Déjà plus de 2 mois se sont écoulés depuis cet Ultra Trail au Cap Vert organisé par Le Treg. 2 mois bien remplis qui ne m’ont pas laissée le temps de me poser pour revenir, ici, sur cette course épique de 120km et plus de 7500m de dénivelé positif !
Me voilà donc posée sur ce beau petit caillou à la Réunion, avec l’envie de vous raconter ces 25h30 de longue traversée de cette île de San Antao, au Cap Vert.
Pourquoi cet ultra-trail, le Treg Cabo Verde ?
J’ai rencontré Jean-Philippe Allaire (organisateur de l’évènement), il y a déjà plusieurs années sur des évènements sportifs. Jean-Philippe avait déjà réussi à me convaincre, en 2019, de participer à l’une de ses courses qui peuvent mettre des étoiles dans les yeux : le Treg au Tchad.
Malheureusement, alors que tout l’équipement était prêt, billets d’avion en poche, vaccins et contrôles médiales effectués, … l’évènement a été annulé quasiment la veille du départ, à cause d’un passage en zone rouge du pays. Déception pour tous, et plus encore pour l’orga … !
Avec Jean-Philippe, nous sommes restés en contact et c’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’il m’a présentée son projet d’ultra-trail au Cap Vert. Pas besoin de sortir les gros arguments pour me convaincre, je suis de suite emballée par son projet ! Je rêve d’aller faire une course en Afrique ! C’était tombé à l’eau en 2019, cette fois ci, il était hors de question que je rate cette occasion.
Malgré le contexte sanitaire dissuadant, Jean-Philippe n’a pas baissé les bras pour aller au bout de ses convictions. Chapeau à lui, parce que nombreux auraient finalement baissé les armes avant la ligne d’arrivée avec toutes ces contraintes imposées …
La date est cochée sur l’agenda : Ultra-Trail au Cap Vert le 11 mai 2021. Sur le papier, 115km et 7000mD+ (en pratique, un peu plus ! ;)), avec un parcours qui correspond à une traversée d’île; celle de San Antao.
Y’a plus qu’à se préparer le plus sérieusement possible pour arriver prête le jour J et prendre un max de plaisir sur cette première course de l’année ! Ça tombe bien, en ayant posée mes valises à la Réunion depuis fin janvier, je suis dans les meilleurs des conditions pour cette préparation.
À l’approche du grand départ
Jusqu’au dernier moment, l’incertitude d’une annulation au dernier moment planait un peu partout. Je ne peux m’empêcher de contacter régulièrement Jean Phi pour m’assurer que tout est toujours ok … « oui, oui, on fait tout pour, ça va le faire ! »
Bon ok, on fonce en arrêtant de se poser des questions alors. Billet d’avion pris pour quitter la Réunion le 6 mai. Le 7 j’arrive sur Paris; je passe faire un coucou à mon frère à la Capitale et je repars le 9 à 4 du mat pour retrouver l’équipe du TREG et un décollage à 6h du mat vers Sao Vicente (en passant par le Portugal en correspondance).
PCR et paperasses utiles en poche, autant dire que dans ces moments là, tu aurais bien envie de te passer de ce genre de démarches supplémentaires, qui te rendent le voyage un peu contraignant quand même … mais tout le monde embarque sans soucis, l’équipe se détend, l’aventure commence véritablement !! :)))
Bon, forcément, entre le vol de nuit pour faire La Réunion-Paris, le réveil à 3h30 du mat pour partir d’Orly, le vol pour le Cap Vert, les décalages horaires qui s’en suivent, et tout et tout … je ne peux pas vraiment dire que je suis arrivée toute fraîche dimanche soir à Sao Vicente ! 😂 Alors quand JeanPhi annonce un réveil à l’aube lundi matin pour prendre le bateau vers notre destination finale : San Antao, on lui fait un peu les yeux du chien battu !! lol
Sachant qu’on réalise assez vite que mardi matin, c’est le départ de la course à 6h … donc on pensera à nos heures de sommeil dans une autre vie hein !! :))) D’autant que l’émerveillement d’être ici et de découvrir ce nouvel environnement nous garde finalement très bien éveillés … ! 😍 Et puis dimanche soir à notre arrivée, une belle soirée de prise de contact nous a été offerte pour démarrer la semaine en beauté. Ça ne se refuse pas !
