Pour nous, « simples » coureurs, un marathon, c’est déjà énorme ! Alors imaginer rajouter à cet effort, 180km de vélo et 3km800 de nage…ça parait juste surhumain !!
Et pourtant, chaque année, des courses de ce genre sont organisées, des Ironmans ! Le 12 octobre dernier, Christophe Noclain, sponsorisé i-run, vivait quelque chose d’extraordinaire dans sa carrière de triathlète en bouclant l’ironman d’Hawaii en 9h19, se classant ainsi 58ème !!
Après avoir repris ses esprits, il a pris sa plume pour nous raconter…!
6h30 – Kona, HI – samedi 13 octobre 2012
Assis au bord du Pacifique j’assiste au départ des professionnels Hommes & Femmes de cette 34ème édition des Championnats du Monde IRONMAN. C’est beau, c’est fort … l’émotion est bien présente. J’éprouve aussi une grande fierté, de part le travail accompli, d’être, tout d’abord, qualifié mais aussi correctement préparé pour cette course. Le chemin n’a pas été facile, il a fallu faire preuve d’imagination pour caser activité professionnelle et assurer, a minima, mon rôle dans la vie familiale. Mon heure arrive, il me reste encore une petite trentaine de minutes à patienter.
Totale introspection le temps de mesurer la chance d’être là, le temps de savourer ces instants intenses pour lesquels les sacrifices ont été nombreux.
A 7h00 c’est le départ – en première ligne et en plein centre de la large bande de triathlètes.
Nous sommes 2000 et autant dire que ça secoue quelque peu. La natation étant mon point faible, je redoute cette 1ère épreuve, a fortiori plus relevée et plus dense que sur n’importe quel autre IM, et disons que je suis agréablement surpris. Ok ça frotte, on reçoit des petits coups mais j’ai connu bien pire sur des courses régionales d’une centaine de participants. Après 200m et surrégime volontaire la nage est bien posée, la ventilation redevenue normale.
A Hawaii nous avons la particularité de nager dans une eau limpide permettant de voir le superbe récif corallien et les poissons qui vont avec. C’est à la fois davantage rassurant et gage de moindre monotonie. Toutefois j’ai beau apercevoir quelque beaux spécimens marins je m’attache à nager le plus droit possible et surtout à éviter d’être trop proche d’autres concurrents. Le parcours consiste à aller chercher un voilier à 1900m au large et à revenir sur le Pier (port de Kona) où se trouve le parc à vélo. Sur ce 1er aller donc, tout se passe parfaitement bien. Arrivé au voilier, la densité de nageurs est telle que je suis obligé de brasser à quelques reprises afin de me dégager et me réorienter.
Sur le retour, sensation agréable de bien poser ma nage à nouveau, d’être peinard et de ne pas avoir cette sensation que le temps s’écoule lentement. A 200m de la sortie de l’eau par contre c’est la grosse bagarre. Un coup dans la tête par-ci, un coup de pied dans les côtes par-là … c’est dantesque ! Un concurrent vient même me choper le mollet et me tirer sous l’eau : un instant j’ai eu l’envie de me retourner et lui rendre la politesse à base de phalanges bien placées mais la sagesse de l’âge (Rôô … c’te vieux combattant qui cause ;)) me rappelle que la route est encore longue et que je n’aurais rien à gagner dans l’affaire.
Sortie de l’eau en 1h04’40 avec une légère insatisfaction chronométrique. Aux sensations j’espérais un tout petit peu mieux. Ceci dit les conditions houleuses de cette année n’ont pas donné des temps monstrueux. C’est donc assez logique et tout à fait mon niveau d’avoir le 530ème temps général sur cette 1ère partie (88ème dans mon groupe d’âges 35-39ans).
Une transition (T1) plutôt bonne où je n’ai qu’à enlever swimsuit et lunettes et à courir vers mon vélo pour entamer une partie qui me plaît bien davantage.
Dans mes temps il y a du monde. Il faut être vigilant, sur cette 1ère boucle tortueuse d’une petite dizaine de km dans Kona, à ne pas chuter en effectuant des dépassements trop dangereux. Je croise ma famille en haut de Palani Road, juste avant de bifurquer à gauche et se retrouver sur la fameuse QueenK, et peux croiser le regard de mon p’tit garçon pas franchement, il m’a semblé en tous cas, rassuré de voir débouler autant de fou furieux sur leur vélo. Désormais c’est une longue ligne droite sur la highway qui nous attend. Avec vent favorable et puissance développée légèrement supérieure à la puissance moyenne à tenir sur l’ensemble du vélo çà file très vite ( + de 40km/h). Le but étant d’éviter au maximum de devoir composer avec le drafting je suis hyper vigilant sur ce point. D’ailleurs je constate que les arbitres sont nombreux et que les penalty box sont pleines (4′ d’arrêt si vous êtes pris par la patrouille).
Tout au long du parcours vélo (un peu moins sur le retour c’est vrai) je devrais soit appuyer un peu plus fort sur les pédales soit, au contraire, lâcher un peu prise pour ne pas être à moins de 7m d’un autre concurrent. Mentalement c’est très usant, je vous assure, mais physiquement aussi car l’effort ne peut être totalement linéaire. Mais le coach m’avait préparé pour cela et m’avait super bien briefé pour la course. Me laissant guider par les instructions de ce dernier je n’oublie surtout pas de bien m’alimenter et m’hydrater. Il faut aussi énormément s’asperger, et les bouteilles d’eau très fraîches fournies aux ravitos sont salvatrices. Nous ne sommes qu’en milieu de matinée mais le soleil est brûlant.
