Alors que dernièrement je cherchais à écrire un article sur un athlète qui a marqué la course à pied, il m’est venu le nom de Daniel Komen, étoile filante du Kenya, qui sur 2 années a placé très haut ses marques en demi-fond.
Pour rappel, il détient encore les records du monde du 3000m, du 2 miles et du 3000m en salle. Des records d’extraterrestre! En se penchant sur la vie de l’athlète, on découvre que comme tant d’autres, il est issu d’une famille pauvre, et que son seul moyen de s’en sortir est d’exprimer sont talent.
Nous, modestes coureurs, nous sommes à des années lumières de tels niveaux de performances. Personnellement, quand je regarde un marathon de niveau international, je me suis déjà dis : » mince, regarde le passage au kilomètre: 2min56… A ce rythme là, t’es tout juste bon pour tenir 2km, et encore, en performance de pointe, après tu t’écroules! Eux, ils tiennent ça pendant 42 bornes… c’est quand même fou! « . Et pourtant, je cours 5 fois par semaine, je fractionne, je fais du gainage, de l’allure spécifique, et j’en passe! Non, arrêtons de comparer, nous n’avons pas la même « faim » pour arriver à nos « fins »…
Mais alors, qu’est-ce qui nous pousse à aller courir? A tenter de progresser, de percer modestement, en allant courir plusieurs fois par semaine, 2 fois par jour, en se faisant mal?
LE PLAISIR me direz-vous! Et là je dis oui, le plaisir! Même avec un objectif, si je n’ai pas de plaisir, jamais je n’irais aussi souvent chausser les baskets. Alors la définition du plaisir, c’est quoi? Parce que soyons honnêtes, « plaisir » rime souvent avec « souffrir ». Oui, mais justement, le plaisir vient du fait de dépasser la souffrance, de l’avoir dompté. Il nous faut des obstacles, des épreuves. Se surpasser pour pouvoir en triompher. Et ensuite, tirer les bénéfices de cette nouvelle expérience.
Car nous sommes toujours en apprentissage, en pleine découverte. La performance qu’on souhaite atteindre n’est pas tout à fait un but, mais plutôt un point de repère. C’est un indice visible, mais le cheminement pour y parvenir marque encore plus l’esprit et le corps. Quand vous discutez après une course, vous ne vous attardez pas sur vos temps de passage. Vous échangez sur des faits de course, des tactiques, un effort final, sur des sensations…
Tiens, sur des SENSATIONS… Le mot est lâché! Les sensations, que je ferais rimer avec émotions. Car peu de temps après, les sensations sont encore présentes dans votre corps, et plus tard, elles sont présentes dans votre mémoire. S’en souvenir créé bien souvent l’émotion. L’émotion de fierté, de joie, d’avoir vécu quelque chose, d’avoir accompli un effort. Si les sensations sont bien propres à chacun de nous, les émotions, elles, se partagent. L’effort solitaire n’empêche pas le partage, car l’être humain par définition existe à travers le contact avec les autres.
Nous runners, nous existons au milieu d’un peloton. L’effort, la concentration, le dépassement, par contre, c’est tout à fait personnel. On doit surtout courir en fonction de soi, de ses capacités. Sauf si les faits de course l’exigent, vous vous devez (si tel est le but souhaité) de courir à votre meilleur niveau possible. Si vous réussissez à garantir ceci, vous pouvez être fier de vous, quel que soit ce niveau!
Mais ensuite, tout le reste se partage. On se raconte la course, les passages difficiles d’un trail, les beaux endroits où l’on est passé… La souffrance que l’on a eu à maintenir un rythme, le courage dont on a fait preuve pour recoller à un groupe qui nous avait lâché, pour terminer une épreuve…
Finalement, c’est comme dans la vie: de l’apprentissage, des expériences, des satisfactions et des déceptions, des épreuves, de l’abnégation, de la souffrance et de la joie, des rencontres, des partages, des endroits… Alors, c’est sans doute pour tout ça qu’on court. Quelques fois c’est très rationnel, puis d’autres fois ça ne l’est pas. On pourrait passer des heures à l’expliquer sans parvenir à trouver le pourquoi du comment. C’est un peu difficile à comprendre pour celui qui n’y a pas goûté. La réponse, qui l’a? Chacun de nous a sa propre réponse. De façon globale, on doit sans doute être fait pour ça. C’est notre moyen à nous de nous exprimer, de toutes les façons possible, quel que soit la matière du sol, le tracé et la distance.
La course à pied, quel beau moyen pour apprendre à vivre!
Mathieu BERTOS