La journée du lundi est consacrée au transfert en bateau vers l’île, puis celui en mini-bus vers notre camp de base (les yeux rivés à la fenêtre du bus pour ne rater aucune miette du paysage qui s’offrait à nous). L’occasion de faire connaissance avec toute l’équipe, ainsi que les autres coureurs. Puis à la vérification du matériel obligatoire, l’utilisation du GPS fourni par l’organisation (Ohlala, je ne le sens pas ce truc là !), la découverte de notre terrain de jeu en de début de course, et l’acclimatation !
Très chaud oui, mais contrairement à la Réunion, une chaleur sèche, et non humide. Pas tout à fait la même gestion et surtout pas les mêmes sensations. Un terrain très sec aussi, très peu ombragé et surtout très désert, avec très peu d’habitations et des grandes traversées en solitaire au milieu de nul part … va falloir essayer de garder son calme et ne pas rentrer dans ce sentiment de panique en cas de perte de la trace !
Grosses particularités de cet ultra-trail : autosuffisance alimentaire (pas de ravitaillements solides, on doit porter dans nos sacs tout ce qu’on souhaite manger pendant la course), et auto navigation (pas de balisage. Uniquement un GPS fourni par l’organisation qui nous oriente vers la trace).
J’achète un carte SIM capverdienne pour avoir tout de même la possibilité de « passer un coup de fil à un ami » en cas de gros coup de panique. Mais la veille du départ, une belle gastonnade : mon tel portable est HS et ne veut absolument plus répondre de rien !! Il ne veut plus s’allumer … wow, le mauvais coup du destin ! Merci Martin qui se propose de me prêter son téléphone pro pour me permettre tout de même de garder un contact avec l’extérieur pendant cette aventure …. !! 🙏
Des ravitaillements en eau sont prévus tous les 20km environ. Il faut donc prévoir au moins 2 litres entre chaque PC ! Entre la nourriture, l’eau, les vêtements chauds pour la nuit, les accessoires tels que frontales, GPS, lunettes, bandeau … autant vous dire que je n’ai jamais couru avec un Camelbak aussi chargé et lourd !! (j’ai même été obligée d’emporter une ceinture porte bidon, en plus du sac, c’est pour dire !). Va falloir s’y faire, parce qu’on risque de le porter quelques heures, cet équipement !
Pas facile de dormir profondément en cette veille de départ de course. Entre l’excitation de l’aventure qui se profile, l’inconnu du terrain que l’on va trouver demain, la peur de se perdre … au moment de sortir du lit mardi matin (euh enfin dans la nuit à 4h plutôt 😵!), j’ai l’impression d’avoir fait une nuit blanche (ou plutôt 5 d’affilées depuis mon départ de la RUN ! lol).
Début de course un peu chaotique qui nous met de suite dans l’ambiance !
Petit déjeuner collectif avec tous les participants. L’ambiance est bonne et taquine, même si on sent un brin d’anxiété ici ou là … la ligne de départ n’est qu’à quelques mètres, nous y allons tranquillement à pied. Le jour se lève à peine à 5h45. Je retire finalement la frontale que j’avais décidé de garder sur le front au départ : il fait assez jour pour faire sans !
Mis à part cet hématome à la cuisse dû à ma chute en vélo la veille de mon départ de la Réunion (et la fatigue accumulée par le voyage et le manque de sommeil), les voyants sont au vert et la forme au RDV. en tout cas, l’envie et la motivation sont blindées au max et je crois que c’est ESSENTIEL pour aller au bout de ce genre de course !
François d’Haene prend le micro pour faire son petit mot de « bonne course à tous », Jean-Phi également. Et puis le départ est donné et les fauves enfin lancés. Pour de longues heures d’aventure … plus ou moins laborieuse !! ahah !
Nous sommes donc partie de notre camp de base, la plage de Tarrafal, et le début de course suit le sentier du littoral, sur 10/12km, jusqu’au premier point d’eau, à « Monte Trigo ».
