Pour cette nouvelle édition du #irunGoreTex, c’est au Maroc, et plus particulièrement dans les montagnes de l’Atlas que les membres de l’équipe sélectionnée sont partis fin septembre. Un périple long de 4 jours, riche de rencontres et de découvertes humaines et culturelles !
Nicolas Sisson, habitué aux sentiers corses, était l’un des guides de cette aventure. Il accepte de répondre à notre interview.
En tant que guide, comment prépare-t-on une aventure comme celle-ci ?
En règle générale, pour préparer ce genre d’aventure comme tu dis, il faut déjà une idée sur un circuit. J’avais déjà planché il y a quelques années, pour des clients corses, sur l’Atlas Marocain, et plus particulièrement sur l’ascension du Djebel Toubkal. Donc j’avais toujours cette idée-là qui trottait…
En cherchant un peu, avec Caroline, on a trouvé une trace d’un Ultra. Mais il nous manquait un peu de piment… On a alors pensé à mixer un peu des deux : Ultra + ascension !
Il a fallu trouver des cartes pour préparer le parcours, chez nous c’est très facile ensuite d’imaginer un parcours et de voir ce qu’il est possible faire. Mais au Maroc, ce n’est pas pareil ! Leurs cartes les plus précises datent des années 60-70 ! Et vu comme le monde a changé depuis, l’Atlas Marocain aussi !
J’ai alors fait appel à l’ami d’un ami guide, qui est guide aussi, Marocain, et spécialisé dans l’organisation de séjours de randos-trek, et ensemble on a cherché ce que l’on pouvait vous proposer avec un cahier des charges bien précis. Des kms, du dénivelé, et des camps intermédiaires !
Sans avoir pu aller sur le lieu en amont, y avait-il des portions du parcours que tu redoutais ou que tu voyais autrement ?
Ce que je redoutais, ou plutôt, ce qui me faisait le plus de soucis, c’était la réaction de nos corps à la haute altitude. Car nous devions courir plusieurs fois au-dessus de 3500m d’altitude, et gravir le toit de l’Afrique du Nord, le Djebel Toubkal à 4167m !
Chez nous il est rare en fait de courir, littéralement, au-dessus de 2500m ou 3000m, le terrain étant très technique. Mais les voies que nous empruntions étaient des sentiers muletiers encore utilisés, donc aux pentes bien régulières, et bien entretenus.
Ensuite le souci omniprésent d’un guide, outre la blessure bien sûr, c’est la différence de niveau des participants. Être sûr que tout le monde suivra, et « groupir » de préférence !
Comment vous êtes-vous répartis les rôles avec les autres guides Marocains ?
Alors, en tout nous étions 3 guides sur le terrain. Mais comme l’a si bien dit Yo pour résumer la situation :
« Il y en a 1 qui guide mais qui n’est pas guide, et il y en a 1 autre qui est guide mais qui ne guide pas !! »
Je traduis donc : Il y avait Hicham qui était guide diplômé, mais qui n’était pas de cette région précise, donc il avait reconnu le parcours, mais ne connaissais pas toutes les variantes possibles, et surtout le plus dur, les bonnes ruelles à emprunter dans les multiples villages que nous traversions. C’était notre serre-file.
Et ensuite il y avait Jamal, qui lui n’était pas guide, mais ultra traileur Marocain réputé, et surtout, jouait à domicile ! Donc il connaissait « tous les chemins de son pays », forcément ! C’est lui qui ouvrait.
En bref nous avions 2 gazelles qui avoinaient comme il faut, et qu’il a surtout fallu ralentir le 1er jour car ils avaient vraiment envie de nous montrer de quoi ils étaient capables…
Moi j’essayais de tenir le rythme déjà ! Et ensuite je faisais un peu le va & vient entre les 1ers et les derniers pendant les courses (car nous étions 10 en tout !). J’ai fait le lien entre leur façon d’encadrer, de gérer un groupe, l’eau, les vivres… Puis j’essayais de repérer un peu les variantes possibles, un sommet en plus par exemple pour arrondir le dénivelé, etc…
La montagne marocaine est-elle différente de la montagne corse ?
Oui, car aménagée et bien entretenue, pour permettre aux villageois ou aux mules de passer d’une vallée à l’autre, car ce sont des voies, encore aujourd’hui, beaucoup empruntées !
La montagne Berbère est une montagne vivante. Chaque journée, nous avons pu y croiser des troupeaux de chèvres, de brebis, des mules, des ânes, des vaches. Partout la montagne y est habitée par des familles de bergers, vivant en quasi-autarcie, cultivant du maïs, du blé en terrasses, captant le moindre filet d’eau, et le guidant grâce à d’astucieux jeux de canaux d’irrigation et ce, jusqu’au-dessus de 2000 2500m d’altitude.
On a pu y voir aussi, car c’était la saison, la cueillette des pommes et des noix.
Une anecdote qui marquera ton aventure en tant que guide ?
Et bien une anecdote, oui tiens, voilà : tous les jours, nous avions une assistance qui empruntait un chemin différent en 4×4 et qui nous préparait un bon petit repas pour le midi (tajine, salades composées, thé à la menthe, en plein milieu de nulle part et frais cuisiné sur place !), mais l’avant dernier jour, nous étions vraiment loin de tout. Donc c’est un muletier, Arhmed, qui nous a devancé, et préparé un bon petit casse-croûte au pied d’une grande cascade glaciale, toujours en plein milieu de nulle part…
Au moment de le quitter, nous devions passer un col ensuite à + de 3600m d’altitude, et je lui demande s’il redescend dans la vallée pour contourner la montagne et nous rejoindre le soir ? Et il me dit non… Je vous suis ! Il nous suit, je demande aux guides berbères ? Je ne comprenais pas ! Je ne voyais pas comment il pouvait passer aussi haut avec sa mule !!! Et en fait oui. Le sentier était magnifique, en lacets. A un moment donné, on remontait un couloir d’éboulis, et il y avait 94 zig-zags, là devant nous !
Allez tiens, une 2ème ! Nous étions arrivés au sommet du Toubkal, et après notre photo traditionnelle de groupe avec notre drapeau, nous grignotions un peu avant de redescendre, et ce ne sont pas des choucas ou des chocards qui sont venus ramasser les miettes de nos barres de céréales ou fruits secs… mais 3 chèvres !!! Tranquilles, elles étaient, à 4167m d’altitude !!!
Merci Nico !
Laisser un commentaire