[nggallery id=198]
Au bout de la QueenK nous effectuons le u-turn à Hawi.
La montée s’est effectuée à moins de 20 à l’heure, pas que ce soit très pentu, mais le vent de face ou 3/4 face est si fort que nous sommes scotchés ! Dans l’autre sens, après avoir mangé un mini sandwich juste après le u-turn, mon 53*11 semble trop juste Les kilomètres défilent à vitesse grand V avec une vitesse entre 60 et 70km/h. Vers le 120ème km un certain Laurent JALABERT me double dans une partie montante. Il reste à distance et dans les parties roulantes je reviens sur lui, le double même, puis il me repasse dès que la route s’élève. Bref une dizaine de kilomètres comme cela puis le Jaja s’en est allé.
Dernière partie vélo avec 40 à 50 km vent défavorable pour terminer. Avec les efforts déjà consentis je m’attends à avoir des moments difficiles. Sans avoir l’impertinence de dire que ce fût facile je n’ai en tous cas pas eu de coup de mou. Et tout logiquement j’ai pu reprendre pas mal de monde dans cette ultime partie et terminer relativement frais avant d’attaquer le marathon. En posant le vélo en 4h59’27 je réalise le 13ème temps vélo dans mon GA et remonte ainsi à la 14ème place. Au général je passe de la 530ème à la 113ème place. Au regard des temps vélo effectués par les pros notamment (4h35) ce fût une année peu rapide. Je n’ai donc que plus de satisfaction à afficher un sub5 !
[nggallery id=199]
Une T2 bien menée, sans précipitation.
Après un long tour pieds nus dans le parc à vélo je chope mon Run Bag. Une bénévole me pose une serviette fraîche sur les épaules (My Godness … c’est trop bon !!!!) par contre je décline le badigeonnage de crème solaire. J’enfile mes manchons de compression, plus par précaution que réelle nécessité, mes chaussettes et mes runnings et me voilà parti, tout en positionnant visière et lunettes, pour ma partie préférée. Et heureusement que j’aime ça courir, car 42km à pied, dans ces conditions climatiques, c’est à la limite du supportable ;)) De suite je sens que c’est bouillant, et là aussi j’ai beau aimer la chaleur je me dis qu’il va falloir abuser des éponges fraîches et de la glace.
Là encore des consignes bien précises et ciblées du coach sur les allures et l’attitude à adopter me permettent d’effectuer ce marathon dans des conditions optimales. Un 1er aller sur Alii Dr, le long du pacifique, où les jambes répondent superbement bien. C’est bon signe de devoir se freiner ! A ce moment là je ne connais pas ma position mais en effectuant un rapide calcul avec natation + vélo + transitions je suis persuadé d’être dans « le match ». Au bout de 7km je reprends Laurent JALABERT. Et sur le retour sur Alii Dr je peux constater qu’il y a du beau monde derrière moi. Grosse motivation à ne rien lâcher !
Après cette boucle initiale, montée de Palani Rd avant, comme à vélo, de prendre la QueenK. Là nous sommes au paroxysme du ‘chaud-bouillant’, je ne m’arrête cependant pas de courir de peur de ne pas retrouver mon rythme ensuite. Sur la QueenK c’est une interminable ligne droite de 9km qui doit nous amener à EnergyLab. Ma plante des pieds est en surchauffe (déjà) et l’allure commence déjà à flancher (re-déjà !). Ceci dit avec des ravitos tous les miles où je répète le même rituel : éponges / eau glacée sur le visage / 2-3 gorgées de Cola / glace / re-eau et re-éponge je gère pas trop mal mon affaire. EnergyLab, endroit le plus austère du parcours, passe relativement vite même si le fait de louper un ravitaillement Coca aurait pu m’être fatal. Me voilà à nouveau sur la QueenK. Il reste environ 10km et mon allure a sérieusement pris un coup dans l’aile.
Jusqu’alors je ne faisais que reprendre des concurrents, cette fois c’est moi qui suis doublé.
A 4km de l’arrivée une grosse crampe dans l’ischio (droit ou gauche je ne sais plus … désolé je n’avais plus toute ma tête pour me souvenir précisément ;)) m’oblige à m’étirer et à finir sur une foulée rasante au maximum afin d’éviter le pétage complet. Si près du but ce serait dommage … Je peux savourer tout de même les 2 derniers miles où je sais que je viens de réaliser un gros TRUC. Dans l’euphorie ambiante je me laisse aller sur la toute fin et à 200m de la ligne …. « Bing » … à nouveau les ischios qui couinent. Obligé de m’arrêter quelques secondes et détendre tout çà !
La ligne est franchie en 9h19’43s avec un marathon en 3h09’52 (17ème temps dans mon GA et remontée à la 7ème place dans cette catégorie). A ce moment là je ne sais pas que je viens de réaliser le 58ème temps au général mais le bonheur d’en avoir terminé et de fort belle manière me procure une joie assez difficilement définissable
Un top100 à Hawaii dans le monde du triathlon amateur est vraiment quelque chose d’exceptionnel. J’ai pu le réaliser en étant rookie et en prenant cet évènement comme un cadeau que je m’étais fait. La pression, la peur de mal faire je l’avais eu en juillet lors de la qualification à Francfort. De là à dire que c’est là la réussite de cet IM d’Hawaii je n’en suis pas si certain.
C’est aussi et surtout une énorme récompense de l’ensemble du travail effectué depuis novembre 2011 avec mon coach Nicolas HEMET. Pour être performant au bon moment il a fallu faire des choix, et donc renoncer à des courses qui me tenaient à coeur. Aujourd’hui je n’ai aucun regret, et c’est bien l’essentiel …