Relativement roulant, mais avec quelques petites bosses en relance et un terrain un peu piégieux tout de même, rempli de petits cailloux … on trébuche à plusieurs reprises avec Martin, mon compagnon de route du moment (qui réussit tout de même à prendre des photos à la volée ! ;))
Il est tôt mais il fait déjà bien chaud et les rayons du soleil parviennent tranquillement à passer au dessus de la montagne et à nous éblouir. Manon a pris les devants, mais rapidement, on la voit revenir sur ses pas parce qu’elle cherche son chemin. Alors là je me dis : la trace n’est pourtant pas très compliquée ici et si déjà, en moins de 10km, on arrive tous à se perdre, ça promet quelques grands moments de solitude plus tard …
On se rend aussi vite compte qu’à 3 cerveaux réunis, on devient un peu plus efficaces, et surtout, que la situation se dédramatise plus facilement et devient moins angoissante. Après le premier point d’eau, on entame la première grosse difficulté du parcours : une grimpette de 20km environ pour plus de 1500mD+. Manon et Martin sortent les bâtons, et moi, je commence à appuyer sur mes cuisses avec mes mains ! ahah ! (ouais, toujours pas de bâtons pour Sissi).
En plein soleil, ça commence à cogner ! Et puis déjà et encore, du jardinage … qui commence à nous agacer alors qu’on est qu’au début de la « balade » .. !! Le terrain commence à changer un peu, avec des passages « hors sentiers » et des trucs piquants qui nous accrochent aux jambes. Si on savait qu’à côté de ce qu’on allait trouver plus loin, ce genre de petites contraintes n’étaient vraiment pas grand chose …! :)))
Martin prend un coup de chaud et flanche un peu. On le distance légèrement, tout en l’encourageant à essayer de nous recoller. Il nous fait signe de tracer, que ça va aller. Avec Manon, on échange sur une éventuelle possibilité de rester à 3 jusqu’à la fin, et ne pas en laisser un dans la galère.
Bon, l’inconvénient de faire course à 3, c’est de réussir à rester sur les mêmes allures tout le long. On sait que sur 120km, on va vivre des coups de moins bien, des coups de mieux … et les avoir en même temps, c’est super rare ! On décide d’en discuter au prochain CP, au km30, là haut !
Il était d’ailleurs grand temps d’y arriver, on était à sec avec Manon, et pressées de 1-de se jeter un saut d’eau sur la tête; 2-boire un litre d’eau cul sec pour se réhydrater, 3-se rassurer en voyant des têtes connues ! :)))
Déjà 5h de course … mais quelques kilomètres / dénivelés effectués aussi !
Du CP1 au CP2 : 17km en pleine chaleur !
On prend le temps de se ravitailler correctement au CP et on décide aussi d’attendre Martin pour prendre la température de son état de forme et voir avec lui si on peut envisager de faire course commune ou non. Il nous propose finalement de filer toutes les deux, que peut être il reviendra s’il reprend du poil de la bête plus tard. « Allez, c’est d’accord Martin. Prends soin de toi et sois prudent surtout ! »
C’est donc reparti avec Manon, en direction du prochain CP. Il est midi, le soleil tape et nous voilà engagées sur une portion sans aucune zone d’ombres, avec du sable et des passages de canyons. Même si je ne suis pas trop sensible à la chaleur, je mets mon buff sur la tête pour me protéger du soleil. Sur les conseils de Tata Manon ! ;))
À plusieurs reprises, on jardine … on s’arrête, on cherche, on reprend la trace, on tourne le GPS dans tous les sens pour s’assurer d’être sur la bonne trace. Ça sera, de toute façon, le mot d’ordre des 20 prochaines heures : les yeux rivés sur la trace ! Pas évident lors de ces passages de dunes ou de canyons, où t’as finalement pas vraiment de sentiers, et donc plusieurs possibilités pour aller du point A au point B.
On évolue jusqu’au km42 environ, entre 1300 et 1600m d’altitude, entre du roulant, et du moins roulant. Mais globalement, mise à part la gestion de la chaleur et de la perte de la trace, ça passe bien et on se fait plaisir ici, tout en papotant comme si on faisait un entraînement ! :)))
Mais on réalise tout de même assez vite de l’endroit où nous sommes, en arrivant au point culminant, qui nous offre une vue plongeante juste incroyable, sur le fond de vallée que nous allons rejoindre pour retrouver le CP2, 4/5km plus bas … je vous laisse admirer la vue en photo, parce que par chance, le drone était juste au dessus de nos têtes à ce moment là (à vous de trouver où sont Charlies !! 😜
Je crois que je me suis extasiée comme une enfant toute la descente remplie de pavés irréguliers et tord chevilles … Manon pourra vous le confirmer ! ahah !
La descente est longue, raide et douloureuse pour les quadris, mais dans ce contexte là, elle nous régale ! Nous retrouvons un semblant de civilisation en bas, et l’approche du 2ème CP avec. Quel bonheur de voir l’équipe des bénévoles agiter leurs bras pour nous encourager au loin et de les entendre crier !
