Le sujet des kenyans dans le trail s’est révélé au grand jour après la course de Sierre-Zinal, mythique course en montagne, où les kenyans l’ont emporté chez les hommes et chez les femmes, avec de gros chronos.
Bien sûr, quelques immersions des kenyans et plus largement des africains de l’est avaient déjà eu lieu dans le trail, mais la médiatisation a soulevé le sujet au coeur de la communauté des traileurs.
Si les kenyans investissaient le trail, seraient-ils dominants ?
Course en montagne, trail, ultra, à distinguer
La course en montagne, c’est un format souvent compris entre 10 et 15 km, et entre 500 et 1200 de déniv. Cela varie bien sûr, mais la fourchette est à peu près régulière là dessus, même s’il existe les formats longs, qui, disons-le, sont concrètement du trail.
Les formats sont donc courts, explosifs, entre 45 et 1h15, et font appel à des qualités de vitesse, de cardio et de l’engagement notamment en descente.
Les africains de l’Est, avec leur vécu sur les cross, leur vitesse sur la piste et les chronos sur la route, sont carrément taillés pour ce type d’épreuves. L’engagement musculaire et la technicité ne sont pas prédominants.
Le trail est déjà potentiellement plus technique (pas obligatoirement), le skyrunning notamment. Jusqu’au format marathon, les grosses « cylindrées » ont un atout important, en y associant la résistance.
2 à 5h d’effort peuvent encore se faire sans trop de matériel pour les kenyans et consors. Leur kilométrage considérable sur terrain naturel les aide à tenir sur un effort plus long. Ne pas oublier qu’ils vivent en altitude.
Concernant l’ultra, une demie-journée à 24h d’effort sont souvent nécessaires. Il faut appréhender l’environnement montagnard, la gestion de l’alimentation, celle du matériel…
La question de l’argent…
Le nerfs de la guerre reste l’argent, pour ces coureurs issus de familles pauvres. Si l’effort de la course en montagne leur correspond, le circuit ne draine pas une grande quantité d’argent.
On en retrouve plus sur les Ultras les plus connus, mais l’effort, la technicité, la matériel, la gestion, pour un résultat incertain donnent trop de variables. Le compromis est donc des courses types trail court, skyrunning. Typiquement, les épreuves du Golden Trail Series sont une bonne cible.
La réussite des kenyans à Sierre Zinal ? (4 dans les 10 premiers chez les hommes comme chez les femmes, dont les vainqueurs). La distance et le dénivelé : 31 km, 2200m de montée, 1100 de descente, et un terrain peu technique (suffisamment pour que les kenyans ne soient pas mis en difficulté plus que ça, même si on a vu que c’était compliqué sur ce plan).
Un vainqueur qui établit un bon chrono peut gagner environ 2000 €. A titre de comparaison, le vainqueur du marathon de Paris gagne 30 000 $… Le 8è touche 2000 $. Culturellement déjà tournés vers la piste et la route, la venue des africains de l’Est sera limitée…
Les kenyans forcément meilleurs…?
Mais alors, les kenyans seraient-ils forcément meilleurs ? Typiquement sur un Sierre-Zinal, c’est la course parfaite pour eux. Et encore, les écarts sont très faibles, et un Jornet record (sans ultra dans les jambes 2 ou 3 semaines avant) l’aurait emporté (5è, battu sur la ligne par le 4è Petro Mamu).
Ils ont développé une VMA supérieure, et souvent une Vo2Max très haute, mais adaptée à l’effort sur le plat. Bien sûr qu’ils courent en altitude et sur terrain vallonné, cependant ils ne courent pas dans des singles de montagne et dans des arêtes techniques, mais plutôt sur de larges pistes en terre.
La fibre musculaire de la montagne s’acquiert après pas mal d’entraînements, et la proprioception adaptée au milieu aussi. La gestion de l’effort au dessus de 3 ou 4h est très différente, celle de l’alimentation sur le long aussi, et ils ne connaissent pas le matériel tel que les bâtons, les sacs hydratation, les frontales, etc…
Les européens de part leur culture et leur milieu d’évolution, tout comme les américains, sont (sans doute) supérieurs à partir d’une longue durée, et sur des terrains complexes.
S’il n’y a pas plus d’argent, il y a assez peu de chances de voir des africains présents en quantité sur le trail, en doutant qu’ils soient dominateurs sur le long.
Par Mathieu BERTOS / Facebook Sierre-Zinal
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