je suis andorrane! Avant de me blesser j’ai eu le temps de trouver quelques repères et de mesurer la richesse de mon nouveau terrain de jeu. Si aujourd’hui mon état d’esprit est un peu tourmenté, une chose est sûre, je ne resterai pas à faire du tricot au coin du feu cet hiver car je suis revenue à mes essentiels : découvrir et vivre des émotions fortes en pleine nature !… Affaire à suivre!
Quel est ton meilleur souvenir de course ? (certainement pas ce dernier!)
De suite je pense à la CCC en 2011 car c’est une victoire insoupçonnée. Ensuite je pense à la Maxi-Race où j’ai eu ma soeur, mon neveu de 2 ans à peine et ma famille au bord du chemin (ça a été la seule fois) et puis ensuite les images se bousculent dans ma tête. Je ne retiens que les bonnes choses et je suis de nature positive alors… Oui je me régale en trail ! Il n’y en a pas de « meilleurs » car ils ont tous leur singularité : bord de mer à la montagne en passant par le causse, de l’intimiste convivial où on retient plus le pot de remise des prix que la course au monstre médiatique dans l’anonymat total mais vibrant à souhait, du citadin au plus sauvage, en France ou à l’étranger… Je préfère toujours les trails que je partage avec mes proches et amis !
Qu’est ce qui te fait courir ?
J’aime cela! C’est un moyen d’accéder à des espaces vierges, naturels, rapidement. J’aime filer entre les buis sur le Causse, sauter sur un rocher et découvrir un immense paysage juste derrière, jouer à celui-qui-ira-le-plus-vite avec un ami, avec un chien et éclater de rire… J’aime sauter par dessus un passage à gué sans me mouiller les pieds… Je ne suis pas une compétitrice dans l’âme. J’ai horreur des séances sur piste même si dès que j’atteins un bon niveau d’entrainement je trouve agréable de filer dans l’air… La compétition est venue dans un second temps comme un moyen de me mesurer aux autres et d’apprendre à optimiser nourriture, entrainement physique, prépa mentale … Je sais aujourd’hui qu’on ne parle pas assez de la fatigue métabolique et des bio-rythmes… Et oui, je suis aussi passionnée du pourquoi et du comment en biologie. Je m’entraine avec sérieux pour mieux atteindre mes objectifs de compétitions et parce que c’est alors plus agréable lorsque l’on part en balade, à la campagne ou à la montagne! C’est également moins risqué puisque le corps est adapté à l’effort !
Le trail est en plein essor, quel regard portes-tu à ce sujet aujourd’hui ?
Je suis attristée qu’il soit devenu une bulle de marketing. Il me semble que les valeurs fondamentales du sport sont reprises et utilisées à l’excès par les marques. Dans les médias il semble que ces valeurs tendent à être déformées. Par une manipulation de l’image, nous glissons dangereusement vers la course à la performance en oubliant les fondamentaux de sécurité en milieu naturel (en montagne notamment) et d’une pratique respectueuse de la santé humaine à long terme.
On cite de plus en plus la professionnalisation du trail. Je trouve normal que des sportifs soient rémunérés lorsqu’ils font des sacrifices pour briller à l’échelle nationale voire internationale. On pourrait aussi mettre le doigt sur toutes ces personnes qui publient, font des photos et tout cela gratuitement, pour des structures qui se font de l’argent… Petit à petit le « bénévole » se sent duper et demande à être reconnu… La « bulle trail » cherche son équilibre ! Performance et professionnalisation vont de paire avec la tentation de dopage. Le problème du dopage, à mon sens, est ailleurs! Le coureur lambda prend bien des antidouleurs à se créer des ulcères de l’estomac rien que pour passer outre son manque d’entrainement ou pour doubler son pote…
Le trail est un moyen de “vibrer”, de quitter le bureau, de redécouvrir la nature, de l’observer, de la connaitre pour mieux la respecter. Il peut rendre plus humble. C’est une autre façon de découvrir des régions. Il faut quitter son écran d’ordinateur et partir respirer l’air, écouter le bruit du ruisseau, observer le rouge-gorge ou le vautour, surprendre le renard ou le chevreuil… Et s’allonger dans l’herbe pour mieux observer le balet des nuages au dessus de nos têtes avant de rentrer manger un bon repas et mieux le savourer!… sans la nature notre assiette serait vide…
Les interviews, c’est un peu toujours la même chose… y’a t-il quelque chose dont tu aimerais nous parler ? Une question qu’on ne t’a jamais posé… ? Un coup de gueule ou un coup de cœur !
Apprenez à vous connaitre et n’oubliez jamais pourquoi vous courrez… Respectez-vous !…
Enfin, pour terminer sur une note moins sérieuse : si tu étais un animal, toi la traileuse, ce serait lequel ? Avec les explications bien sûr !
Un cheval sauvage… les explications sont dans le texte et entre les lignes !…
C’était le mot de la fin. Un grand merci à toi Virginie! On espère te revoir vite sur tes 2 jambes et de pouvoir profiter de la nature!
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