Isabelle, la médecin, et Carline, la femme de François, s’occupent bien de nous. Pleines de bienveillance ! Merci les filles ! 2ème CP, Cha de Morte, 47ème kilomètre, environ 7h45 de course. Nous arrivons avec le sourire, tout va bien, les voyants sont toujours au vert pour nous 2 !
CP2 – CP3 : la défaillance du grand François !
Il fait très très chaud dans ce petit village en fond de vallée, c’est le début d’après midi en plus, la pire heure au niveau chaleur !! Le prochain point de ravitaillement avec possibilité de se rapprovisionner en eau ne sera que dans 20km, il faut vraiment bien charger le sac ici …. je prends d’ailleurs le temps de me préparer un petit sachet de lyophilisé (je me dis aussi que ça sera ça de moins à porter dans le sac ! lol), que je partage avec Manon (que je force à bien s’alimenter depuis le début, pendant qu’elle me force à me protéger du soleil ! :)) #bienveillance).
Sortie du village, nous voilà de nouveau stoppées un certain temps, sans réussir à retrouver notre trace. On descend, on remonte, on descend, on remonte … sans réussir à trouver notre chemin. Quand ça dure 2/5 minutes, ça passe. Quand tu commences à tourner plus de 15′, ça te fait vraiment péter un câble ! Mais à deux, on parvient à garder notre calme (pour l’instant !), et à force de persévérance, à revenir sur la trace.
Jusqu’ici, nous avions déjà pris conscience que ne pas se perdre était mission impossible pour nous. Mais, aussi qu’en étant vigilantes, nous n’étions finalement pas si perdues que ça à chaque fois. Jusqu’ici. Parce que les choses se sont carrément bien gâtées juste après, je vous assure ! Un véritable cauchemar …🙈
Et le « après » est arrivé justement ici, au village suivant. À chercher chercher, revenir sur nos pas, faire des tours et des tours, puis des demi-tours … s’arrêter et s’assoir, désemparées de ne pas trouver … demander à des habitants, mais sans réussir à se faire comprendre. Pour finir, au bout d’un moment, à se demander si nous n’allions pas être obligées de passer le nuit ici… on se rend compte aussi que vivre ces épisodes de panique à 2, permet, en un sens, de mieux les vivre ! De moins perdre ses moyens et de perdre, du coup, moins d’énergie.
Je ne sais pas vraiment évaluer le temps que nous sommes restées ici à tourner en rond, mais il était suffisant pour que ça nous fasse vraiment péter les plombs et casser complètement le moral … ! Ce moment angoissant où tu ne sais pas du tout comment tu vas pouvoir débloquer cette situation, malgré la meilleure volonté du monde. T’as juste envie de te poser et d’attendre que le temps passe en déconnectant ton cerveau ! 😆
Puis, comme d’un coup de baguette magique, nous avons comme une illumination avec Manon, en apercevant un single étroit bien caché qui semblait être l’entrée d’une maison et que nous n’avons vraiment pas pensé prendre … d’autant qu’il fait passer sur la terrasse privée d’une maison (oh, tiens un babyfoot, on se fait une partie Manon !! 😆). On insiste, sans conviction, mais ça semble être la trace … ok, bah les gars, fallait la trouver celle là !
Ok, la boule au ventre se dénoue un peu. Quelques minutes seulement avant de se retrouver dans un nouveau schmilblic ! De nouveau stoppées … de longues minutes … même scénario que juste avant ! L’angoisse revient. Les moments de réflexion, les tentatives échouées, les retours en arrière … pour enfin s’engager vers un pierrier qui n’est pas un chemin et nous emmène vers un passage hyper engagé (que je refuse d’ailleurs de prendre au départ), et qui semble pourtant être le bon.
Rebelotte, on s’y engage, avec prudence et sans conviction, mais avec un début de sentiment de libération de sentir qu’on est peut être dans l’bon !! 🙏 Gagné, trace retrouvée ! Mais alors, quel terrain engagé et technique nous retrouvons ici ….preuve en image ci dessous …
Nous voilà reparties, un poil plus sereine, sur une très longue ascension, en plein soleil, très raide et vraiment exigeante. Manon prend un peu le large. Je la vois se servir agilement de ses bâtons, et je prends conscience que ça m’aiderait quand même bien ici. Du KM56 au KM60, juste 4km, pour … 1000mD+ !! Interminable à ce moment là, en pleine chaleur.
