Discipline dans l’air du temps, la sophrologie est une science en plein développement qui propose à ses adeptes des démarches innovantes. Conscient de l’importance de la diététique pour les sportifs, le sophrologue les encourage à s’adresser à des nutritionnistes pour optimiser leur préparation.
Les changements alimentaires souhaités ne seront obtenus qu’au prix d’importants efforts difficiles à gérer. Dans cette perspective, l’approche peut s’inscrire dans le cadre d’un travail pluridisciplinaire. Le sophrologue prendra comme objet d’étude le programme effectué par le médecin nutritionniste ou le diététicien. Le suivi nutritionnel sera optimisé par des séances de sophrologie qui seront orientées vers un changement de comportement de l’individu et sur une régulation de ses émotions. En procédant ainsi un quotidien stressant ne parasitera pas la diète.
POURQUOI LA SOPHROLOGIE ?
Une pratique régulière de la sophrologie passe naturellement par le corps et le développement de la sensorialité. La séance permet de ressentir et de percevoir le corps autrement qu’avec une conscience ordinaire. Cette expérience entraîne un élargissement des représentations interne et externe de la personne. C’est en prenant pour limite la réalité que la répétition des sessions favorise la mise en place puis la consolidation, d’un sentiment interne de sécurité (confiance en soi). Ce processus ramène l’individu à ce qui est appelé « l’ici et maintenant ».
D’un point de vue global, il améliore la qualité de présence au monde qui entoure le sophronisant (1) tout en préservant ses affects, ses idées ou son raisonnement. Cette démarche l’encourage à s’éloigner de réflexes comportementaux défensifs, pour laisser de la place à son imagination créative, propice au changement. C’est dans le calme, l’apaisement de son corps et de sa conscience, que l’individu prend de la hauteur. Il vit, le temps de la séance, son quotidien sans les craintes ou les peurs habituelles, tout en restant objectif sur ses possibilités. Il a ainsi l’opportunité de reconsidérer une problématique sans tomber dans le piège du clivage. Ce continuum a d’autant plus d’efficacité que le sophrologue sait se distancier du résultat. Ce positionnement permet également d’éviter que ses propres projections n’aillent interférer dans le processus de changement. C’est ce que les psychanalystes nomment le contre-transfert (2).
« Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste
lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de
madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je
tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé,
sans la notion de sa cause. » PROUST Marcel, Du côté de chez Swann, GF Flammarion, Paris, 1987, p. 140
LES SAVEURS, LES ODEURS GENERENT DES EMOTIONS
A la lecture de Marcel Proust, il est facile d’imaginer son personnage goûter à une délicieuse madeleine, trempée dans le thé, qui le replonge dans des souvenirs jusque là rangés dans un coin de sa mémoire. Pour un rationaliste, les mots, les émotions ont certainement moins d’attraits que les chiffres et la raison. Les travaux du professeur David Sander de la section psychologie de l’université de Genève mettent en évidence que les odeurs qui passent par les voies nasales et les saveurs par les voies rétro-nasales sont évaluées émotionnellement par l’amygdale, l’hypothalamus et l’hippocampe (3).
Ce qui amène à penser que suite aux propositions de modification de l’alimentation, l’équilibre émotionnel d’une personne est contrarié. La réussite d’une diète ne tient pas seulement dans le conseil, aussi bon soit-il, il faut également que le « conseillé » se responsabilise. Demander, par exemple, à un athlète d’éliminer le gluten de son alimentation car il fait partie des 1% de la population qui est allergique, va logiquement engendrer des manques et des tensions sans qu’il puisse les expliquer. Et ce, même si les symptômes liés à l’allergie sont rapidement dépassés. C’est dans cet espace que l’utilisation de la sophrologie peut être déterminante. Elle permet à la personne de fabriquer de nouvelles représentations qui seront structurantes.
En 1985, un chercheur italien (4) découvrait les neurones miroirs. Leurs caractéristiques font qu’ils s’activent dans trois contextes distincts : quand nous effectuons un geste, quand nous avons l’intention de l’effectuer et quand nous l’observons sur l’un de nos semblables. Pour le cerveau, vivre l’action, l’imaginer ou regarder un tiers l’effectuer, active les mêmes circuits de neurones. Nous savons aujourd’hui que les neurones miroirs sont impliqués dans notre capacité d’apprentissage ou notre faculté à ressentir les émotions des autres. Le seuil « sophro-liminal » (5) permet au sportif de se contempler et de s’associer corporellement à l’image qu’il a de lui dans une action. C’est en imaginant des représentations inédites qu’il active des circuits de neurones particuliers. Ils vont faciliter l’acquisition de nouvelles habitudes alimentaires, sans qu’elles ne rentrent en conflit avec les anciennes. L’imagination est un outil précieux. Il est de la responsabilité des sophrologues de ne pas se laisser griser par l’envie de réussir. Le fait d’avoir conscience et de réellement se mettre en retrait du résultat, permet au praticien de faire preuve de neutralité et de bienveillance.
Laurent Favarel, sophrologue à Marseille.
.1 La personne qui expérimente la sophrologie
.2 Projections inconscientes du thérapeute sur son patient
.3 L’essentiel, Cerveau et Psycho, les émotions au pouvoir, août 2011
.4 Giacomo Rizzolatti, directeur du département de neurosciences de la faculté de médecine de Parme
.5 Entre veille et sommeil