4ème édition de ce marathon de Bordeaux Métropole et 4ème participation pour moi mais (après marathon en relais et semi) c’est bien la 1ère fois sur la << Course Reine >> .
Celle qui fait peur, celle que tu respectes au plus haut point tant tu sais que courir 42km au max de tes possibilités du moment n’est jamais anodin.
Préambule sur cette préparation marathon
Mon club des Pompiers de Bordeaux Triathlon ayant un partenariat avec les Transports Bordeaux Métropole-Keolis, c’est casaqué de la tunique bleu TBM que j’ai couru cette année. D’ailleurs au moment d’accepter le challenge j’annonce, en fin d’année dernière, partir sur ± 2h40. En fait je ne savais pas à l’époque comment allait s’articuler la saison 2018.
Y voyant un peu plus clair quelques semaines plus tard et ayant privilégié le Frenchman (fin mai) ce marathon de Bordeaux, même s’il est assez proche du Frenchman, me servira de bonne préparation pédestre. Et du coup pas question d’aller chercher un chrono. Avec un PB en 2h39’07 à Paris en 2013, je me dis que viser ± 2h45 (comme à Séville en février 2016 pour préparer la saison de triathlon et notamment Kona en Octobre 2016) est ambitieux mais assez réaliste sous couvert d’une préparation générale sérieuse.
Sur 12 semaines -du 25/12 au 24/03- je me fais donc un semblant de plan marathon au sein même de ma charge d’entraînement visant à être au top fin mai. Avec les aléas divers et variés inhérents au sportif (léger bobo, maladie, charge boulot etc ..) j’arrive tant bien que mal à courir, en moyenne hebdo, 55,3 km (voir infographie) sur cette période de 12 semaines.
Alors évidemment, à côté, je n’ai pas été en reste au niveau vélo et me suis enfilé, en moyenne, 5h de home-trainer hebdo sur la même période. Au niveau nat, pas grand chose, je laisse un peu de côté cette année et compense par de la PPG et du crossfit 😉
Bon voilà pour le préambule préparatoire ! Mais c’est important pour bien comprendre la suite …
La chaleur du SAS de départ …
Nous voilà donc le samedi 24 mars. La journée est assez longue, faut attendre 20h le soir même pour le départ. Là cette année, on va être carrément de nuit et ce dès le départ. Le principe me plaît bien. Non, par contre c’est la météo qui intrigue quelque peu.
Rien d’engageant de se retrouver en bordure de dépression avec des rafales de vent à 50km/h et de la pluie. Bordel …. mais comme j’ai pas envie. Sérieux, un samedi soir comme ça on ne serait pas mieux à l’apéro au coin du feu ??? Nan, franchement … ;))
J’la fais courte jusqu’au départ : Echauff express en 18′ chrono .. << ‘tain j’ai les jambes ! >>, entrée dans le SAS préf’ (merci encore Steph’ GARCIA pour l’aide au coup de tampon ;)) 25′ avant le coup de pétard et autant de temps à grelotter avec mon sac poubelle de 30 L, très ajusté pour le coup, à quelques centimètres de la ligne de départ.
A 5′ du départ la pluie tombe costaud et les rafales de vent s’intensifient. Naaaan mais c’est géniaaaaaal ….. Youppiiii mais c’est la fête ! Mais ‘tain j’pars pour un marathon, c’est pas un p’tit 20 bornes là comme ça !!!
Enfin libéré, délivrééééé la reine des neiges n’est pas in da place mais c’est tout comme ! La promiscuité et le souffle chaud dans ta nuque de ton collègue de sas (vous avez tous connu ça dans le SAS, hein, avouez ?? :)) n’a pas suffit à te réchauffer et te voilà à partir comme un dératé. Enfin y’a plus dératé que moi, j’en ai vu … et j’ai les noms 😉
Début de course enflammé
3’25/km le 1er kil ….. mouaaaahhhh … tu cours un 10km ??? Ah non, merde … quoi, un marathon ??? Re MOUAAAAAHH !! Quoi … mouaaaah … on a le vent dans le dos !! Ah ook . A peu de chose près c’est le dialogue avec moi-même durant quelques hectomètres durant ce marathon de Bordeaux.
Bon au moins là, c’est bon, je n’ai plus aussi froid .. j’ai pas chaud non plus .. mais j’suis bien quoi 😉 Sérieusement avec le vent dans le dos c’est super facile, c’est souvent le cas ici à Bordeaux . On arrive ensuite au pont Bacalan, virage à droite, p’tite grimpette et vent dans le pif. Là déjà c’est moins drôle !