Je suis un peu à la peine, mais j’essaye de raccrocher mon cerveau à des choses positives. Je chantonne, je pense à mes proches, j’ouvre les yeux sur ce paysage de fou qui s’offre à nous, sans trop regarder en haut quand même … parce que le sommet me paraît tellement … trop haut !!!! 🤣
Mais finalement, on prend tout de même assez vite de la hauteur avec le pourcentage de pente qu’on s’enquille ! J’essaye de ne pas laisser Manon trop me distancer, mais je crève d’envie de sortir le téléphone qui est bien enfermé et éteint dans une proche plastique dans mon sac, histoire d’immortaliser ce moment … magique ! 🤩 Pour le moment je n’ai pas osé le sortir une seule fois, de peur de l’abîmer, ce n’est pas le mien … mais là … tant pis, je vais prendre un peu de retard sur Manon, mais franchement, je ne suis pas prête de revenir ici ! Allez, j’ose …
Voilà la vue que j’ai eu en me retournant à ce moment là … je vous laisse vous imaginer ici, après plus de 11h de course …😍
Et encore, le sommet n’est pas encore atteint. La vue va être encore plus terrible là haut ! Je commence à être à sec au niveau eau, je crois que je vais être obligée de sortir ma flasque de secours … à partir de maintenant, je vais devoir sévèrement me rationner malgré la difficulté à avaler ma salive tellement j’ai la gorge sèche !
Manon est dans le même cas que moi, et on ne se rassure pas trop mutuellement une fois là haut, quand on réalise le peu d’eau qu’il nous reste et le chemin restant avant le prochain CP … ok, ça va aller, le corps est solide ! Sauf que c’était sans savoir qu’on se retrouverait une nouvelle fois dans un grand moment de panique .. !
Parce que de nouveau, nous perdons complètement la trace, en s’engouffrant, au moment de la redescendante, dans un hors sentier rempli de ronces et de végétation dense. Entêtées, on continue sur cette mauvaise voie en pensant retomber sur la trace, mais pour cette fois c’est raté ! Et nous sommes même encore plus perdues, dans l’incapacité de revenir en arrière, tant le terrain est rempli de ronces et de passages beaucoup trop dangereux pour oser s’y engager …
Bordel de bordel, cette fois, c’est la grosse panique à bord : plus d’eau, la nuit qui ne va pas tarder, la montre m’annonce que nous sommes à plus de 7km de le trace et de mon côté, à part les lyophilisé, je n’ai plus rien à manger … quelle angoisse ! L’une et l’autre perdons un peu le contrôle de nos émotions, ça commence à partir en vrille avec des points de vue divergeants : je recommande de tenter un retour en arrière, alors que Manon veut persister dans ce sens, mais qui nous indique qu’on s’éloigne encore plus de la trace.
Un peu perdues dans les décisions à prendre, on essaye d’appeler quelqu’un. Mais pas de réseau (et puis de toute façon, ça n’aurait pas avancé à grand chose !). On aperçoit 2/3 habitations au loin. On décide, dans un premier temps, de tenter d’y aller pour demander de l’eau. On va finir par mourir dessécher sinon … ok, au moins un point sur lequel nous sommes d’accord !! 😂
On s’y dirige à toute vitesse (on a retrouvé un beau DFCI bien tracé et peu technique). Quand d’un seul coup, on entend des cris au loin. On aperçoit ensuite des personnes. Comme une sensation d’hallucinations … le drone. Oh mais c’est pas croyable !! Ça serait trop beau que ça soit Chris, le photographe, et Théo, le guide … ? Mais si, je crois bien que si, c’est bien eux ! Honnêtement, nous les avons, à ce moment là, considérés comme nos anges gardiens venus de nul part !! 😵😇
Quel coup d’bol de tomber sur eux à ce moment là ! On abandonne donc l’idée de rejoindre les « maisons » (elles étaient quand même très loin, et qui plus est, pas forcément habitées !! lol) et nous partons dans leur direction (à l’opposé donc). On a presque envie de leur sauter dans les bras, on par correction, on se retient ! 🤣 En fait, ils ne se rendent pas compte la sensation que ça nous fait de les retrouver ici. Soulagement énorme !
On leur raconte et ils nous expliquent que François va mal, qu’il est juste devant, à l’arrêt … que les abandons se suivent et que c’est l’hécatombe partout. Carnage entre les hyperthermies et les pertes de traces. Le prochain CP n’est apparemment pas très loin, Théo nous explique comment retourner sur la trace. Ils repartent en 4×4 et s’arrêtent pour faire voler le drone un peu plus loin.
