A la lecture de certaines informations présentes sur les réseaux qui vouent un culte à la performance, une m’a fait réagir : « à 11 ans – August Halle Haugen (Norvège) a couru le 10 kilomètres Rekordløpet en 34’44 ! Vaporfly aux pieds, 3:28/km de moyenne, passage en 17’26 au 5 KM et nouveau record de Norvège -12 ans »
Prenons le temps, et voyons plus loin qu’un « Wouah, chapeau jeune homme » et qu’un « montrez moi des études scientifiques qui prouvent qu’un gamin qui court trop à l’adolescence sera physiquement abimé ensuite ».
A lecture de cette orientation, vous sentez déjà la méfiance. Oui, voilà pourquoi il faut être raisonnable !
La performance, en soi
34’44, même pour un sénior bien constitué, c’est une très bonne performance. 35’00, c’est même le seuil de qualification pour les championnats de France de 10 km en Master 0 (35-40 ans).
Ce n’est donc pas rien. 3’30 au km, c’est 17 km/h, soit 100 x 100 m enchaînés sans récupération en un peu plus de 21s.
En France, on n’autorise le 10 km qu’à partir de la catégorie cadet
Le 10 km n’est autorisé qu’à partir de la catégorie cadet. Bien sûr, on est en capacité de courir 10 km en minimes déjà. Certains d’entre eux d’ailleurs, préférant les efforts plus longs, trépignent à l’idée de passer à la catégorie au dessus pour pouvoir en courir.
D’ailleurs, les efforts en endurance sont bien tolérés par ces jeunes de 15 ans, à partir du moment où ils ne sont pas excessifs en quantité (on ne peut pas faire le volume d’un adulte) et en qualité (l’appareil cardio et ostéo articulaire est particulièrement sollicité à haute intensité).
Dans le cas de l’exemple, à 11 ans, en France nous sommes dans la catégorie poussin. Celui-ci court des 10 km à 11 ans, et à haute intensité, là où on permet des courses de 2-3 km en France. Parler de « record national » est encore plus ahurissant…
Que se cache-t-il derrière la performance ?
Il ne faut pas sur-protéger les enfants avec le sport. Les efforts en endurance et les capacités se développent pendant l’adolescence. Courir 10 km pour un enfant de 11 ans est tout à fait possible.
D’une part, pas régulièrement, mais occasionnellement, car sa physiologie, ses organes et son appareil locomoteur ont besoin d’un temps de récupération plus long. D’autre part, un effort maximal continu de plusieurs dizaines de minutes est très violent, et mobilise encore plus ses fonctions.
Courir 40 min à 11 ans serait déjà très fort. Et preuve d’une certaine maturité physique pour son âge. D’autant qu’on ne grandit pas au même rythme. On est d’accord. 34’44, imaginez un peu…
Pour un adulte bien constitué, courir moins de 35 min au 10 km nécessite en général un entraînement régulier de 4 à 5 fois par semaine, avec deux séances de fractionnés (un court, un long) et une sortie plus longue de 10 à 15 km.
Ce rythme peut être adopté pour un cadet (16 ans) qui a déjà un background sportif important, et qui vise la performance en compétition.
A 11 ans, cela veut dire qu’il s’astreint donc à ce type d’entraînement et de rythme sportif au quotidien. Et qu’il y a des parents pour valider ça. Ou le pousser…? Si les parents sont derrière à pousser, un enfant de 11 ans n’aura pas forcément la capacité de dire si ça le rend vraiment heureux. Car son bonheur est lié à celui de ses parents.
Cette performance exige un entraînement important et très poussé pour le jeune, on ne peut pas isoler seul ce « chrono » et s’en ébahir. Un enfant voit la pratique sportive par le jeu et n’a pas la même perception que l’adulte sur la fatigue physique et n’a pas naturellement le goût de l’effort.
Au niveau scientifique, on en dit quoi ?
Leur métabolisme de base est de 20 % à 30 % plus élevé proportionnellement que celui de l’adulte, les besoins en protéines, vitamines, minéraux sont donc très élevés même sans pratique sportive du simple fait de la croissance. (Athlete-Endurance).
Les jeunes athlètes qui se spécialisent précocement en sports d’endurance sont plus à risque de souffrir d’un déficit alimentaire, d’un surentraînement, de blessures de surcharge et de fractures de stress. (Distance Plus)
L’American Academy of Pediatrics Council of Sports Medicine and Fitness (AAP COSMF) s’est prononcée contre les programmes d’entraînement à grand volume et pour la promotion de l’entraînement dirigé selon la motivation de l’enfant et non celle du parent ou de l‘entraîneur.
Elle suggère également de limiter la pratique d’un sport ciblé à 5 jours par semaine et de laisser minimalement une journée par semaine sans aucune activité sportive organisée. Elle recommande de deux à trois mois de repos complet par année du sport ciblé et une augmentation maximale de 10 % par semaine du volume d’entraînement. (Distance Plus).
Une activité sportive trop intensive dans ces périodes de la vie chez des sportives de haut niveau, peut engendrer des effets délétères sur la croissance, le développement osseux, le métabolisme et le développement pubertaire.
Les causes de ces effets néfastes sont multiples : entraînements très intensifs, contrôle excessif de la silhouette et donc des apports nutritionnels, troubles endocriniens et métaboliques, blessures musculotendineuses osseuses et articulaires (Académie de Médecine).
Pour résumer
L’enfant ne doit pas être poussé par ses parents, mais doit avoir une réelle volonté de pratiquer. A cet âge de 11 ans, c’est souvent le jeu, et la diversité de pratique qui priment.
Un jeune adolescent qui fait de la compétition de haut niveau doit absolument être suivi médicalement pour suivre d’éventuels troubles physiques, et même psychiques que cela pourrait déclencher
Par Mathieu BERTOS
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