Heureusement mon pote Lucho a la bonne idée de m’emboîter le pas à ce moment là. Lui sur le semi va un poil + vite, et comme il a été emmerdé au départ il me rejoint au bout de 2km, échanges d’amabilités @170bpm -on verra plus tard pour les longues tirades, hein ?- descente du pont et virage à droite à nouveau, en bas, côté Bastide.
Maintenant faut aller chercher le Pont de Pierre 3km plus loin. Tout doucement Lucho se fait la malle .. arfff l’enfoiré … vas-y aide moi copain ;)) et va chercher un p’tit groupe devant qu’il avalera tout cru. Ce morfale !
Bon là ça yé .. je rentre dans ma course, je commence un peu à réfléchir ! Je cours sûrement au-dessus de mon allure marathon (effectivement 3’35/km au km4 a posteriori) mais ça va bien, j’ai rien à perdre … c’est un entraînement avant tout ce marathon. Avec le vent de face je vérifie juste que je ne passe pas trop de temps au-dessus de 170 bpm, je veux pas dériver trop tôt et vivre un calvaire en fin de course.
Pont de Pierre, cours Victor Hugo, Grand Theâtre, Tourny ….. waaaaaouohhh c’est génial .. Quel pied !! Malgré le temps merdique, y’a du monde et on est littéralement porté par les encouragements. Là c’est pas la fameuse boisson violacée autrichienne qui vous donne des ailes. Non, non .. là, pour le coup, le bordelais balaye d’un beau revers son aversion aux manifs sportives, surtout quand elle touche son hyper centre favori, et ne lésine pas à user de ses cordes vocales pour vous faire avancer + vite !
Avec tout ça on est déjà arrivé au km 9 … Et oui .. ça va vite un marathon, hein ??? :)) Place Gambetta le semi s’en va à droite rue Judaïque tandis que le marathon file tout droit. Hééééé … mais bordel me laissait pas tout seul les copains !!!! Je me retourne … ahh cool j’ai un pote avec moi. Nan, sérieux, même si j’avais l’impression de courir sans abri je n’avais pas non plus l’impression d’être tout seul.
Quand les choses sérieuses démarrent
Là avec mon (nouveau) pote sur le marathon, on voit personne devant. Derrière on voit pas grand chose (en même temps c’est la nuit, hein ;)) mais y’a personne à 100m ça c’est certain. On demande aux bénévoles « y’en a combien devant ??? » … On s’entend en retour nous dire » .. Oooh à peu près une dizaine .. ».
Premier tapis qui bipe (et j’pense aux copains qui suivent le live éventuellement et qui doivent se dire .. c’est un babache il est parti trop vite .. et je leur donne pas tort à ce moment là) et km 10 passé en 36’15 (36.15 code c’est-confirmé-t’as-déconné-mon-gars // Blague pour les + de 35 ans //) .
Ah oui aussi prise de mon 1er gel … et une belle fausse route .. nan, nan j’suis bien resté sur le parcours, j’ai juste avalé de travers le verre d’eau qui allait avec mon p’tit encas liquide. Waaah ça fait tout drôle, diaphragme complétement bloqué et obligé de quasi m’arrêter. Forcément mon copain .. vous savez celui que j’ai chopé à Gambetta … pfff ‘tain vous suivez pas .. ben lui il s’en fout de mes problèmes de déglutition et il s’est barré !
M’en fous … j’vais le chercher, y’a pas moyen que tu me laisses tout seul mon p’tit gars. Et je fais bien car pour aller faire une visite de Merignac by Night on nous propose un looong faux plat montant tout droit de ± 5km. Revenu à hauteur de Seb (oui c’est son p’tit nom à mon pote) je me cale dans sa foulée pendant ce long bout droit.
Ensuite on se décoince un peu, c’est l’effet Merignac ça, sûrement 😉 … << Tu pars pour combien ?? >> … Timidement, honteusement (peut-être) je lui murmure << Eeuuuh … ben 2h45 >>. Et là il a une lucidité qui encore aujourd’hui me laisse sans voix << Ah moi aussi … on est parti trop vite, non ??? >> MOUAAAAAAAAHhhh :))))
Ceci dit c’t’enfoiré, après avoir entamé la discut’, je sens bien qu’il a envie de se détacher de moi (Hééé mais déjà ?? tu rigoles on vient juste de faire connaissance !!) .. P’têtre qu’il a pas aimé (jalousie ?) que j’appelle Aurélien Raphaël par son p’tit nom au moment où ce dernier mit le clignotant pour une envie sans aucun doute très pressante.