Le coucher de soleil est juste majestueux ici, sur les crêtes … je demande à Théo de me faire une petite photo vite fait ! 😍🙏 La voici !
On est seulement à mi-course ici, et les péripéties sont déjà bien trop nombreuses pour nous permettre d’être relâchées et sereines pour le suite du parcours. Surtout avec la nuit qui arrive et qui va encore plus nous faire galérer … probablement ! Enfin, pour le moment, cap vers le point de ravitaillement !
Manon tient a ne pas sortir sa frontale avant d’arriver au CP. Elle a le feu aux baskets !!! J’essaye de la convaincre de s’arrêter la sortir, la frontale, on ne voit quasiment plus rien et ça serait complément débile de se faire une cheville ou de se blesser pour gagner 1 ou 2 minutes ici … mais elle n’en fait qu’à se tête ! Hein Manon ? 😜 Donc je m’incline et on avance, en courant à bonne allure, dans la pénombre, jusqu’au CP.
Le fameux CP (check point), où François d’Haene s’est arrêté dormir, parce que son corps refusait de lui laisser les moyens de continuer d’avancer … km66, nous voilà à Lagoa. 12h30 de course.
C’est le moment de se faire bichonner … crème sur les zones de frottement dans le dos (à cause du sac), au niveau de la poitrine (à cause de la brassière), sous les pieds (ça y’est, les ampoules arrivent …). Café chaud, et hop, je me fais un petit lyophilisé riz poulet ! J’ai avalé toutes mes barres Meltonic, je n’ai plus que ça pour finir la course. Merci Isa pour la douceur de tes soins.
Changement de piles dans le GPS fourni par l’organisation (que je n’ai finalement pas rallumé puisque je suis plus le suivi de ma Polar que ce truc que je ne comprends pas). On sort les frontales et les tenues pour la nuit. On écoute les recommandations du guide et de l’équipe d’orga, qui, je pense, ne veulent pas plus de dégâts humains qu’il y en a déjà eu … ok, nous ne sommes hyper sereines pour cette nuit qui arrive, mais ça va aller Manon, on va se serrer les coudes et ne pas se lâcher !
Une nuit pleine de rebondissements !
Nous repartons avec les chaleureux encouragements de l’équipe d’orga ! Qu’ils soient capverdiens ou français, tous sont hypers touchants de bienveillance et d’admiration envers nous. On sent la fierté des femmes de l’île et ça donne énormément de force pour tenir l’effort jusqu’au bout ! Merci à tous si vous me lisez … 🙏
Malgré tous ces rebondissements de cette première partie de course, la forme est toujours au rendez-vous pour nous deux. Suffisamment pour se permettre des blagues et pour reprendre nos sujets de discussion entre filles ! ;)) Je mets ma frontale Ledlenser sur le mode « économie » pour qu’elle me tienne toute la nuit. Le prochain CP est au km80, nous avons donc 14km à effectuer. Théo nous a annoncées un parcours assez « simple ». Mais je ne méfie tout de même de la notion de simplicité sortant de la bouche de ce petit bonhomme …. !! ;)))
Du faux plat vallonné, puis une grande et longue descente technique sur un single étroit. Bon dans les faits, on ne se rend pas compte de grand chose en pleine nuit, mais en y revenant la veille, c’était quand même une putain de descente de ouf !!!!!!! Avec des paysages de dingue … ! Ça aurait été bien dommage de ne pas y repasser de jour !
