L’aérodynamisme peut être défini comme l’effet d’entrainement ou aspiration produit sur un corps en déplacement par la présence d’un autre corps en déplacement devant lui, par diminution de la masse d’air ou d’eau ; ce qui permet au second de bénéficier d’une moindre résistance des fluides présents dans l’environnement (1).
Parfois dénommée drafting, son nom anglais, il s’agit d’une technique souvent utilisée dans les sports où les vitesses sont élevées, à l’image du cyclisme, afin d’aller plus vite ou d’économiser son énergie pour une même vitesse.
Même si c’est dans une moindre mesure qu’en vélo, l’aérodynamisme peut être profitable pour le coureur à pied.
Dès le début des années 70, une étude (2) avait déjà démontré que le fait de courir 1 m derrière un autre coureur diminuait de 80% la résistance du vent et de 6% la consommation d’oxygène pour un même effort.
Seul hic, ces données avaient été calculées sur la base de vitesses de course égales ou supérieures à 18 km/h. Autrement dit, elles intéressaient les athlètes chevronnés ou les distances plutôt courtes.
Quelques années plus tard, une seconde étude (3) est venue confirmer les conclusions de la première en estimant que profiter de l’aérodynamisme permettait de diminuer le coût énergétique de la course de 7,8% en sprint (36 km/h), de 4% à 21,6 km/h et de 2% à 18 km/h. A cette allure, cela reviendrait à gagner 4 secondes au mile soit 2 secondes et demi au km ; autrement dit 105 sec sur la distance du marathon.
Le graphique (3) ci-dessous montre d’ailleurs la différence de consommation d’oxygène entre un coureur qui court seul à 16 km/h et le même coureur qui court à 16 km/h 1 m derrière un autre coureur :
40 ans plus tard, des scientifiques (4) arrivaient à un résultat similaire en étudiant le cas particulier de Kenenisa Bekele au Marathon de Berlin 2019.
En examinant la course et les différentes conditions de drafting des pacers dont a profité l’éthiopien, les analyses ont indiqué qu’il avait bénéficié d’une réduction de la résistance à l’air de 38,5 à 57,3% menant à une réduction du coût métabolique de 1,91 à 2,84%.
A l’image de l’étude sur la prestation de Bekele, d’autres études ont été menées depuis avec, comme toujours, des athlètes élites comme sujets courant à des vitesses élevées.
Une étude (5) a par exemple demandé à 10 coureurs de moyenne et longue distance de courir un 3000m sans drafting et avec drafting sur les 2000 premiers mètres. Les résultats ont été sans équivoque : le temps de course sans drafting était bien plus élevé (9 min 13 sec ± 22,15 sec) que celui avec drafting (9 min 4 sec ± 18,72 sec).
Qui plus est, si les réponses cardio-respiratoires n’étaient pas significativement différentes entre les deux conditions, les concentrations de lactates étaient moins élevées dans la condition drafting (13,2 ± 5,6 mmol/L) par rapport à la condition sans drafting (16,4 ± 2,3 mmol/L). La perception de l’effort était également plus faible avec le drafting (13,1 ± 1,3 vs 16,1 ± 0,8).
Une recherche (6) a ensuite tenté de modéliser les effets du drafting sur la performance d’athlètes élites de 10000m. Pour cela, ils ont simulé les effets de trois modalités de drafting : pas de drafting, drafting avec 8% d’économie d’énergie (équivalent aux valeurs mesurées lors d’un sprint), et drafting avec 38% d’économie d’énergie (équivalent aux valeurs mesurées en cyclisme).
Selon la simulation, courir avec la plus grande économie d’énergie a permis aux coureurs d’atteindre une vitesse moyenne de 21,6 km/h (± 1 km/h) contre respectivement 20,052 km/h (± 0,648 km/h) en condition de drafting permettant 8% d’économie d’énergie et 19,836 km/h (± 0,468 km/h) sans drafting.
Par Jérôme Sordello / Photo : swiss-image.ch/Photo Andy Mettler
Références
1-L’Encyclopédie visuelle des sports, Québec Amérique, 2000
2-Pugh. The influence of wind resistance in running and walking and the mechanical efficiency of work against horizontal or vertical forces. Journal of Physiology. 1971
3-Davies. Effects of wind assistance and resistance on the forward motion of a runner. Journal of Applied Physiology. 1980
4-Polidori, Legrand, Bogard, Madaci, Beaumont. Numerical investigation of the impact of Kenenisa Bekele’s cooperative drafting strategy on its running power during the 2019 Berlin marathon. J Biomech. 2020
5-Zouhal, Ben Abderrahman, Prioux, Knechtle, Bouguerra, Kebsi, Noakes. Drafting’s improvement of 3000-m running performance in elite athletes: is it a placebo effect? Int J Sports Physiol Perform. 2015
6-Trenchard, Renfree, Peters. A Computer Model of Drafting Effects on Collective Behavior in Elite 10,000-m Runners. Int J Sports Physiol Perform. 2017
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