Bref avec tout ça … mes amis les spectateurs bordelais, enfin merignacais et pessacais à ce moment précis de la course, nous annoncent 8, 9 et 10ème. Je me doute bien qu’il y a quelques relais devant mais combien ?? Vraiment aucune idée .. !
Là on en est où au fait ?? Peu avant le 20ème, là j’suis tout seul, j’connais bien en plus on est à côté du taf’. Seb a pris 100m d’avance mais l’ai toujours en point de mire. On a bien une fusée qui nous a déposé (relais) mais y’a vraiment pas grand monde autour de nous.
La pluie fine, vous savez ce p’tit crachin bien pourri, est bien présente et avec le vent pleine tronche c’est loin d’être une partie de plaisir. Là j’ai le 1er « Mais qu’est-ce que je fous là ??? » de la soirée qui me vient à l’esprit. Obligé de courir légèrement courbé, tête inclinée pour fendre l’air.
Quand le vent et le froid se mêlent à la fête
Franchement moralement versus le début de parcours c’est le jour & la nuit. Vivement le km30 qu’on retrouve un peu d’urbain, hein ?? Le semi n’est pas matérialisé mais a posteriori je sais qu’il est passé en 1h18’15. En fait du chrono, à ce moment là, je m’en contrefiche. Tout juste je me dis, en tablant sur 2h45-50 d’effort, encore 1h30, 1h10, 1h à courir dans la nuit tout seul comme un c.. 🙂
Pour revenir sur le passage du semi, a priori il a été passé dans le parc du Château Pape Clément. J’en cause car là franchement j’ai pas aimé courir sur des allées de gravillons tournicotantes et pas trop éclairées en sortie de parc (c’est mon kilo le + lent j’crois bien).
Ensuite j’essaie de me remémorer le parcours pour voir si on va avoir moins de vent. En fait sur le retour jusqu’à Bordeaux on l’aura 3/4 face ou de côté au mieux, et toujours cette pluie. Et là j’ai franchement froid, j’ai grand peine à bouffer mon 2ème gel car mes doigts sont tous engourdis.
C’est juste le vent qui est pénible et qui donne ce fameux « ressenti » plutôt froid. Ouais donc voilà ce passage loin du centre ville de Bordeaux n’aura pas été hyper enthousiasmant, en fait, avec aussi ce passage dans le domaine universitaire plutôt vallonné (j’y avais jamais mis les pieds là-bas) et carrément casse-pattes pour ma carcasse.
Bon et mon Seb il en est où ?? .. Et ben franchement après avoir pris la poudre d’escampette je l’ai toujours eu en visu. Et là à l’approche du 29ème kilomètre je reviens sur lui, et assez franchement ! Je crois qu’on discute un peu, 10 secondes à tout casser, faut pas abuser non plus puis je trace ma route d’autant plus qu’il y a un autre gars devant tout de noir vêtu.
Et vu la dégaine j’ai bien le sentiment d’avoir affaire à un gars qui approche le 30ème km d’un marathon pas trop fringant. Bingo ! << T’es un relais ?? >> qu’i’m’dit ?? Et moi qui lui répond, sûrement en bombant le torse << Nan … marathon solo ! >> … j’ai juste eu le temps d’entendre un << aie … >> avant de tracer ma route.
Si vous avez bien compté j’ai donc gagné 2 places à l’orée du 30ème km. Et tous les spectateurs que je croise me lancent … << C’est bien Monsieur, 7ème, continuez comme ça, lâchez rien .. >> Oui sur les courses on m’appelle souvent ‘Monsieur’ sans doute du au grand respect qu’ils ont pour l’athlète sénile à la barbe fournie. A moins que ce soit de la politesse, qui sait ?
En toute sincérité j’ai un vrai regain de forme. Psychologiquement il ne reste plus que 12 km (aaah l’barbot t’en as quand même 30 dans les guiboles avant :)) et c’est d’ailleurs ici que je fais la 1ère fois un calcul chronométrique.
En effet au panneau km30 je suis pile poil en 1h52 : à 12km/h, gros craquage, tu mets 1h , t’es en 2h52 c’est pas mal .. et comme je suis bien, je suis alors persuadé de faire a minima les -2h50 objectif maxi fixé pour être satisfait.