Un petit aperçu à travers ce réel que j’ai posté à mon retour sur mon compte Instagram :
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Finalement, Théo avait raison, cette portion est passée sans grosses difficultés majeures, hormis celle de devoir faire super gaffe dans cette descente technique, de ne pas tomber (et puis quelques problèmes de trace perdue, mais ça, on n’en parle même plus !). D’autant plus que j’ai les ampoules aux pieds qui commencent à méchamment me faire souffrir et que je sens que j’ai changé ma foulée à cause de ça …
On arrive au point de ravitaillement avec le smile et une équipe capverdienne au top pour nous accueillir ! km80, nous sommes à Ribeirao, environ 15h de course. Nous n’avons plus trop notion de l’heure ni du temps, comme à chaque ultra quand tu arrives dans la nuit … ! :))
Bon, la seconde partie de la nuit ne s’annoncera pas si « fluide » que ça … tant en terme de difficultés de parcours que de mésaventures rencontrées. D’ailleurs lorsque l’on repart de la zone de ravitaillement, un peu trop euphoriques peut être, Manon fait un mauvais pas et glisse sur le carrelage de la terrasse et s’étale au sol. Elle se fait mal aux côtes et devra composer avec cette pointe jusqu’à la fin la pauvre … 😬
Il ne nous reste plus qu’un point de ravitaillement au km98 avant de commencer à pouvoir penser à la ligne d’arrivée (même si on y pense un peu déjà, forcément) ! Mais croyez-moi, y’a encore de la route avant de la franchir … et notamment une très très longue et interminable ascension très raide, qui a mise à mal nos organismes déjà bien entamés. Environ 900mD+ en 5km … mon dieu qu’elle nous a fait pester celle ci !!
À n’en voir jamais le sommet … j’ai des souvenirs de gorges tellement sèches que je n’arrivais pas à avaler ma salive. J’ai aussi des souvenirs d’avoir sans arrêt demandé à Manon : « tu ne pas de la lumière juste au dessus ? On y est presque nan ? » Et elle me dire : « écoute, c’est pas Christophe qui nous appelle là ? » Mais non, ça n’est rien de tout ça, juste notre imaginaire qui nous joue des tours, parce que notre corps (et peut être encore plus notre esprit !) commence à être épuisé …
Perso, je commence à avoir un peu sommeil et je lutte pour redynamiser mon corps et essayer de retrouver un semblant d’allure un peu plus rythmée. Mais là, on en bave sérieusement ! Bon l’avantage hormis tout ça, c’est que côté trace, aucun doute à avoir, c’est droit dans le pentu !!! 🤣 On aura au final mis 1h30 pour arriver au bout de cette put… de difficulté ! Le soulagement de croiser Théo et Chris en haut, qui nous annoncent le ravito 2/3 kilomètres plus bas.
Nous voilà donc au PC5, à Agua das Caldairas, au km98. 19h30 de course. Et la question qui revient depuis que nous sommes passées en tête de la course : François d’Haene est-il reparti ? Quand va t-il nous redoubler ? Nan parce que franchement, on était certaines qu’il allait finir par reprendre la tête de la course un moment ou à un autre !
Pour ce dernier point de ravitaillement, j’ouvre mon dernier sachet lyophilisé ! Encore riz poulet, mais avec des épices. Ça passe franchement moyen, mais je me force. J’avais faim en arrivant, et il reste quand même une grosse vingtaine de kilomètres avant l’arrivée, ce qui peut facilement se transformer en 5/6h de course avec les rallonges et autres difficultés rencontrées sur le parcours.
Théo nous fait un rapide topo de ce qui nous attend. Un dernier café avalé et en avant pour la dernière portion !
La délivrance de la finish’line !
Je repars le ventre un peu trop plein avec ce gros repas riz poulet avalé juste avant. La remise en route est un peu laborieuse, mais étant donné que nos allures sont tout de même bien ralenties, ça se gère et s’autorégule tranquillement. Manon se plaint de ses côtes douloureuses, et moi de mes ampoules aux pieds. Il est temps qu’on en termine !
En terme de difficulté de parcours, une nouvelle belle ascension nous attend : 3km / 800mD+. Avant de reprendre pas mal de D- (entrecoupés tout de même de quelques petites remontées bien casse-pattes et dont on se serait bien passées !) … 🙈 Mais le problème, c’est que malgré les indications de Théo pour éviter qu’on fasse une dépression nerveuse avant l’arrivée, nous n’arrivons pas à trouver la trace qui remonte vers cette pente. Un truc de fou encore !! À nous faire devenir complètement folles !
C’est qu’encore une fois, on a pris le sentier le plus logique, alors qu’il fallait prendre celui qui était complètement improbable … à croire que tu avais tout fait pour qu’on n’arrive pas au bout de ce chantier Théo ! 😝 La dernière portion qui coïncide avec le levé du jour nous aura values quelques jolies petites prises de tête avec Manon ! ahah ! Que nous avons rapidement pu apaiser avec du bon sens et de l’intelligence, en s’excusant d’avoir peut être manqué de tact dans nos propos. La fatigue et les nerfs à vif commencent à avoir raison de nous …
Le levé du jour est magique … nous sommes en fond de vallée à ce moment là, mais je ne peux m’empêcher de ressortir le téléphone pour refaire un petit cliché vite fait … 😍 Avec vue plongeante sur ces typiques cultures en terrasse de l’île ! Encore une fois, je suis scotchée par la beauté du paysage !
