La chaussure de running est un accessoire chargé d’histoire.
S’il a fallu attendre la fin du 19ème siècle pour voir les prémices de la chaussure de running contemporaine, celle-ci n’a eu de cesse d’évoluer depuis au grès des innovations technologiques, des recherches scientifiques ou bien encore des tendances du marché.
Aujourd’hui, après des années où le minimalisme a été mis en avant, c’est au tour de l’oversize et des chaussures maximalistes d’être à la mode.
L’arrivée de l’oversize
En 2010, alors que le minimalisme est en vogue, la marque d’origine française Hoka présente un modèle de chaussures oversize avec une semelle XXL.
Leurs fondateurs, sportifs aguerris et adeptes des raids aventures, ont voulu réunir, dans une paire de chaussures, une synthèse de certaines évolutions technologiques des différents sports qu’ils pratiquaient dans le but de retrouver une sensation de légèreté et de plénitude qu’ils avaient rencontrée en courant sur de la pouzzolane, une roche volcanique dotée d’une structure alvéolaire.
De là est né le concept de chaussures oversize et la marque Hoka dont les caractéristiques sont les suivantes :
- Une semelle surdimensionnée avec jusqu’à 2,5 fois plus de volume d’EVA au niveau de la semelle intermédiaire. L’objectif est de fournir un amorti inégalable avec une absorption des chocs et un confort exceptionnels.
- Une semelle plus large par rapport aux chaussures classiques afin de compenser la hauteur de semelle et apporter de la stabilité.
- Un profil de semelle incurvé pour un effet bascule (le rockering), un déroulé naturel du pied et une propulsion vers l’avant plus économique.
- Un siège baquet pour un parfait enveloppement du pied et toujours plus de confort.
Que penser de l’oversize ?
Difficile à l’époque d’avoir un avis précis sur le concept oversize compte tenu du peu de recul. Il semblait toutefois que ce type de chaussure, compte tenu de ses caractéristiques d’amorti et de maintien, était parfait pour des personnes qui recherchaient avant tout le confort à des allures lentes et pour des sorties longues.
D’autres personnes mettaient en garde envers ce nouveau concept à l’image du podologue du sport Arnaud Ducret : « n’oublions pas que les fonctions d’amorti et de stabilisation du pied sont essentielles, c’est pourquoi des chaussures trop amortissantes ne sont pas conseillées pour le coureur car elles provoquent une instabilité et diminuent le rôle fonctionnel du pied. »
Les études scientifiques
Depuis, certaines études ont démontré l’effet positif d’une semelle intermédiaire plus amortissante ou plus souple. Une méta-analyse de 63 études a notamment conclu que les chaussures de course dotées d’une semelle intermédiaire plus souple ou plus épaisse pouvaient effectivement avoir un effet amortissant significatif.
Par exemple, une étude a mesuré que les chaussures ultra matelassées réduisaient la force d’impact maximale subie par la jambe de 35% par rapport aux chaussures de course minimalistes.
Il semblerait toutefois que ceux soient principalement les forces et pressions plantaires qui sont significativement diminuées dans la chaussure de course maximaliste par rapport aux chaussures minimalistes.
En effet, paradoxalement, d’autres études ont observé que les chaussures maximalistes pouvaient amplifier les charges appliquées au corps au lieu de les diminuer, notamment au niveau des genoux.
Prenons l’exemple de cette étude qui a demandé à des sujets de courir avec les classiques Brooks Ghost 6 ou bien les maximalistes Hoka Conquest à 10 et 14,5 km/h.
Les chercheurs ont constaté que les chaussures maximalistes hautement amorties modifiaient la mécanique de course et amplifiaient plutôt que d’atténuer la charge d’impact au fur et à mesure que la vitesse s’élevait.
Au contraire, le pic de force verticale semble moindre à plus basse vitesse :
Tableau : Kulmala, Kosonen, Nurminen, Avela. Running in highly cushioned shoes increases leg stiffness and amplifies impact loading. Sci Rep. 2018
Si on s’en tient à cette étude, les chaussures maximalistes semblent donc tout à fait adaptées aux séances à allure lente et aux personnes qui recherchent un confort immédiat ; mais beaucoup moins adaptées aux autres séances.
Bien évidemment, on ne parle pas ici des « supershoes » aux semelles maximalistes dont les matériaux utilisées (pebax) et l’intégration d’une plaque carbone optimisent le retour d’énergie, l’économie de course et visent donc la performance.
Par Jérôme Sordello