On rentre donc à nouveau dans Bordeaux, un peu plus protégé du vent par les immeubles, mais pas tout le temps. Car quand l’air s’engouffre dans une rue et qu’on se le prend pleine face ça fait tout drôle, et toujours congelé !
KM32 en 1h59’30, donc un 16km/h++ et surtout 3’45/km aussi sur les 2 derniers km, certes roulants, mais qui signifie que je ne coince pas tant que ça. J’ai confirmation de mes bonnes sensations du moment. Cardiaquement c’est nickel, musculairement ça commence à être compliqué mais au niveau de ce qu’on a habituellement au bout de 2h de course à pied.
Un record battu et un podium à la clé !!
Là quand même je commence à me dire que je vais certainement aller titiller les moins de 2h45. Et puis toujours 7ème quoi, sont cools les spectateurs, et en plus c’est bien car ils sont tous unanimes, pas de questions à se poser ! Là aussi j’essaie de me remémorer la fin du parcours mais me souviens plus bien, je sais seulement que le profil du parcours vers le 40ème grimpe, et ça j’aime pô !
A partir du 35ème j’ai franchement une foulée davantage heurtée, je sens bien que si je ne suis pas concentrée ça part en cacahouète et y’a perte de temps. C’est mode un pied devant l’autre, concentré sur ma foulée et sur le parcours car isolé comme ça, les bénévoles du parcours (big UUP à eux) ne sont pas toujours attentifs et peuvent ne pas te voir et donc t’indiquer le bon chemin à prendre.
J’en fais les frais d’ailleurs entre Place des Quinconces et le Grand Théâtre, perdu aussi entre les semi-marathonien errants, où je continue sur les rames de tramway. Pas de perte de temps mais une poussée d’adrénaline quand on m’a gueulé dessus << Maaaaiiss nooon c’est par làààà .. >> … Ah oui là-bas, vers le Grand Theâtre !
Pfffff virage à droite et il faut se farcir le faux plat montant du Cours de l’Intendance vent défavorable. Là franchement duuuuur !! On file ensuite en descente vers la Place Pey Berland et aperçois le panneau km41. Check à la montre et je vois 2h34’30 … EEeEuuuuuuhhhh .. HOUSTON on a un problème, c’était pas prévu ça !!! … c’était pas prévu d’aller chercher le record. Bon moi j’suis toujours sur mon kilomètre-craquage à 12km/h soit 5′ au kil et me dis que même en 5′ ça va faire 2h39/40 c’t’affaire.
Sous contrôle tout de même j’essaie de tout donner tout en restant vigilant à la fois aux badauds et aux rails de trams. Je ne visualise pas bien la fin du parcours, je comprends à 500m -Place du Palais- et Porte Cailhau en visu qu’il me reste un virage et c’est la fin. Dernier coup d’œil à la Fénix, c’est jouable pour -2h39, vas-y balance la sauce !
Me voilà sur les quais surchauffés, plein d’encouragements et la ligne là-bas. Arrff merde je la croyais plus près, on lâche rien, je tire sur tout ce que je peux tirer et BiiiiMMMM ! 2h38’48 réel . Alors là j’explose de joie car c’est double effet KissCoool® dans la tête : Tu bats ton record, là comme ça, alors que ce n’était pas du tout mais vraiment pas du tout prévu. Et en plus t’apprends sur la ligne que tu termines second de la course (les relais avaient des dossards matérialisés bien différemment des solos mais personne sur le bord de la route a su/pu faire le distingo).
Bordel j’ai envie de chialer, forcément ! J’sais plus où j’habite, j’ai envie de faire un gros câlin à Steph’ Garcia .. c’est le seul là que j’connais là autour de moi ! Si mes quadris avaient eu la force j’aurais sans doute sauter partout mais là j’suis défoncé quand même. Puis j’ai froid, mais j’ai froid bordel (oui je sais .. y’a beaucoup d’bordel mais BORDEEEEL c’est trop bon :))) et vite fait je pars me réchauffer et atterrir lentement.
Bordel (promis, c’est le dernier) tu fais 2ème du marathon de Bordeaux j’n’arrête pas de me répéter, c’est beau ! J’suis fier de moi à cet instant, tout simplement parce qu’il y a un an je faisais 15kg de plus, je ne ressemblais plus à un athlète et que j’ai su, car j’aime aussi profondément le sport, revenir et retrouver le plaisir dans la souffrance et la compétition ….
Merci de m’avoir lu jusqu’au bout.
Chris ARGOUET-NOCLAIN / Photo by Jack Thomas/Getty Images for IRONMAN