La dernière descente est longue et douloureuse pour nos muscles et tendons meurtris, mais le jour s’est levé et nous pouvons profiter des paysages et de la vie qui se réveille doucement dans les champs des cultures en terrasse. On sent qu’on approche de la civilisation, et surtout, on aperçoit désormais la mer, donc l’autre bout de l’île !
On est toutes les deux fatiguées et désormais pressées d’arriver. L’espoir d’arriver à l’heure où le 35km va partir (ça voudrait dire, mettre 24h30) s’envole … Manon aurait pu faire un bisou d’encouragement à son chéri qui va s’élancer à son tour sur sa course, alors qu’il l’a suivie toute la journée. C’est beau l’amour ! 😍
On continue de penser que François peut encore nous faire la surprise de débouler derrière nous ! On a appris qu’il était finalement reparti, donc la remontada est encore possible … ! 😉
La fin du parcours n’est pas si facile après cette grande descente jusqu’au km110. Des singles étroits qui montent et qui descendent, des escaliers, des racines … avant de sortir définitivement des champs et des sentiers vallonnés, pour retrouver du bitume, des habitations, des enfants qui vont à l’école et des matinaux qui papotent dans la rue.
Il reste 2/3km de route en bord de mer avant d’atteindre la Mairie de Paul où se trouve la zone d’arrivée. Jusqu’au dernier moment, l’hésitation sur le chemin à prendre ne nous quitte pas … bon, à ce stade là, ça nous fait plus rigoler qu’autre chose, heureusement !
Lors de ces quelques minutes de fin course ensemble, on réalise avec Manon le chemin parcouru. Les galères traversées, les moments de doute, de craintes, de panique, de souffrance, de plaisir aussi et d’émerveillement du décor qui s’est offert à nous. Cela, toujours avec beaucoup d’émotions, de bienveillance l’une envers l’autre. On parvient à le verbaliser, se remercier, se complimenter respectueusement, et aussi s’excuser des quelques moments de perte de contrôle qui nous ont pu nous amener à des petits conflits.
C’est touchant, et ça nous met les larmes aux yeux, avant même d’avoir franchi la ligne ! Juste réaliser, se refaire le film, raccrocher à la réalité (parce qu’avouons que pendant ces courses d’ultra, on est quand même dans une bulle un peu particulière …), et savourer cet accomplissement.
La victoire au scratch, on n’y pense pas du tout à ce moment là. Non. Elle nous paraît tellement anecdotique. On se dit simplement qu’on a vécu une sacrée aventure, pleine de rebondissements ! Une belle histoire avec pas mal de chapitres différents, et une fin heureuse ! Et puis surtout, qu’on a traversé pleins de sentiments différents, mais jamais celui de la solitude ! 🙏 Ou alors celui de la solitude collective !
Accueillies chaleureusement par l’équipe organisatrice et l’équipe capverdienne de Théo (un énorme grand merci à tous ! Des sacrées belles rencontres), nous arrivons à petite foulée près de la Mairie, fatiguées mais heureuses. Hop hop, les dernières marches d’escaliers à grimper avant de franchir la ligne et de se serrer dans les bras ! ☺️
25h39. 120km au lieu de 113 avec les rallonges, 7600mD+ avec les montées / descentes répétées en plus ! ahah ! On va enfin pouvoir savourer le petit déjeuner salé dont on a tant parlé Manon … tant pis, la douche passera après, et la douleur de retirer les chaussures et de soigner les pieds aussi ! ;))
Ci-dessous, la vidéo de l’arrivée, mais aussi la vidéo officielle de la course, où vous retrouverez l’ensemble des paysages traversés pendant cette traversée. Une vidéo réalisée par Christophe Angot, de Linka Production.
Un grand grand merci à toutes celles et ceux qui ont partagé l’aventure avec nous, de près ou de loin, et qui ont contribué à nous faire vivre du beau, du grandiose, de l’inédit, de l’extra-ordinaire !! 🤩🙏
Et bien sur, un immense bravo à tous les participants et particulièrement aussi à François d’Haene d’avoir terminé dans ces conditions. Je crois que ça en dit long sur le champion qu’il est !
Sylvaine CUSSOT / photos et vidéos : Christophe ANGOT- Linka Production